Assurance chômage : les promesses d’Emmanuel Macron n’engageaient que ceux qui y ont cru

Emmanuel Macron l’avait promis durant la campagne présidentielle : élu, il entendait à la fois assouplir le Code du Travail et mieux protéger les Français contre le chômage. La voie de la “flexi-sécurité” s’ouvrait ainsi à la France. La partie flexibilité de la promesse a été respectée, avec les ordonnances Travail. Pour l’aspect sécurité, en revanche, les choses se présentent plus mal. 

Un périmètre moins ambitieux

Alors que l’Unédic affiche fièrement un déficit annuel de quelque quatre milliards d’euros et une dette cumulée de l’ordre de la trentaine de milliards d’euros, le candidat Macron n’avait pas hésité à jugé légitime d’étendre le périmètre de l’assurance chômage. Les démissionnaires – s’entend : désormais, tous les démissionnaires et non plus seulement les cas spécifiques déjà indemnisés actuellement – ainsi que les indépendants allaient être couverts par l’assurance chômage. Patronat et syndicats demeuraient très perplexes, le coût de l’extension aux seuls démissionnaires étant évalué entre 8 et 14 milliars d’euros. Ayant sans doute pris conscience du côté quelque peu intenable de la promesse, l’éxecutif commence à se faire plus restrictif. 

Hier, à l’occasion du lancement de la réforme de l’assurance chômage, Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, est d’une part revenue sur la future couverture des indépendants. Elle ne sera pas financée par une nouvelle cotisation mais par une partie de la hausse de la CSG pesant sur cette catégorie de travailleurs. Qui dit petits moyens dit nécessairement petite ambition. En outre, la couverture ne concernera pas tous les indépendants : les partenaires sociaux devront définir les catégories d’indépendants concernées et le niveau de la couverture. Entre un patronat peu intéressé par une couverture chômage par l’Unédic et des syndicats préférant que l’argent aille aux salariés, on imagine sans peine un enlisement de la discussion paritaire. 

En ce qui concerne d’autre part les démissionnaires, si Mme Pénicaud a assuré qu’il n’y aurait pas de délai de carence avant l’ouverture des droits à indemnisation, il n’en demeure pas moins que les conditions d’accès aux droits seront bien différentes de celles en vigueur dans le cas des salariés privés d’emploi. Durée d’indemnisation a priori plus courte que la durée normale de 24 mois pour les salariés de moins de 50 ans, montant d’indemnisation plafonné et nécessité de cotiser entre “cinq” et “sept” ans afin d’avoir droit aux allocations : voici les pistes de l’exécutif afin d’éviter une dérive financière complète de l’Unédic en cas de couverture de l’ensemble des démissionnaires. Les chômeurs privés d’emploi pourront ainsi regarder de haut les chômeurs démissionnaires.  

Fini le bonus-malus ?

Du point de vue du gouvernement, cette réduction de la voilure présente l’avantage de contraindre à moins d’ingéniosité en matière financière. En particulier, alors que M. Macron avait jugé opportun, durant la campagne électorale, de mettre en place un système de bonus-malus afin de pénaliser le recours aux contrats très courts – et de renflouer l’Unédic – le gouvernement prend désormais ses distances avec cette idée. Hier, Mme Pénicaud n’a en effet donné aucune précision sur les intentions gouvernementales à ce sujet. L’exécutif se contente de renvoyer la balle aux partenaires sociaux, priés de négocier des accords de branches “avant fin janvier”. En cas d’échec des négociations paritaires, le gouvernement agirait : un dispositif est “prêt” affirme-t-on au ministère du Travail. 

Pour les représentants des salariés, les choses sont claires : le gouvernement a enterré purement et simplement le principe du bonus-malus. Interrogé par le Parisien après son échange avec le directeur de cabinet de la ministre du Travail, Denis Gravouil, le négociateur assurance chômage de la CGT, dénonce le repli du chef de l’Etat : “ils n’ont pas parlé une seule fois de bonus-malus”. Michel Beaugas, pour FO, ne dit pas autre chose : “C’est un premier renoncement”, pointant du doigt les pressions patronales afin d’obtenir le retrait du bonus-malus. Même la CFDT, par la voix de Véronique Descacq, a été déroutée par l’absence d’annonce dans ce domaine : “Est-ce qu’ils y reviendront si les partenaires sociaux n’aboutissent pas ? Je ne peux pas vous le dire”. 

S’il a frisé le ridicule dans l’affaire Jean-Dominique Senard, Pierre Gattaz pourra, du moins, tenter de revendiquer la paternité du recul gouvernemental sur une mesure qui faisait l’unanimité ou presque contre elle au sein du patronat français. 

L’étatisation de l’Unédic

Au total, le Président de la République ne devrait tout à fait respecter que l’une de ses promesses de campagne, implicite en l’occurrence : l’étatisation de l’assurance chômage. S’il est vrai que la candidat Macron n’avait pas claironné son intention de réintégrer l’Unédic dans le giron de l’Etat, une telle option apparaissait inévitable étant donné la promesse qu’il avait faite de financer en partie l’assurance chômage par le biais de la CSG. Hier, les représentants de l’Etat ont confirmé leur volonté d’intégrer pleinement la gestion de l’Unédic. Fini donc le paritarisme qui y fonctionne depuis 1958, place au tripartisme du type de celui en vigueur à la Sécurité sociale. Et encore, si l’exécutif n’en vient pas, comme il l’a jugé possible, à prendre le contrôle total de l’institution. 

Le ton général des nouveaux rapports entre la puissance publique et les représentants patronaux et salariaux a d’ailleurs été donné en même temps que l’agenda de la réforme de l’assurance chômage. Faisait mine d’ignorer la tendance des partenaires sociaux à avoir, généralement, besoin d’un peu de temps afin de se mettre d’accord sur les réformes de fond de l’Unédic, Muriel Pénicaud leur a donné jusque fin… janvier ! pour proposer un texte qui évoquerait les enjeux lourds de l’indemnisation des indépendants et des démissionnaires et du bonus-malus. Les partenaires sociaux ont jusqu’à mercredi prochain pour accepter ou refuser de s’engager dans une telle négociation. 

En cas de refus, ils perdraient, sans doute durablement, la main dans le dossier chômage. En cas d’acceptation, ils s’orienteraient très probablement vers des discussions difficiles, à l’issue incertaine. Dans les deux cas, le gouvernement aura beau jeu de désigner les partenaires sociaux comme étant les responsables du non respect des promesses de campagne d’Emmanuel Macron en matière d’assurance chômage.  

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