Alors que le gouvernement doit présenter demain, en Conseil des ministres, un projet de loi portant sur la prolongation des règles actuelles de l’assurance chômage, la question mérite d’être posée de la gouvernance de cette politique sociale.
Si elle a longtemps été contrôlée par les partenaires sociaux, il apparaît aujourd’hui qu’elle s’inscrit durablement dans le cadre d’une gestion d’Etat.
Une prolongation et une réforme dans les tuyaux
Le Conseil des ministres prévu pour avoir lieu demain doit donc prendre connaissance du projet de loi prolongeant jusqu’à fin 2023 les règles actuelles régissant l’indemnisation du chômage. Pour rappel, ces règles sont issues de la réforme – controversée – de 2019, qui avait, notamment, durci les conditions d’indemnisation des demandeurs d’emploi, tout particulièrement celles des cadres et celles des salariés alternant périodes de travail et d’inactivité. Cette réforme avait par ailleurs instauré un système de “bonus-malus” dans sept grands secteurs d’activité recourant fréquemment à des contrats très courts, afin de les dissuader d’y recourir.
Annonçant la présentation de ce projet de loi, l’exécutif n’a pas caché sa volonté, plus générale, de revoir à nouveau les règles de fonctionnement de l’assurance chômage. Afin d’atteindre le plein emploi d’ici à la fin du quinquennat – soit un taux de chômage de l’ordre de 5 % – il a décidé de s’en prendre une nouvelle fois aux droits des salariés. Cette réforme à venir serait inspirée du modèle canadien, dans lequel, pour reprendre les termes d’Olivier Dussopt, le ministre du Travail, « quand ça va bien, on durcit les règles et, quand ça va mal, on les assouplit ». L’engagement de ce chantier de réforme doit avoir lieu avant la fin du mois.
L’assurance chômage sous le contrôle de l’Etat
Afin de le mener à bien, le gouvernement a clairement fait savoir qu’il entendait mobiliser les partenaires sociaux. Autrement dit, après avoir repris le contrôle, en 2019, de la gouvernance de l’assurance chômage, il se montre ouvert à une passation de relais au bénéfice des partenaires sociaux. Le cadeau est, certes, quelque peu empoisonné dans la mesure où, comme en 2019, c’est avec des objectifs assez précisément prédéterminés que l’exécutif entend saisir les dirigeants des organisations patronales et salariales françaises. C’est d’ailleurs sans doute avant tout afin de leur faire endosser la responsabilité de ses choix politiques potentiellement sujets à polémiques que l’exécutif veut les saisir.
Du côté des confédérations syndicales de salariés, on ne s’y trompe pas. Refusant catégoriquement de taper “sur la tête des chômeurs”, la CFDT a d’ores et déjà prévenu qu’elle ne se prêterait pas au jeu gouvernemental, qu’elle a qualifié de “piège”. Du côté du patronat, personne n’ignore que les syndicats de salariés refusent de négocier une nouvelle dégradation des droits des chômeurs et, par conséquent, on juge préférable d’appeler les pouvoirs publics à mener seuls la réforme de l’assurance chômage. Ainsi l’appel gouvernemental à une reprise en main paritaire de cette politique sociale fait-il long feu, faute de participants.
Comme le montre cette séquence, après cinq ans de macronisme, le paritarisme à la française est décidément en bien piteux état.