Agnès Buzyn annonce un renforcement de la santé administrée

La ministre de la Santé Agnès Buzyn a donné une longue interview au Journal du dimanche. Elle y précise son approche en matière de dépenses de santé. A priori, elle ne devrait pas rompre avec la logique de suradministration en vigueur sous Marisol Touraine.

Agnès Buzyn est présentée par le Journal du Dimanche comme “l’atout social” d’Emmanuel Macron. Si l’on entend par cette expression l’idée qu’une expansion constante des procédures administratives est synonyme de “social”, alors ce surnom est bien mérité.  

Réforme de la tarification hospitalière

Forte de la conviction que 30% des dépenses d’assurance maladie ne sont pas pertinents, la ministre a une nouvelle idée concernant la tarification des hôpitaux: il faut introduire des critères de qualité dans la participation financière de l’État. “Les établissements se verront octroyer un bonus, un intéressement dès lors qu’ils répondront aux objectifs de qualité, de pertinence et d’efficience des soins. En outre, je veux renforcer l’incitation financière à la qualité en intégrant des indicateurs de résultat clinique.” Quelle belle idée! annonciatrice d’une nouvelle pluie de tableaux Excel, d’indicateurs en tous genres, qui font le bonheur de la bureaucratie hospitalière.  

Le spectacle des dernières années montre pourtant que, plus on parle d’amélioration dans la tarification, pus l’hôpital dépense… en frais d’administration. La ministre Buzyn a l’air bien décidée à rajouter sa couche sédimentaire de complexité administrative à ces pauvres hôpitaux publics.  

1,7 milliard€ d’économies sur les hôpitaux

Dans la lignée de Marisol Touraine, la ministre annonce par ailleurs le maintien haut et fort d’une politique de pénurie de soins, qui ne manque pas d’inquiéter: “la hausse mécanique des dépenses de santé, liée notamment au vieillissement de la population, aux maladies chroniques et à l’innovation, doit être contrôlée.” 

Ah voilà! soignons moins bien les cancers pour continuer à rembourser la bobologie à madame Michu qui vote Emmanuel. On connaît la chanson. La sécurité sociale n’est pas faite pour protéger efficacement contre les accidents sanitaires graves. Elle est faite pour rendre le gouvernement populaire. Après tout, les jours d’un cancéreux sont comptés et, avec un peu de chance, ils seront morts avant le prochain scrutin. Alors que la mamie en bonne santé mais malmenée par la hausse de la CSG et dont l’armoire est remplie de médicaments inutiles payés par les salariés, elle, il ne faut pas la fâcher. On comprend une fois de plus les choix structurels opérés par cette grande machine orwellienne qu’est l’assurance maladie.  

Et pour le reste, évitons de rembourser les traitements innovants. Faudrait quand même pas casser l’outil qui a permis les affaires Mediator ou Levothyrox… 

Résultat: fermeture de lits en série et autres mesures qui font désormais la renommée de l’hôpital public. Bref, Buzyn règle ses pas sur ceux de Marisol Touraine.  

La sotte idée de supprimer le reste à charge sur les lunettes

Pendant que la prise en charge du cancer sera soumise à limitations, le remboursement des lunettes sera en revanche total. C’est vrai que c’est pas comme si on savait qu’à 45 ans la vue baisse et que les lunettes sont, pour l’écrasante majorité de la population, une dépense prévisible. Alors que le cancer lui… 

Bref, Buzyn reste sur la ligne tourainienne qui a transformé la sécurité sociale en instrument de redistribution des richesses, au lieu d’en faire une assurance contre les vrais risques sanitaires. La ministre veut, d’ici un an, aboutir au remboursement total des lunettes… 

C’est quand même un comble de sacrifier les victimes d’affections graves pour mieux rembourser des dépenses prévisibles par tout un chacun. À quand le remboursement total des obsèques financés par des économies sur les services d’urgence?  

Dans tous les cas, la ministre semble bien décidée à oublier ce que l’expression “assurance maladie” signifie, et elle a bien l’intention d’en limiter la portée à un simple bureau d’aide sociale.  

L’abandon de la généralisation du tiers payant

La ministre se livre cependant à quelques gentilles concessions à l’égard des médecins. Elle abandonne la généralisation du tiers payant, qui avait suscité de nombreux remous. Elle affirme qu’elle traitera la question des déserts médicaux sans coercition pour les praticiens. Et elle préservera les marges de liberté existantes sur le secteur 2.  

Médecin elle-même, on ne pouvait en attendre moins… 

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