Alstom a donné le parfait exemple des dangers que l’Etat représente pour le marché et les entreprises qui le compose lorsqu’il intervient directement: commandes tardives, partenariat inéquitable, promesses jamais tenues. L’Etat est le pire partenaire qui existe. Dans le domaine de la santé, l’Etat n’est pas en reste: la politique de Marisol Touraine vis-à-vis de l’hospitalisation privée le montre abondamment.
L’Etat, un concurrent déloyal
Dans le domaine hospitalier, commençons par rappeler quelques évidences salutaires. L’Etat y joue un triple rôle essentiel. Premièrement, il est l’administrateur in fine de l’assurance maladie, notamment à travers la direction de la sécurité sociale. Deuxièmement, il est le régulateur et la puissance réglementaire de l’hôpital, qui fixe notamment les tarifs et la politique d’offres. Troisièmement, il est l’employeur (au sens large) d’une grande partie des salariés qui font l’hôpital en France: soit parce qu’il est l’autorité de tutelle des hôpitaux publics, soit parce qu’il est celui qui fixe les règles et détermine la rémunération des fonctionnaires qui travaillent dans ces hôpitaux.
Pour les 1.000 cliniques privées de France (soit un tiers environ de l’offre de soins), l’Etat présente donc la particularité d’être à la fois l’arbitre qui fixe les règles du jeu, et le capitaine de l’équipe adverse qui concurrence directement l’activité économique. C’est un peu comme si Pepsi-Cola devait obéir à une réglementation élaborée par Coca-Cola…
Comment Touraine a accru cette déloyauté
Dans sa politique dévastatrice, directement inspirée par une nostalgie pour l’Union Soviétique, Marisol Touraine a fait adopter une loi (promulguée le 26 janvier 2016) créant, dans son article 99, le service public hospitalier. Dans la pratique, ce service public hospitalier constitue une étape importante dans une sorte de nationalisation de fait du système de santé. Les hôpitaux privés ont la possibilité de s’y inscrire si et seulement si ils se plient à des obligations, notamment tarifaires, qui entravent totalement leur autonomie.
Touraine veut tuer l’hôpital privé
Désormais pieds et poings liés dans un système où ils sont mis sous surveillance, les hôpitaux privés devraient prochainement bénéficier d’une autre mesure destinée à les « finlandiser », comme on disait à l’époque où l’Union Soviétique voulait s’assurer de la soumission d’un pays sans l’envahir ni le mettre en coupe réglée trop visible. La prochaine parution d’un décret sur les « bénéfices raisonnables » plafonnera la marge des hôpitaux privés à 10%. Au-delà, l’Etat récupérera les sommes perçues par les structures.
Officiellement, il s’agit de transposer une directive européenne. Dans la pratique, il s’agit surtout de remettre au pas un concurrent turbulent.
L’hôpital privé est beaucoup moins cher que le public
Contrairement aux idées reçues, l’hospitalisation privée est en effet beaucoup plus économique que l’hospitalisation publique. En moyenne, le coût des soins dans le privé est deux fois moins élevé que dans le public.
Dans le Quotidien du médecin, Anne Bayle-Iniguez retient que la chirurgie de la cataracte qui coûte 1 470 euros dans le public contre 1 147 euros dans le privé et l’extraction des dents de sagesse qui revient à 1 310 euros à l’hôpital et seulement 770 euros en clinique.
Pour Marisol Touraine, la réglementation, selon une bonne logique soviétique tenace, sert donc à empêcher la concurrence économique que les cliniques privées remportent face aux hôpitaux publics, au besoin en pillant d’autorité (façon Philippe le Bel sur les Templiers) les bénéfices de structures privées beaucoup plus performantes que les structures publiques.
L’hôpital privé va payer la note des mesures salariales de l’Etat
Cette année, la loi de financement de la sécurité sociale devrait donc servir à un transfert de richesse particulièrement simple. A l’approche des élections présidentielles, la gauche mène une politique de cadeau et d’achat de voix tout à fait transparente. Elle a notamment mis en place un plan de revalorisation du salaire des fonctionnaires. Elle a également, par la dernière convention quinquennale, revalorisé la consultation médicale de ville. Devinez qui va payer l’addition?
Les assurés sociaux, bien sûr, qui vont absorber une hausse de l’objectif de dépenses des hôpitaux, et l’hôpital privé qui va écoper d’une superbe mesure de plafonnement de ses tarifs. Et qui, dans l’hypothèse où il continuerait à gagner de l’argent, sera pillé en bonne et due forme par l’Etat.
Le président de la Fédération de l’Hospitalisation Privée estime à plusieurs milliers le nombre d’emplois perdus dans l’hospitalisation privée depuis l’arrivée de François Hollande au pouvoir. Ce chiffre paraît plausible, tant les fermetures d’établissements privés sont fréquentes. Ce chiffre équivaut donc à environ 6 usines Alstom fermées par la politique soviétique de Marisol Touraine, dans l’indifférence générale.
L’hôpital public va mal
Si ces fermetures intervenaient pour des raisons valables ou pour une amélioration de la qualité de soins dans les hôpitaux publics, nous pourrions nous en satisfaire. Tout le problème réside dans l’évidente dégradation des soins au coeur de l’hôpital public, et dans le mal-être grandissant des salariés qui y travaillent. Supprimer l’hôpital privé pour contraindre tous les patients à fréquenter un hôpital public en pleine implosion, c’est du suicide soviétique, ou nous avons perdu notre latin.