Semaine à oublier, décidément, pour Pascal Pavageau, le secrétaire général de Force Ouvrière. Après la malheureuse affaire du fichier interne instruit en 2016 par deux de ses proches en vue de l’élection à la présidence de FO, voici que l’unité de la confédération est mise à mal par la FGTA, la puissante fédération de l’agroalimentaire. Cette dernière ne semble guère apprécier la méthode Pavageau et ne s’en cache pas du tout.
Les yeux doux pour commencer…
Dans une lettre ouverte à Pascal Pavageau publiée après la manifestation nationale du 9 octobre sur le site internet de la FGTA-FO, Michel Enguelz, représentant de FO au sein de Carrefour et secrétaire fédéral, se demande : “où nous emmènes-tu, Pascal ?”. Certes, M. Enguelz débute son propos en cognant sur le gouvernement. Il affirme comprendre les raisons qui ont conduit à la mobilisation de mardi dernier : “Les motifs légitimes de mécontentement à l’égard des lois qui sapent notre modèle social sont nombreux, avec leur lot de conséquences néfastes sur le pouvoir d’achat des salariés et retraités, ainsi que sur les capacités que nous, organisations syndicales, avons à notre disposition pour défendre leurs intérêts”. Qu’on se le tienne donc pour dit : la FGTA-FO n’est pas d’accord avec la politique sociale d’Emmanuel Macron.
L’épouvantail de la “CGT-bis”
Encore que, comme le précise bien Michel Enguelz, la FGTA est tout de même moins en désaccord avec cette politique que ne l’est FO. Des “différences” d’analyses existent sur le fond entre les deux organisations. Mais là n’est pas l’essentiel. Le plus grave, d’après le responsable de la FGTA, c’est “la forme” que prend la riposte initiée par FO. L’attaque est frontale : “Qui à FO veut d’une Confédération qui soit une CGT-bis ? Quel adhérent FO se retrouve dans une organisation qui se contente de dénoncer vainement en gesticulant plutôt que de négocier pied à pied pour améliorer concrètement ce que la loi propose, ce que nous faisons chaque jour dans les entreprises ? Quelle équipe syndicale FO souhaite s’associer à une CGT qui dans le secteur privé incarne ceux qui ne proposent rien, ceux qui insultent, ceux qui nuisent à l’image du syndicalisme constructif ?” Pascal Pavageau appréciera, Philippe Martinez aussi.
La loyauté en jeu
Bien lancé, Michel Enguelz en vient à tenir un discours relatif à la loyauté interne à la ligne défendue par Pascal Pavageau. Que celui-ci se rassure : “Certes, nous sommes loyaux envers notre Confédération, nous avons relayé son appel”. Ouf ! Mais c’est ensuite que les choses se compliquent. Car il faut croire que même parmi les responsables de la FGTA – soit : des syndicalistes permanents qui n’ont pas besoin de faire grève une journée, et donc de perdre du salaire, afin de participer à une manifestation – l’appel à la mobilisation n’a pas séduit. Seuls “certains d’entre [eux] sont descendus dans la rue” écrit M. Enguelz. Faisant mine de prendre ceci pour un signe de loyauté, il enfonce le clou : “Mais combien ?”. La réponse se trouve quelques lignes plus bas : “La faible mobilisation d’hier apporte un début de réponse”. En somme : les troupes ne suivent plus le général.
Une méthode en cause
Au total, on l’aura bien compris, la fédération tenue par Dejan Terglav s’oppose frontalement à la méthode du nouveau secrétaire général de la CGT-FO. D’après la FGTA, il faut rompre avec la stratégie d’alliance “avec la seule CGT”, stratégie qui s’avère “contre-productive et fait figure de repoussoir pour nos militants”. Au contraire, elle estime qu’il convient de travailler avec “toutes les confédérations syndicales”, “condition sine qua non pour entamer un début de rapport de force. Sans elle, salariés et retraités n’obtiendront rien”. En guise de conclusion, la FGTA appelle Pascal Pavageau à se ressaisir au plus vite : “Pascal, nous sommes mobilisés pour porter haut les couleurs de FO, mais celles-ci doivent refléter nos valeurs, pas leur antithèse”. Jean-Claude Mailly appréciera probablement le propos d’ensemble…
Une question est finalement posée : cette critique cinglante de la méthode Pavageau est-elle partagée au-delà de la FGTA, qui, il faut bien le reconnaître, n’incarne traditionnellement pas vraiment l’aile gauche de FO ?