Le 8 août 2016, la justice Belge a saisi la CJUE afin d’obtenir l’interprétation d’une directive portant sur les comptes annuels de certaines formes de société, et indirectement sur la cession de droit d’option des actions. Il s’agit de la quatrième directive 78/660/CEE/
La justice belge faisait en effet face à certaines difficultés d’interprétation de cette directive lors de deux litiges portant sur l’impôt sur les sociétés. Ces litiges opposaient alors deux SPRL débitrices de l’impôt à l’Etat belge. Toute la problématique reposait alors sur la date de comptabilisation du prix de la cession de droits d’option sur des actions, émis par les deux sociétés.
La CJUE a rendu sa décision le 15 juin 2017.
Le contexte : litige Belge sur la cession de droit d’option sur des actions
La CJUE rappelle tout d’abord quel était le contexte litigieux en Belgique. Ce contexte se divise en 2 affaires.
Les deux affaires concernent deux SPRL bien distinctes. Toutes 2 avaient émis, en faveur de leur gérant, un droit d’option sur des actions à titres onéreux. Le prix de ces options avait ensuite été comptabilisé dans un compte de régulation du passif de la société, et non comme produit au compte du résultat.
L’administration s’est opposée à cette méthode de comptabilisation utilisée par les 2 SPRL, celle-ci entraînant une surévaluation des charges (et donc une baisse de l’imposition) au profit des sociétés.
Au terme d’une longue procédure, les affaires ont chacune été portées devant une Cour d’appel, qui finira par saisir la CJUE sur la question de la cession de droit d’option sur des actions.
La Cour d’appel Belge effectue une analyse de 3 avis rendus par la Commission des Normes Comptables (CNC) sur différentes formes de comptabilisation possibles. Elle relève cependant quelques réserves sur la compatibilité d’une approche retenue par l’avis de la Commission avec la directive 78/660/CEE.
En effet, elle se demande si la possibilité pour une société de comptabiliser le prix du droit d’option dans l’exercice comptable de l’année durant laquelle l’option a été levée (ou au terme de sa validité) est compatible avec la directive en question. Elle relève sur ce point que cette comptabilisation permet de tenir compte du risque assumé par l’émetteur de l’option et ce, directement à la suite de son engagement. Le risque est ainsi plus grand que lorsque la comptabilisation du prix est effectuée pendant l’exercice durant lequel la cession de l’option est accomplie et le prix définitivement fixé.
Cession de droit d’option sur des actions : 2 principes à respecter
Les Cours de renvoi demandent, en premier lieu, si les principes de l’image fidèle et de prudence énoncés par l’article 2 de la directive 78/660 s’opposent à une comptabilisation du prix de cession de droit sur une option, effectuée au cours de l’exercice comptable durant laquelle l’option est levée (et non au terme de la durée de validité de l’option).
La Cour retient que le principe de l’image fidèle est un objectif fondamental de la directive 78/660/CEE : les comptes annuels doivent en effet donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ou des résultats d’une société. Ces comptes doivent, de plus, refléter les opérations et activités qu’ils décrivent, de la manière la plus adaptée aux besoins d’information des tiers.
Par ailleurs, l’image fidèle oblige, selon l’article 31 de la directive, à ce que soient pris en compte des éléments tels que les bénéfices réalisés ou les charges, réellement afférents à l’exercice en cause.
La CJUE précise que la directive ne contient aucune indication spécifique sur le droit d’option sur action ainsi que sur la manière dont ces prix d’option doivent-être comptabilisés. Il est ainsi possible d’utiliser différentes méthodes de comptabilisation (comme l’avait fait remarquer la Cour d’appel Belge), mais à la seule condition que ces méthodes soient compatibles avec les principes prévus par la directive.
La CJUE avance ainsi 2 arguments :
En premier lieu, cette méthode n’est pas contraire au principe de prudence, car comme l’avait justement précisé les juridictions de renvoi, le prix de la cession de l’option constitue la rémunération du risque assumé par la société émettrice durant toute la durée de l’option. La CJUE affirme ainsi que la comptabilisation du prix de cession effectué une fois qu’il est devenu possible de déterminer de manière définitive si ce risque s’est réalisé ou non, est donc justifiée au regard du principe de prudence.
En second lieu, la CJUE souligne le respect, par cette méthode, du principe de l’image fidèle. En effet, elle affirme que le risque encouru est plus important lorsque le prix de la cession de l’option est comptabilisé avant/au cours/à l’échéance de l’exercice du droit d’option. La Cour explique que le risque est bien moins important lorsque la comptabilisation se fait au cours de l’exercice pendant lequel l’option est levée ou vient à échéance.
La CJUE conclut en affirmant que les principes de l’image fidèle et de prudence énoncés par la directive 78/660 ne s’opposent pas à une méthode de comptabilisation, par laquelle une société émettrice d’un droit d’option sur des actions, comptabilise en produit le prix de la cession de cette option et ce, durant l’exercice comptable pendant laquelle ladite d’option a été levée ou au terme de la validité de celle-ci.
En d’autres termes, la CJUE confirme la compatibilité de la méthode de comptabilisation utilisée par les 2 sociétés avec les principes susvisés, et ainsi sa conformité avec la directive 78/660/CEE.
Arrêt
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article [50, paragraphe 2, sous g), TFUE], et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO 1978, L 222, p. 11), telle que modifiée par la directive 2003/51/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 juin 2003 (JO 2003, L 178, p. 16) (ci-après la « directive 78/660 »).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de litiges opposant, d’une part, Immo Chiaradia SPRL et, d’autre part, Docteur De Bruyne SPRL à l’État belge au sujet de l’impôt sur les sociétés dû par les requérantes au principal, respectivement, pour les exercices d’imposition 2006 et 2008.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le troisième considérant de la directive 78/660 énonce :
« considérant qu’il est […] nécessaire que soient établies dans la Communauté des conditions juridiques équivalentes minimales quant à l’étendue des renseignements financiers à porter à la connaissance du public par des sociétés concurrentes ».
4 Aux termes de l’article 2, paragraphe 3, de la directive 78/660 :
« Les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société. »
5 L’article 20, paragraphe 1, de la directive 78/660 prévoit :
« Les provisions ont pour objet de couvrir des pertes ou dettes qui sont nettement circonscrites quant à leur nature et qui, à la date de clôture du bilan, sont ou probables ou certaines, mais indéterminées quant à leur montant ou quant à la date de leur survenance. »
6 L’article 31, paragraphe 1, de la directive 78/660 dispose :
« Les États membres assurent que l’évaluation des postes figurant dans les comptes annuels se fait suivant les principes généraux suivants :
[…]
c) le principe de prudence doit en tout cas être observé et notamment :
aa) seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture du bilan peuvent y être inscrits ;
bb) il doit être tenu compte de tous les risques qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même si ces risques ne sont connus qu’entre la date de clôture du bilan et la date à laquelle il est établi ;
cc) il doit être tenu compte des dépréciations, que l’exercice se solde par une perte ou par un bénéfice ;
d) il doit être tenu compte des charges et produits afférents à l’exercice auquel les comptes se rapportent, sans considération de la date de paiement ou d’encaissement de ces charges ou produits ;
e) les éléments des postes de l’actif et du passif doivent être évalués séparément ;
[…] »
Le droit belge
7 L’article 41 de la loi du 26 mars 1999 relative au plan d’action belge pour l’emploi 1998 et portant des diverses dispositions (Moniteur belge du 1er avril 1999, p. 10904), dans sa version applicable aux litiges au principal (ci-après la « loi du 26 mars 1999 »), prévoit :
« Pour l’application de la présente sous-section, on entend par :
1° société : toute société belge ou étrangère dotée de la personnalité juridique ;
2° action : toute action, part ou part bénéficiaire d’une société ;
3° option : le droit d’acheter ou de souscrire, à l’occasion de l’augmentation du capital d’une société, un nombre déterminé d’actions à un prix déterminé ou déterminable pendant une période déterminée ;
[…]
5° bourse : tout marché réglementé ou autre marché ouvert régulièrement actif. »
Les litiges au principal et la question préjudicielle
8 Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-444/16 que, le 11 février 2002, Immo Chiaradia a émis, en faveur de son gérant, un droit d’option sur actions à titre onéreux portant sur un panel de 2 360 actions d’une autre entreprise dans le cadre de la loi du 26 mars 1999. Le prix de l’option s’élevait à 12 942 euros et correspondait au montant de l’avantage de toute nature, tel que déterminé par cette loi, soit à 20 % de la valeur des titres s’élevant à 64 709,36 euros.
9 Le 26 août 2005, Immo Chiaradia a émis en faveur de son gérant un second droit d’option sur actions à titre onéreux portant sur un panel de 18 423 actions d’une autre entreprise dans le cadre de la loi du 26 mars 1999. Le prix de l’option s’élevait à 9 996,35 euros et correspondait au montant de l’avantage de toute nature, tel que déterminé par cette loi, soit à 20 % de la valeur des titres s’élevant à 49 981,77 euros.
10 Le prix des options a été comptabilisé dans un compte de régularisation du passif d’Immo Chiaradia et n’a donc pas été inscrit comme produit au compte de résultat.
11 Le gérant d’Immo Chiaradia a exercé partiellement son second droit d’option lors de l’exercice d’imposition 2006, à l’occasion duquel Immo Chiaradia a enregistré une moins-value de 3 265 euros.
12 Le 13 novembre 2008, l’administration fiscale a adressé un avis de rectification à Immo Chiaradia, par lequel elle l’avisait de son intention de procéder à la taxation immédiate en réserve occulte des prix des options pour l’exercice d’imposition 2006 à concurrence d’un montant de 22 708,35 euros.
13 Malgré l’opposition d’Immo Chiaradia, l’administration fiscale a adressé à cette dernière une décision de taxation, confirmant son intention d’imposer au titre de la surévaluation du passif le prix de l’option payé par le gérant qui constituait, selon elle, un avantage de toute nature à comptabiliser en produit pour l’exercice d’imposition 2006, bilan clôturé au 31 décembre 2005. L’administration fiscale a ainsi enrôlé une cotisation supplémentaire à la charge d’Immo Chiaradia le 23 décembre 2008 pour l’exercice d’imposition 2006.
14 La réclamation introduite par Immo Chiaradia contre cette imposition le 14 janvier 2009 a été rejetée par une décision de l’administration fiscale du 24 mai 2012.
15 Le 6 août 2012, Immo Chiaradia a introduit un recours tendant à l’annulation de l’imposition litigieuse devant le tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons (Belgique), qui a été rejeté par un jugement du 3 avril 2014.
16 Immo Chiaradia a ensuite interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Mons, le 30 juin 2014. Par son action, elle entend voir ordonner l’annulation de l’imposition litigieuse au motif qu’aucune disposition légale ne prescrit un mode de comptabilisation ou organise un régime fiscal propre à l’option en cause. Elle fait valoir qu’elle a comptabilisé l’opération conformément à l’avis 167/1 de la Commission des Normes Comptables (CNC) en choisissant de considérer que le prix perçu par l’émetteur d’un droit d’option constitue la rémunération du risque assumé par l’émetteur durant toute la durée de l’option et que ce n’est, dès lors, qu’à l’expiration de celle-ci que ledit prix est économiquement mérité et doit être comptabilisé en résultat.
17 La juridiction de renvoi observe que, dans plusieurs de ses arrêts, elle a considéré que l’administration fiscale ne pouvait pas imposer le prix de l’option à titre de réserve occulte. Dans ces arrêts, elle a relevé que, en l’absence de dérogation expresse prévue par les règles fiscales, les bénéfices imposables sont déterminés conformément aux règles comptables. Ensuite, elle a analysé trois avis de la CNC, y compris l’avis 167/1.
18 Dans lesdits arrêts, la juridiction de renvoi a relevé que l’avis 167/1 propose deux approches pour le traitement comptable du prix perçu en contrepartie du droit d’option émis. Selon la première approche, le prix du droit d’option est pris immédiatement en résultat. Selon la seconde approche, ce prix est considéré comme un produit différé jusqu’à l’échéance de l’option et, dès lors, est comptabilisé comme un produit à reporter. La juridiction de renvoi a estimé que la seconde approche était justifiée, tout en observant également que cette approche était préférée par la CNC en application du principe de prudence.
19 L’État belge met en doute la compatibilité de ladite seconde approche avec la directive 78/660. Il se demande notamment si le fait qu’une société puisse comptabiliser en produit le prix du droit d’option en cause au cours de l’exercice comptable pendant lequel ladite option est levée ou au terme de la durée de validité de celle-ci afin de tenir compte du risque qu’assume l’émetteur de l’option à la suite de l’engagement qu’il prend et non au cours de l’exercice pendant lequel la cession de l’option est accomplie et le prix de celle-ci définitivement acquis, le risque assumé par l’émetteur de l’option étant évalué séparément par la comptabilisation d’une provision, est compatible avec ladite directive.
20 Il ressort de la décision de renvoi dans l’affaire C-445/16 que, par une convention en date du 12 décembre 2006, Docteur De Bruyne a émis, en faveur de sa gérante, un droit d’option sur actions à titre onéreux portant sur 540 actions d’une autre entreprise dans le cadre de la loi du 26 mars 1999. Le prix de l’option s’élevait à 12 550,68 euros et correspondait au montant de l’avantage de toute nature, tel que déterminé par cette loi, soit à 20 % de la valeur des titres s’élevant à 62 753,40 euros.
21 Le prix de l’option a été comptabilisé dans un compte de régularisation du passif de Docteur De Bruyne et n’a donc pas été inscrit comme produit au compte de résultat.
22 Le 16 novembre 2009, l’administration fiscale a adressé un avis de rectification à Docteur De Bruyne, par lequel elle l’avisait que, en ce qui concerne l’exercice d’imposition 2008, le prix de l’option de 12 550,68 euros constituait un revenu définitif pour la société et, à ce titre, il devait être comptabilisé dans un compte de produits relatif à l’exercice comptable 2007.
23 Malgré l’opposition de Docteur De Bruyne, l’administration fiscale a adressé à cette dernière une décision de taxation le 21 décembre 2009, confirmant son intention d’imposer le prix de l’option, qui constituait, selon elle, un avantage de toute nature à comptabiliser en produit pour l’exercice d’imposition 2008, bilan clôturé au 31 décembre 2007. L’administration fiscale a ainsi enrôlé une cotisation supplémentaire à charge de Docteur De Bruyne le 14 janvier 2010 pour l’exercice d’imposition 2008.
24 La réclamation introduite par Docteur De Bruyne contre cette imposition le 5 mars 2010 a été rejetée par une décision de l’administration fiscale du 26 avril 2012.
25 Le 18 juillet 2012, Docteur De Bruyne a introduit un recours tendant à l’annulation de l’imposition litigieuse devant le tribunal de première instance du Hainaut, division de Mons, qui a été rejeté par un jugement du 8 mai 2014.
26 Docteur De Bruyne a interjeté appel de ce jugement devant la cour d’appel de Mons le 4 juillet 2014.
27 Dans ces conditions, la cour d’appel de Mons, pour des motifs similaires dans les deux affaires, a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour une question préjudicielle, identique dans ces deux affaires :
« Est-il compatible avec les règles d’établissement du bilan prévues par la [directive 78/660], règles selon lesquelles :
– les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société (article 2, paragraphe 3, de la directive 78/660) ;
– les provisions pour risques et charges ont pour objet de couvrir des pertes ou dettes qui sont nettement circonscrites quant à leur nature mais, à la date de la clôture du bilan, sont ou probables ou certaines mais indéterminées quant à leur montant ou à la date de leur survenance (article 20, paragraphe l, de la directive 78/660) ;
– le principe de prudence doit en tout cas être observé et notamment :
– seuls les bénéfices réalisés à la date de clôture du bilan peuvent y être inscrits ;
– il doit être tenu compte de tous les risques prévisibles et pertes éventuelles qui ont pris naissance au cours de l’exercice ou d’un exercice antérieur, même si ces risques ou pertes ne sont connus qu’entre la date de clôture du bilan et la date à laquelle il est établi [article 31, paragraphe 1, sous c), aa) et bb), de la directive 78/660] ;
– il doit être tenu compte des charges et produits afférents à l’exercice auquel les comptes se rapportent, sans considération de la date de paiement ou d’encaissement de ces charges ou produits [article 31, paragraphe l, sous d), de la directive 78/660] ;
– les éléments des postes de l’actif et du passif doivent être évalués séparément [article 31, paragraphe l, sous e), de la directive 78/660].
qu’une société émettrice d’une option sur action puisse comptabiliser en produit le prix de la cession de ladite option au cours de l’exercice comptable où ladite option est levée ou au terme de la durée de validité de celle-ci afin de tenir compte du risque qu’assume l’émetteur de l’option à la suite de l’engagement qu’il prend [et] non au cours de l’exercice où la cession de l’option est accomplie et le prix de celle-ci définitivement acquis, le risque assumé par l’émetteur de l’option étant évalué séparément par la comptabilisation d’une provision ? »
28 Par décision du président de la Cour du 13 septembre 2016, les affaires C‑444/16 et C‑445/16 ont été jointes aux fins de l’arrêt.
Sur la question préjudicielle
Sur la recevabilité
29 La question de la recevabilité de la question préjudicielle a été soulevée tant par les requérantes au principal que par la Commission européenne.
30 En premier lieu, la Commission fait remarquer que le litige au principal est de nature fiscale. Or, la question préjudicielle porterait sur l’interprétation de la directive 78/660, qui concerne les comptes annuels de certaines formes de sociétés.
31 Certes, la directive 78/660 n’a pas pour objet de fixer les conditions dans lesquelles lesdits comptes peuvent ou doivent servir de base pour la détermination, par les autorités fiscales des États membres, de l’assiette et du montant de taxes, telles que l’impôt des sociétés en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE, C‑322/12, EU:C:2013:632, point 28).
32 Toutefois, il ne saurait être déduit de ce constat que la question préjudicielle est irrecevable. Il y a lieu de rappeler que le refus de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 17 mars 2016, Aspiro, C‑40/15, EU:C:2016:172, point 17 et jurisprudence citée).
33 À cet égard, il convient de rappeler que la Cour a déjà reconnu que les comptes annuels des sociétés peuvent être utilisés comme base de référence par les États membres à des fins fiscales (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE, C‑322/12, EU:C:2013:632, point 28 et jurisprudence citée). Or, il ressort des décisions de renvoi que, en droit belge, en l’absence de dérogation expresse prévues par les règles fiscales, les bénéfices imposables sont déterminés conformément aux règles comptables et que la législation belge pertinente ne comporte aucune disposition relative à la technique de comptabilisation du prix de l’option.
34 Dans ces conditions, il n’apparaît pas de manière manifeste que l’interprétation du droit de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet des litiges au principal.
35 En second lieu, les requérantes au principal demandent, en substance, si la directive 78/660 peut être valablement invoquée par l’État belge dans les litiges au principal, étant donné que, selon elles, cette directive n’a pas été transposée concrètement en droit belge.
36 À cet égard, il y a lieu de relever que, si les dispositions du droit national en cause au principal n’ont pas repris de manière littérale les dispositions de la directive 78/660, il n’est pas contesté que l’établissement des comptes annuels des sociétés s’effectue dans le respect de l’objet, des principes et des dispositions de cette directive, de sorte que l’interprétation donnée par la Cour des dispositions de ladite directive serait contraignante pour la résolution de l’affaire au principal par la juridiction de renvoi (voir, par analogie, arrêt du 7 janvier 2003, BIAO, C‑306/99, EU:C:2003:3, points 92 et 93). En outre, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il incombe, dans de telles conditions, à la juridiction de renvoi d’interpréter, dans la mesure du possible, le droit national pertinent à la lumière du droit de l’Union et, en l’occurrence, de la directive 78/660 (voir, par analogie, arrêt du 17 mars 2016, Aspiro, C‑40/15, EU:C:2016:172, point 18).
37 Partant, la question préjudicielle doit être considérée comme étant recevable.
Sur le fond
38 Par sa question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si, notamment, les principes de l’image fidèle et de prudence énoncés respectivement à l’article 2, paragraphe 3, et à l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 78/660 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une méthode de comptabilisation selon laquelle une société émettrice d’un droit d’option sur actions comptabilise en produit le prix de la cession de cette option au cours de l’exercice comptable pendant lequel ladite option est levée ou au terme de la durée de validité de celle-ci.
39 À titre liminaire, il convient de souligner que la directive 78/660, selon son troisième considérant, ne vise qu’à établir des conditions minimales quant à l’étendue des renseignements financiers à porter à la connaissance du public (arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE, C‑322/12, EU:C:2013:632, point 29 et jurisprudence citée).
40 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, le respect du principe de l’image fidèle constitue l’objectif primordial de la directive 78/660. Selon ce principe, figurant à l’article 2, paragraphe 3, de cette directive, les comptes annuels doivent donner une image fidèle du patrimoine, de la situation financière ainsi que des résultats de la société (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE, C‑322/12, EU:C:2013:632, point 30 et jurisprudence citée).
41 La Cour a interprété ce principe de manière souple, en considérant qu’il exige, d’une part, que les comptes reflètent les activités et les opérations qu’ils sont censés décrire et, d’autre part, que les informations comptables soient données dans la forme jugée la plus valable et la mieux adaptée à satisfaire les besoins d’informations des tiers, sans porter préjudice aux intérêts de la société concernée (arrêt du 14 septembre 1999, DE + ES Bauunternehmung, C‑275/97, EU:C:1999:406, point 27).
42 La Cour a déjà eu l’occasion de préciser que l’application du principe de l’image fidèle doit être guidée, dans la mesure du possible, par les principes généraux figurant à l’article 31 de la directive 78/660, au sein desquels le principe de prudence énoncé à l’article 31, paragraphe 1, sous c), de cette directive revêt une importance particulière (arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE, C‑322/12, EU:C:2013:632, point 32 et jurisprudence citée).
43 En vertu des dispositions de l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 78/660, énonçant le principe de prudence, la prise en compte de l’ensemble des éléments – bénéfices réalisés, charges, produits, risques et pertes – qui sont réellement afférents à l’exercice en cause permet d’assurer le respect du principe de l’image fidèle (arrêt du 3 octobre 2013, GIMLE, C‑322/12, EU:C:2013:632, point 33 et jurisprudence citée).
44 S’agissant des droits d’option sur actions, tels que ceux en cause au principal, ladite directive ne contient aucune indication spécifique relative à la méthode selon laquelle le prix de ces options doit être comptabilisé. Ainsi que la Commission l’a fait remarquer dans ses observations soumises à la Cour, il existe donc nécessairement différentes méthodes compatibles avec la directive 78/660 pour autant qu’elles respectent les principes généraux établis par cette directive.
45 À cet égard, il convient de relever qu’il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour qu’une méthode de comptabilisation, telle que celle en cause dans les litiges au principal, selon laquelle une société émettrice d’un droit d’option sur actions peut comptabiliser en produit le prix de la cession de cette option au cours de l’exercice comptable pendant lequel ladite option est levée ou au terme de la durée de validité de celle-ci, ne respecte pas lesdits principes.
46 D’une part, le fait pour une société émettrice d’un droit d’option sur actions de ne comptabiliser en produit le prix de la cession de cette option qu’après l’exercice de l’option ou à son échéance n’est pas contraire au principe de prudence. En effet, il ressort des décisions de renvoi que ce prix constitue la rémunération du risque assumé par la société émettrice durant toute la durée de l’option. Il est donc justifié, eu égard au principe de prudence, de ne comptabiliser en produit ce prix qu’une fois qu’il est possible de déterminer de manière définitive si ce risque, auquel il est étroitement lié, s’est ou non réalisé.
47 D’autre part, il ne saurait être exclu, ainsi que les requérantes au principal le font valoir dans leurs observations soumises à la Cour, que, lorsque le prix de la cession de l’option est comptabilisé en produit au cours de l’exercice pendant lequel le droit d’option est émis et avant l’exercice de celui-ci ou, le cas échéant, son échéance, la comptabilité des sociétés émettrices présente, dans les exercices suivant l’émission du droit d’option, un risque plus important que celui qui se présente en cas de comptabilisation au cours de l’exercice pendant lequel l’option est levée ou l’option vient à échéance. En effet, le risque encouru en raison de l’éventuelle augmentation du cours des titres sous-jacents aux options peut être en réalité atténué par le montant du prix de la cession de l’option, qui constitue une rémunération de ce risque. Dans ces circonstances, une méthode de comptabilisation, telle que celle en cause dans les litiges au principal, ne serait pas contraire au principe de l’image fidèle.
48 Il convient d’ajouter que, bien que la question préjudicielle fasse référence à l’article 20 de la directive 78/660, cet article n’est pas pertinent pour répondre à cette question qui porte, en substance, sur la comptabilisation du prix de l’option et non pas sur la comptabilisation d’une provision pour couvrir des pertes ou des dettes qui sont ou probables ou certaines.
49 Dans ces conditions, il convient de répondre à la question posée que les principes de l’image fidèle et de prudence énoncés respectivement à l’article 2, paragraphe 3, et à l’article 31, paragraphe 1, sous c), de la directive 78/660 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une méthode de comptabilisation selon laquelle une société émettrice d’un droit d’option sur actions comptabilise en produit le prix de la cession de cette option au cours de l’exercice comptable pendant lequel ladite option est levée ou au terme de la durée de validité de celle-ci.