La manifestation du 14 juin constitue-t-elle le baroud d’honneur des opposants à la loi Travail? Son succès très mitigé, entâché par une multitude d’incidents dus aux casseurs, montre la voie: mieux une bonne sortie de crise qu’un pourrissement dont l’issue est très incertaine. De ce point de vue, l’annonce d’autres journées d’action d’ici fin juin par Jean-Claude Mailly, qui a largement dénoncé “l’autisme” du gouvernement, laisse entendre que les opposants à la loi n’ont pas encore obtenu toutes les concessions qu’ils désirent.
Pourtant, il semble à peu près acté que l’article 2 sera modifié pour intégrer un droit de veto des branches sur les accords d’entreprise. Cette aberration n’est manifestement pas suffisante pour FO. Reste à savoir si elle suffira à la CGT.
Quelle stratégie pour la CGT?
Toute l’inconnue repose désormais sur l’attitude de la CGT dans les jours à venir. Sur ce point, plusieurs paramètres vont entrer en ligne de compte.
Le premier d’entre eux par ordre chronologique, mais pas en poids, est la réunion de vendredi entre le secrétaire général du syndicat et la ministre du Travail. Il paraît peu imaginable que la ministre décide seule des concessions lâchées à Martinez. Les experts sont en ce moment à pied d’oeuvre pour tailler la cotte qui servira à habiller l’annonce de la fin donnée au mouvement. La réunion de vendredi conclura donc un processus de discussion dont une partie des contreparties restera secrète.
Le deuxième paramètre portera sur la capacité de Philippe Martinez à finir la grève. Revenant triomphal de son entrevue avec la ministre, aura-t-il l’art et la manière d’expliquer à ses militants qu’ils ont obtenu le meilleur et qu’ils doivent maintenant reprendre le travail? Au vu des prestations réalisées par le secrétaire général jusqu’ici, on peut douter de sa capacité à agir.
Le troisième paramètre tient au rapport de force interne à la CGT. L’époque des grands bataillons staliniens semble finie. Désormais, la CGT est morcelée en une multitude de syndicats locaux dont certains sont déterminés à agir coûte-que-coûte dans un processus quasi-insurrectionnel. Rien n’exclut donc un scénario cataclysmique où le gouvernement et la CGT se mettraient officiellement d’accord sur une sortie de crise, mais où une partie de la base de la CGT, avec Solidaires et FO, continuent le mouvement.