Cadres: vers une disparition du 1,5% prévoyance de 1947?

L’accord du 17 novembre 2017 sur les retraites complémentaires contourne la question de la cotisation obligatoire en prévoyance pour les cadres instaurée en 1947. Mais la fusion de l’AGIRC et de l’ARRCO en remet en cause durablement le fondement. Voici quelles sont les pistes d’avenir pour cette mécanique héritée de l’après-guerre.

 

Tout le monde a oublié qu’en 1947, les cadres et les employeurs ont signé un accord instaurant des retraites complémentaires par points qui ressemblaient furieusement à ce qui existait avant-guerre, c’est-à-dire avant la sécurité sociale. Dans le climat délétère de ces années mouvementées, une cotisation obligatoire de 1,5% du salaire des cadres fut décidée en faveur de contrats de prévoyance gérés par les branches professionnelles. Les mauvaises langues soutiennent que cette assurance volontaire n’était pas seulement un acte de résistance face à l’universalité de la sécurité sociale. Il permettait aussi de financer de façon discrète les organisations syndicales.  

Quel avenir pour le 1,5% pour les cadres?

Le principe d’un avantage réservé aux cadres est devenu très fragile avec le temps. La doctrine de la catégorie objective de salariés le rend même, disons-le de moins en moins tenable.  

La fusion de l’AGIRC et de l’ARRCO qui vient d’être actée par l’accord national interprofessionnel du 17 novembre donne le coup de grâce à cette invention qui structure encore aujourd’hui le paysage de la protection sociale complémentaire. On voit mal comment un système de retraite complémentaire unifié pourrait continuer éternellement à distinguer les avantages versés entre ses ressortissants selon leur niveau hiérarchique.  

Le discret accord annexe du 17 novembre

Les partenaires sociaux ont évidemment identifié le problème, qui se posera de façon cruciale à l’horizon du 1er janvier 2019, jour où la fusion sera effective. Ils ont décidé de se donner un peu de temps pour négocier un accord séparé sur la question.  

Les conjectures vont bon train sur l’issue des travaux. En l’état, on sait juste que cet accord, arraché en son temps par Carole Couvert alors présidente de la CGC, précisera la notion d’encadrement.  

Et si l’on abandonnait le 1,5%?

Une solution simple consiste à abandonner, sous une forme ou sous une autre, le principe d’un versement obligatoire pour la prévoyance des cadres. Cette solution n’interdirait pas les accords existants. Elle les rendrait simplement facultatifs et renverrait aux employeurs la responsabilité de les dénoncer.  

Cette solution peu probable se justifierait toutefois par son coût. Rappelons que la masse salariale en France avoisine les 550 milliards € annuels. Une cotisation généralisée à tous les salariés coûterait donc cher aux employeurs.  

Une généralisation volontaire?

Une solution alternative consisterait à généraliser la prévoyance par accord interprofessionnel, comme la santé le fut par l’ANI de 2013. Nous venons d’évoquer le coût de la mesure (chiffrable autour des 5 milliards annuels) qui constitue un frein à cette solution. 

Toutefois, un certain nombre d’employeurs sont favorables à cette opération, dès lors qu’elle est pilotée par les entreprises et non par les branches. Il existe même une action d’influence menée par les assureurs pour doper leur chiffre d’affaires de cette façon.  

Une généralisation par l’État

L’argument qui peut convaincre les employeurs les plus réticents est celui d’une menace d’intervention par les pouvoirs publics. Emmanuel Macron a en effet annoncé qu’il comptait favoriser la protection des salariés dans les mois à venir. Imposer la généralisation de la prévoyance pourrait donc faire partie de ses plans, si les partenaires sociaux ne le devancent pas.  

Or une initiative de l’État peut se révéler dangereuse. Le précédent de la santé, qui a supposé une longue bagarre pour éviter la mise en place d’une “sécurité sociale professionnelle” de branche l’a montré. Quatre ans, tout indique que la technostructure qui avait concocté cette invention liberticide et anti-constitutionnelle reste persuadée de son bien-fondé. 

Les acteurs de l’économie de marché ont donc tout intérêt à se mobiliser dès aujourd’hui pour influencer un accord qui devrait voir le jour dans les 18 mois, et qui sera sans doute essentiel. 

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