Alors que plus grand chose ne semble pouvoir empêcher les ordonnances travail d’entrer en vigueur, Emmanuel Macron reçoit aujourd’hui les partenaires sociaux afin d’échanger avec eux au sujet des réformes de l’assurance chômage, de la formation professionnelle et de l’apprentissage. Ces “concertations” ne devraient pas tant permettre de définir le contenu de ces réformes que le climat social du pays.
Le programme des réjouissances
Comme il l’avait fait en vue de la rédaction des ordonnances travail, l’exécutif lance aujourd’hui un nouveau cycle de “concertations” avec les dirigeants des principales organisations patronales et syndicales, en vue cette fois-ci de réformer l’assurance chômage, la formation professionnelle et l’apprentissage.
Le programme des réunions bilatérales entre le Président de la République est chargé. Il reçoit Jean-Claude Mailly (FO), à 9 heures, Philippe Martinez (CGT) à 10 heures, François Hommeril (CFE-CGC) à 11 heures, Alain Griset (U2P, ex-UPA) à 12 heures, Pierre Gattaz (Medef) à 15 heures, Philippe Louis (CFTC) à 16 heures et, enfin, François Asselin (CPME) à 17 heures. Indisponible aujourd’hui, Laurent Berger sera pour sa part reçu demain matin à 9 heures. Ces rencontres au sommet laisseront la place, dans les semaines à venir, à des bilatérales entre les responsables du ministère du Travail et ceux des confédérations patronales et salariales.
Au menu des discussions, deux sujets retiendront particulièrement l’attention des participants : la réforme de l’assurance chômage et celle de la formation professionnelle. Emmanuel Macron a en effet déjà annoncé ses intentions dans ces deux domaines et elles suscitent des inquiétudes – différentes, qui s’en étonnera ? – du côté des partenaires sociaux.
Vive le chômage !
En matière d’assurance chômage, comme M. Macron l’a promis durant la campagne présidentielle, il entend étendre l’indemnisation de ce risque aux travailleurs indépendants et aux salariés démissionnaires. Cette générosité affichée soulève de nombreuses questions. Comment calculer la cotisation des indépendants ? Auront-ils droit aux mêmes prestations que les salariés ? Les démissionnaires, quant à eux, auront-ils droit aux mêmes prestations que les salariés privés d’emploi ? Déjà endettée à hauteur de 30 milliards d’euros, l’assurance chômage ne supporterait pas le choc d’un élargissement important de ses prérogatives qui serait insuffisamment financé.
Les partenaires sociaux sont tout à fait conscients de cette équation et craignent par conséquent les évolutions possibles pour l’assurance chômage. Tout d’abord, tous s’accordent sur le refus d’une étatisation poussée du régime, qui passerait notamment par son financement massif par la CSG. Ensuite, les représentants des salariés refusent catégoriquement que la réforme se fasse à recettes inchangées ou presque, pénalisant ainsi les salariés privés d’emploi. Enfin, les représentants patronaux se montrent très dubitatifs à l’idée de l’institution d’un système de bonus-malus destiné à pénaliser les entreprises recourant trop aux contrats courts.
La formation professionnelle reprise en main
Comme les mauvaises nouvelles arrivent rarement seules, les partenaires sociaux redoutent également les projets de l’exécutif sur la formation professionnelle. Si le système actuel de formation professionnelle est parfois décrié comme peu efficace et difficile à comprendre, du point de vue des organisations patronales et salariales, il présente du moins deux avantages non négligeables : il leur assure certaines sinécures et certains financements utiles.
Les partenaires sociaux voient donc d’un oeil plutôt mauvais la volonté du gouvernement de reprendre en main les OPCA, le financement de la formation professionnelle et le contrôle des organismes habilités à dispenser des formations. En revanche, ils trouvent moins à redire quant à l’idée de renforcer le compte personnel de formation (CPF).
Le climat social en jeu
Comme souvent dans ce genre de configurations, les “concertations” qui débutent aujourd’hui ne devraient pas conduire l’exécutif à revoir fondamentalement ses projets de réforme. Les arbitrages qui seront rendus devraient, en particulier, permettre aux partenaires sociaux de sauver la face et de maintenir, au moins officiellement, leurs positions paritaires dans ke chômage et la formation professionnelle.
Mais l’enjeu essentiel de ce nouveau cycle de rencontres entre les dirigeants de l’Etat et les représentants patronaux et, surtout, syndicaux, est ailleurs. Engagés dans la mise sur pied d’une intersyndicale afin de réagir aux réformes sociales du gouvernement, les dirigeants des confédérations salariales françaises attendent d’en savoir plus sur les projets gouvernementaux en matière de chômage et de formation professionnelle avant de débattre de la nécessité de passer ou non la vitesse supérieure de la mobilisation générale.