Les 1er et 2 juin, les partenaires sociaux ont été reçus à Matignon pour trouver des moyens de lever les freins à l’emploi dans les TPE et PME.
A cette occasion, le premier Ministre et les organisations syndicales et patronales ont échangé sur l’une des mesures phares du projet de la loi Macron : la création d’un barème d’indemnités de licenciement. Ce barème permettra de fixer plusieurs paliers d’indemnités à verser à un salarié en cas de licenciement injustifié.
Le barème des indemnités de licenciement: une mesure prévue par la loi Macron
C’est l’article 83, 3° bis du projet de loi Macron qui prévoit de créer un « référentiel indicatif ».
Il s’agira d’un barème établissant le montant de l’indemnité allouée à un salarié victime d’un licenciement abusif. Celui-ci sera fixé en fonction de plusieurs critères notamment de l’ancienneté, de l’âge et de la situation du demandeur par rapport à l’emploi.
La loi en discussion ne détermine pas le contenu du barème, mais il est précisé qu’il sera établi après avis du Conseil supérieur de la prud’homie, selon les modalités prévues par décret en Conseil d’Etat.
On peut se demander s’il s’inspirera d’un autre barème introduit dès 2013, applicable en cas de conciliation.
Pour l’instant, ce référentiel est facultatif pour les juges, qui resteraient libres de s’y référer ou pas. Au contraire, il s’appliquera de manière obligatoire aux deux parties du litige si elles en font la demande conjointement.
Néanmoins, le Gouvernement souhaiterait le rendre plus contraignant en l’imposant aux juges. En effet, en début de semaine, Manuel Valls recevait les organisations syndicales et patronales pour trouver des moyens de lever les freins à l’emploi dans les TPE et PME. Cette rencontre devait avoir pour objet de rassurer les employeurs en montrant la volonté du Gouvernement de plafonner les indemnités. Il est vrai qu’actuellement, si le licenciement n’est pas justifié par une cause réelle et sérieuse, l’employeur peut être condamné à verser des dommages et intérêts. Or, le code du travail ne fixe aucun plafond à cette indemnité. Seul un plancher minimum de 6 mois est prévu pour les salariés ayant plus de 2 ans d’ancienneté et travaillant dans une entreprise de plus de 11 salariés.
L’objectif du Gouvernement est de lever “la peur d’embaucher” car la mesure permettra de quantifier le coût potentiel d’un licenciement. Même le président François Hollande avait indiqué le 19 mai sur Canal+ qu’il « faut que le coût de la rupture soit connu ».
Pourtant, rappelons que cette réforme n’avait pas initialement comme finalité de quantifier le coût du licenciement. L’objectif était surtout de raccourcir les délais de jugement. Connaitre à l’avance l’indemnité d’un licenciement permettrait de réduire à la fois le temps du jugement et l’imprévisibilité. Ainsi, les conseillers prud’homaux auraient juste à se référer à ce barème pour déterminer le montant de l’indemnité.
Le projet d’imposer le barème au juge risque toutefois de tomber à l’eau. Il est vrai que ce dispositif était à l’origine obligatoire dans la première version du projet Macron, mais qu’il a été rendu optionnel face à l’opposition des syndicats et à l’hostilité d’une partie de la majorité socialiste.
Il est à noter que cette barémisation des indemnités de licenciement ne reste qu’un projet du Gouvernement. Après être passé en première lecture devant l’Assemblée Nationale et le Sénat, le projet de loi Macron sera examiné dès le 3 juin par la commission mixte paritaire. Ainsi, le texte actuel est susceptible d’être modifié avant son adoption définitive.
Les partenaires sociaux divisés sur la barémisation
La création d’une barémisation divise sans surprise les partenaires sociaux.
En effet, d’une part le président de la CGPME, François Asselin explique que “ne pas savoir combien va vous coûter un licenciement en cas de problème, ça ne vous encourage pas à embaucher”.
A la suite de sa rencontre avec le premier ministre, il a déclaré que « le Gouvernement serait prêt à aller vers une barémisation avec un plafonnement obligatoire ».
Le Medef plaide depuis plusieurs mois, par la voix de son président Pierre Gattaz, pour la création de ce barème. L’ambition affichée est d’insérer davantage de “flexisécurité” dans les contrats de travail. L’argument avancé par Thibault Lanxade, chargé du pôle entrepreneuriat et croissance au Medef, pour promouvoir la barémisation est de donner aux entreprises la “visibilité et la sécurité nécessaires sur la rupture du contrat de travail”. Pour cela, Pierre Gattaz a déjà demandé à plusieurs reprises la sortie de la France de la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) qui exige que l’employeur puisse justifier le licenciement d’un salarié.
D’autre part, de véritables difficultés juridiques ont été soulevées par les syndicats de salariés. A ce titre, Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT a souligné que plafonner “parait très difficile à mettre en place parce que ce n’est pas constitutionnel”. En effet, certains avancent que le barème obligatoire se heurterait à deux principes fondamentaux: le principe français de la “réparation intégrale du préjudice” et celui “d’une indemnité adéquate ou une réparation appropriée” posé par la Convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT). Le principe de réparation intégrale du préjudice pourrait en effet se heurter aux maxima qui seraient prévus par le barème car l’intégralité d’un préjudice ne connaît pas nécessairement de limites fixes.
Laurent Berger a également tenu à souligner qu’il demeure favorable à l’obligation du recours au barème en cas de conciliation, or cette disposition existe déjà depuis 2013 mais reste très peu utilisée.
Du côté de la CGT, le secrétaire général Philippe Martinez énonce que « c’est une mesure qui va favoriser les grands groupes, souvent confrontés à des recours juridiques […] pour des plans dits sociaux qui ne sont pas respectés ». Quant aux syndicats FO et CFE-CGC, ils s’opposent à cette barémisation car “cela remettrait en cause le rôle du juge qui doit pouvoir évaluer et indemniser le préjudice individuellement”.