En ce mardi 10 octobre, la mobilisation des fonctionnaires occulte celle des salariés du privé contre les ordonnances. L’intersyndicale qui s’est tenue hier soir afin d’évoquer la réforme du Code du Travail et, plus généralement, du marché du travail : formation professionnelle, apprentissage, assurance chômage et retraites, laisse pourtant entrevoir la possibilité d’un élargissement du mouvement dans le privé.
La CGT esseulée sur les ordonnances
Le principal enseignement de la réunion intersyndicale concerne la riposte sociale aux ordonnances portant réforme du Code du Travail : les dirigeants des principales confédérations syndicales françaises n’ont pas su s’accorder sur l’organisation d’une journée unitaire de mobilisation. Philippe Martinez espérait sans nul doute tirer profit de la rencontre avec ses homologues des autres centrales syndicales afin de les convaincre de descendre à leur tour dans la rue contre les textes gouvernementaux. Dans cet objectif, ne souhaitant pas perdre la main, il a d’emblée fait savoir qu’il appelait à une nouvelle journée de grève et de manifestation, pour le jeudi 19 octobre prochain. Malgré son incontestable enthousiasme contestataire, le secrétaire général de la CGT n’a pas atteint son objectif.
En particulier, la CFDT a réaffirmé qu’elle n’entendait pas se mobiliser contre les ordonnances par les grèves et les manifestations, mais en tentant de “peser” sur la rédaction des décrets d’application des ordonnances. Fidèle à son credo réformiste, Laurent Berger a jugé nécessaire de faire état de ses désaccords tactiques avec Philippe Martinez : “Le gouvernement attend peut-être un peu ça : un syndicalisme qui se marginalise en faisant croire qu’il est simplement dans un rôle de contestation. Je préfère être dans un rôle de construction”. Plus sobre, Force Ouvrière, pour sa part, s’est contentée de ne pas s’associer – dans l’état actuel des choses en tout cas – à la démarche de la CGT. Contraint par sa base de battre le pavé contre les ordonnances, Jean-Claude Mailly semble se réveiller difficilement de sa torpeur.
Vers une intersyndicale plus ambitieuse ?
Le coup d’épée dans l’eau de la CGT à propos des ordonnances ne signifie pourtant pas que l’intersyndicale n’a servi à rien du tout. Au contraire, elle a permis aux uns et aux autres de prendre date pour une nouvelle réunion, prévue le 24 octobre. Cette dernière sera l’occasion pour les dirigeants confédéraux de mutualiser les informations qu’ils auront pu glâner lors des rencontres bilatérales prévues cette semaine avec l’Elysée au sujet des intentions de l’exécutif en matière de formation professionnelle, d’apprentissage et d’assurance chômage. Si les hiérarques syndicaux semblent, pour la plupart, s’être faits à l’idée de la mise en oeuvre des ordonnances, ils n’entendent en revanche pas laisser le gouvernement aller trop loin sur la réforme plus générale du marché du travail.
Dans cette configuration, la prochaine intersyndicale pourrait bien s’avérer plus fructueuse que celle d’hier en termes d’appels à la contestation. Chats échaudés craignant l’eau froide, les représentants des centrales syndicales anticipent de sombres desseins gouvernementaux et mettent donc en garde. Ainsi, pour FO, Pascal Pavageau a annoncé la couleur : “A l’issue du 24 octobre, on décidera de ce que nous ferons”. Même message du côté de la CFE-CGC, jugeant “pas impossible […] une unité à la prochaine date du 24. Ce sera de toute façon à l’ordre du jour”. Par la voix de Véronique Descacq, la CFDT elle aussi commence à perdre son sang froid : “on est tous d’accord pour dire qu’il y a de l’inquiétude sur ce qui va être fait en termes de formation professionnelle et d’assurance chômage, qu’il y a beaucoup d’incertitudes”.
Le ton monte donc, à défaut d’autre chose…