Macron a d’ores et déjà lancé des réflexions sur l’avenir de l’assurance-maladie, par l’intermédiaire du Haut Conseil pour l’Avenir de l’Assurance Maladie, dont nous produisons ici un document confidentiel, qui répondent aux remarques de la Cour des Comptes hier. Le seul scénario plausible est celui proposé par François Fillon à l’occasion des primaires de la droite. Tout l’art du Président sera de le faire accepter par les lobbies… notamment pharmaceutiques.
Avant même la publication du rapport de la Cour des Comptes, le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie s’est réuni pour expliquer le document que nous présentons ici en exclusivité. Il s’agit d’une réflexion stratégique sur la meilleure façon de mettre en oeuvre la promesse de “zéro restes à charge” formulée par le Président…
Cette lecture un peu technique a le mérite de confronter les promesses du candidat Macron avec les réalités financières que le nouveau président de la République doit intégrer dans ses choix.
L’alternative simple posée par le HCAAM
Le HCAAM, présidé par Anne-Marie Brocas, une énarque rôdée aux questions sociales, a posé une question simple: faut-il ou non repenser le rôle de l’assurance-maladie pour tenir les promesses du candidat Macron?
Peu ou prou, cette question est aussi au coeur du rapport rendu hier par la Cour des Comptes. Elle peut se reformuler de la façon suivante: compte tenu des dérives financières systémiques du régime général, pouvons-nous aggraver les charges en instaurant un “zéro reste à charge” sur les postes les plus coûteux? ou bien faut-il “changer de logiciel”, pour reprendre les expressions à la mode, pour mieux concilier promesses présidentielles et exigences des finances publiques?
Les inconvénients de l’immobilisme systémique
Avec une franchise qui l’honore, le HCAAM a présenté les risques d’un immobilisme systémique. Dans l’hypothèse où l’assurance-maladie continuerait à prétendre qu’elle peut participer au remboursement de tous les risques en atteignant un zéro reste à charge sur tous les soins pour toute la population (ce qui ferait de la France une sorte d’anomalie occidentale et même mondiale), il faudrait alors alourdir fondamentalement tous les coûts.
Comme le suggère le document, l’addition finale serait payée par le régime général et le régime complémentaire et, in fine, par les bien-portants. De façon très elliptique, le document rappelle d’ailleurs que tout ce dispositif dispose d’avantages fiscaux divers et variés. De fait, on peut difficilement imaginer que les objectifs de “zéro reste à charge” ne passent pas aussi par une mobilisation des recettes fiscales.
Les actuaires reformuleraient la logique du HCAAM en affirmant que l’idéal d’une santé gratuite par le maintien d’un management du risque tel qu’il est pratiqué par l’assurance maladie est purement suicidaire. L’assurance maladie ne gère pas le risque et se contente de rembourser à l’aveugle ou selon des règles politiques absurdes (l’affaire de l’immunothérapie le montre) qui n’ont rien de durable.
Le glissement vers une autre maîtrise du risque
Prudemment, le HCAAM présente donc une autre hypothèse: recentrer le régime général sur une prise en charge à 100% du risque lourd, et abandonner le risque simple (la bobologie) aux complémentaires santé.
Financièrement, le HCAAM souligne que la stratégie peut être payante. Elle permettrait en effet de “sortir” les complémentaires santé de certaines dépenses, dont beaucoup sont liées au vieillissement de la population. Les complémentaires santé pourraient ainsi voir leurs marges croître, puisque certaines dépenses lourdes pèseraient désormais sur la solidarité.
En contrepartie, les complémentaires santé devraient améliorer leur prise en charge des risques légers, au besoin en développant des offres innovantes.
La solution Fillon 1
Les nostalgiques et autres libéraux se souviendront ici que ce document fête à sa manière le premier anniversaire de la victoire de François Fillon aux primaires de la droite. L’intéressé n’avait pas proposé autre chose que les idées du HCAAM développées aujourd’hui.
En son temps, l’idée avait fait scandale et le vainqueur de la primaire avait dû reculer en ordre serré pour éviter la panique dans les rangs. L’ironie de l’histoire veut que son principal challenger, vainqueur final de la compétition, se rallier à ce point sensible.
On appréciera la méthode suivie pour faire avaler une couleuvre au demeurant de bon sens aux Français.
Une fois de plus, la décomposition des finances publiques accélère le rythme des pensées. Ce qui, il y a un an, était le repoussoir absolu de la technostructure française s’impose en quelques mois comme un horizon indépassable. Dissident un jour, porte-parole officiel le lendemain.