Présentes dès l’ouverture de la Maison de Santé Pluridisciplinaire (MSP) en 2015, une ostéopathe et une psychologue se sont vues notifier leur interdiction d’exercer dans la MSP par des institutions de masseurs-kinésithérapeutes. Une décision qui va à l’encontre de l’intérêt général.
La hache de guerre entre médecine traditionnelle et médecine alternative n’est pas prête d’être enterrée. A Châtres-sur-Cher, ce sont les premiers qui ont dégainés et qui sont en passe de remporter le duel.
Les kinésithérapeutes font expulser une ostéopathe et une psychologue
L’affaire remonte au 4 avril 2018. Alors que dans la maison de santé pluridisciplinaire (MSP) se côtoient paisiblement huit praticiens (deux médecins généralistes, trois infirmières, une psychologue, une ostéopathe et un kinésithérapeute), un huissier de justice fait irruption et notifie à la psychologue et l’ostéopathe leur expulsion de la MSP.
La requête émane de l’Union régionale des professionnels de santé des masseurs-kinésithérapeutes libéraux du Centre-Val de Loire et du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes de Loir-et-Cher.
Le docteur Michel Daunay, qui a porté le projet de la MSP à Châtres-sur-Cher, explique qu’en « mars 2015, nous avons reçu une lettre du conseil départemental de l’ordre des kinésithérapeutes, nous disant qu’il était anormal qu’une ostéopathe soit installée dans les locaux. J’ai appelé l’Agence régionale de santé qui m’a rassuré en me signifiant que cette professionnelle pouvait rester. «
De son côté, Etienne Panchout, président du conseil départemental de l’ordre des masseurs-kinésithérapeutes déclare « n’être en guerre contre personne mais la MSP de Châtres-sur-Cher ne respecte pas la législation. »
Nous n’avons rien contre les ostéopathes exclusifs, mais réunir dans les mêmes locaux des professionnels sans fondement scientifique et d’autres qui relèvent de la médecine et des sciences peut perturber les patients dans le choix des thérapies. Si elles n’ont pas le droit de travailler dans la MSP, l’ostéopathe et la psychologue peuvent s’installer à côté. Nous essayons de faire respecter la déontologie et le cadre réglementaire d’exercice. A un moment donné, il faut que chaque professionnel fasse un effort pour prouver sa pratique. Si nous avons écho de pratiques semblables ailleurs, nous enverrons également un courrier et si rien n’est fait, nous irons plus loin.
La psychologue, une victime collatérale ?
Si la motivation des institutions de kinésithérapeutes d’expulser l’ostéopathe de la MSP est clairement exprimée, les motifs sont beaucoup moins clairs concernant le cas de la psychologue. Contactée par nos soins, Sylvie Doucet-Lauverjat, maire de Châtres-sur-Cher, ne peut, elle aussi, que supposer.
Je pense aussi qu’il s’agit d’une victime collatérale. Sur le plan juridique, l’ostéopathe n’est pas enregistrée comme une professionnelle de santé du fait de sa pratique. Le cas de la psychologue est plus complexe car la psychologie est enregistrée au Répertoire Partagé des Professionnels de Santé, à l’Adeli et elle peut exercer dans les hôpitaux. Mais légalement, elle n’est pas non plus une professionnelle de santé stricto sensu. Je pense donc que c’est dans un souci de cohérence que les deux praticiens ont été visés.
Plus surprenant, Madame Doucet-Lauverjat nous informe que seule la psychologue est en possession de la requête de l’huissier. L’ostéopathe n’étant pas sur place au moment de la venue de l’huissier de justice, il n’a pu lui remettre la lettre. « Depuis, les deux praticiennes travaillent presque normalement, mais l’huissier de justice n’est pas revenu. On ne sait pas s’il fera son retour. »
Le soutien aux deux praticiennes contre le corporatisme des kinés
Les deux praticiennes visées par l’ordre d’expulsion de la MSP ont reçu un soutien sans faille de la part de nombreux acteurs de la région. D’abord de Sylvie Doucet qui affirme « qu’il est hors de question qu’ils parent de la MSP. S’il faut construire une cloison ou une porte pour les mettre légèrement à l’écart, on le fera.«
Leurs collègues de la MSP ont aussi exprimé leur soutien. Michel Daunay explique que le kinésithérapeute « était au courant de la présence d’une ostéopathe et cela ne lui posait aucun problème. » Ce dernier reconnait même qu’ils sont « complémentaires ».
Parallèlement à cela, l’Agence Régionale de Santé, le Conseil Régional, le département qui sont tous financeurs de la MSP ont aussi exprimés leur soutien aux praticiens. Un voeu partagé par Guillaume Peltier, député LR du Loir-et-Cher.
Une pétition en ligne a même été lancée. A l’heure où nous écrivons l’article, elle comporte déjà 3 140 signatures alors que la commune ne compte qu’environ 1 000 habitants. En attendant, les deux praticiens continuent d’exercer à la MSP. Mais pour combien de temps encore ?