Le mésusage des données de santé par la sécurité sociale devient chaque jour un peu plus gênant. Après les affaires du Mediator ou de la Depakine, après les certitudes confirmées par Cahuzac sur l’influence occulte des laboratoires pharmaceutiques dans la décision publique, la Cour des Comptes relève le singulier mésusage des données de santé par la sécurité sociale dans le domaine des affections longue durée, et notamment du cancer.
Une base de données laissée en friche
Ces quelques mots du rapport de la Cour des Comptes sur la Sécurité Sociale suffiront à illustrer le propos:
Pour mémoire, les ALD sont les affections de longue durée, un groupe de maladies auquel le cancer appartient. Il ouvre droit à un remboursement à 100% des dépenses maladie. Comme on le voit, l’assurance-maladie est incapable d’exploiter la moindre donnée sur ce sujet.
On lira aussi cet autre passage édifiant:
Autrement dit, malgré les millions de données dont dispose l’assurance maladie pour mieux comprendre le cancer et sa prise en charge en France, il ne se trouve pas un pékin à la CNAMTS pour se poser la question de leur exploitation. Il est vrai que le cancer est une maladie secondaire dont on ne risque jamais de mourir…
Des disparités ahurissantes
Pour illustrer la gravité du propos, la Cour fournit des tableaux tout à fait significatifs, dont celui-ci:
Il détaille les différences de coûts dans les prises en charge selon les régions pour une même affection. Pour les cancers, les coûts vont d’un indice 83 (100 étant la moyenne nationale) jusqu’à l’indice 124. Autrement dit, d’une région à l’autre, le coût de prise en charge peut être inférieur à près de 20% à la moyenne nationale, ou supérieur à 25%.
Les mauvais esprits remarqueront que ces différences concernant le cancer sont moins inquiétantes que pour d’autres maladies, comme les insuffisances respiratoires (dont les coûts vont du simple à plus du double) ou la maladie d’Alzheimer (du simple au quadruple).
Pourquoi? Personne ne le sait.
Marseille, championne de France de la dépense
Cet autre tableau détaille les analyses de la Cour et permet de mesurer l’ampleur des dégâts:
Ainsi, le coût d’une prise en charge pour un cancer est de 9.231€ en moyenne en France. Mais il s’élève à près de 10.500€ à Marseille, alors qu’il est inférieur à 8.000€ à Clermont-Ferrand.
Là encore, faute d’une utilisation des données à sa disposition, l’assurance-maladie est incapable de fournir la moindre explication.
La regrettable querelle du mésusage
On se souvient qu’en 2013, le secrétaire général du ministère de la Santé avait publié un rapport dénonçant le risque de mésusage des données de santé par les citoyens, dans l’hypothèse où, conformément au droit communautaire, la France permettrait la réutilisation gratuite des données qu’elle collecte. Dans l’esprit de ce haut fonctionnaire, seuls les services de l’Etat étaient capables de comprendre ces statistiques.
On reconnaîtra à la Cour le mérite d’avoir montré par le menu que l’assurance-maladie, comme la direction de la sécurité sociale, sont les véritables producteurs du mésusage des données publiques.
Et pendant ce temps, la Sécurité sociale rembourse des médicaments dangereux pour les patients, et ne s’en aperçoit pas.