Signé la semaine dernière par le MEDEF et quatre des cinq confédérations syndicales de salariés représentatives au niveau national et interprofessionnel : la CFDT, FO, la CFTC et la CFE-CGC, l’accord national interprofessionnel (ANI) sur les règles de fonctionnement de l’AGIRC-ARRCO pour la période 2023-2026 n’en finit pas, depuis, de faire parler de lui non seulement dans les rubriques de l’actualité sociale, mais également dans celles de l’actualité politique.
Curieusement peu commentées, les décisions de la CPME et de l’U2P de ne pas signer l’accord viennent apporter au gouvernement un appui pour le moins inattendu dans sa tentative de reprise en main de l’AGIRC-ARRCO.
Un accord AGIRC-ARRCO qui fait débat
Comme le savent sans doute bon nombre de nos lecteurs, le dernier accord AGIRC-ARRCO est à l’origine de fortes tensions sociales et politiques. Sociales d’une part, car, très agacé par le refus des partenaires sociaux de mettre l’AGIRC-ARRCO au service du financement de la mesure prévue dans la dernière réforme des retraites de revalorisation des petites pensions servies par le régime général, le gouvernement les a menacés d’enclencher la vitesse supérieure – en opérant, par exemple, une ponction sur les comptes du régime dans le cadre du vote du projet de loi de finances (PLF) ou du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2024. Les deux parties multiplient à ce sujet les déclarations qui ne sont pas vraiment de nature à apaiser les esprits.
Politiques ensuite, car les partis d’opposition à l’exécutif se sont tous emparés de l’affaire afin de l’inscrire à l’ordre du jour des débats de premier plan. Chacun à leur tour, les représentants de ces différents partis ont tous fait savoir qu’ils considéraient comme étant hors de question que le gouvernement puise dans les comptes de l’AGIRC-ARRCO afin de boucler le financement du budget de la nation. De fil en aiguilles, l’éventualité du vote – appelé à être alors majoritaire – d’une motion de censure en lien avec ce débat a fini par être évoquée ici ou là. L’exécutif prendrait cette hypothèse tout à fait au sérieux. Ainsi le dernier accord AGIRC-ARRCO vient-il apporter sa contribution au tumulte de l’actualité sociale et politique.
Les décisions marquantes de la CPME et de l’U2P
Dans une telle configuration, il était clair aux yeux de toutes les parties prenantes que le refus à la fois social et politique d’une ponction gouvernementale sur les comptes de l’AGIRC-ARRCO aurait d’autant plus de poids que les gestionnaires paritaires de l’AGIRC-ARRCO s’exprimeraient de manière relativement unitaire. Les choses ne se sont pourtant pas vraiment déroulées de cette manière. En effet, si, du côté de la représentation salariale, la validation du texte a été assez large – en réservant sa réponse, la CGT n’a d’ailleurs toujours pas décidé de ne pas le signer – il est difficile d’en dire autant du côté de la représentation patronale, où, situation très rare, seul le MEDEF a décidé de signer l’accord.
Ceci n’a guère reçu d’écho dans le débat public mais la CPME et l’U2P ont refusé de suivre la principale confédération patronale française dans cette direction. La première a fustigé “un accord totalement déséquilibré”, qui “fait droit à la quasi-totalité des demandes des syndicats” alors qu’elle juge qu’il aurait pu également prévoir une “baisse des cotisations qui pèsent sur les actifs/cotisants et les entreprises”. Surtout, la CPME dénonce l’absence de mesure destinée aux bénéficiaires de petites pensions. Dans son communiqué où elle explique ne pas être signataire d’un accord “qui ne valorise pas le travail”, l’organisation artisanale et des professions libérales souligne, elle aussi, ce point. “Si l’U2P ne conteste pas les autres dispositions de l’accord, elle constate à regret l’absence d’une mesure essentielle pour valoriser le travail : une réévaluation de la pension des retraités ayant effectué une carrière complète au niveau du SMIC”.
Deux refus qui confortent le gouvernement
Certes, chacune de leur côté, la CPME et l’U2P prennent bien soin de dire le mal qu’elles pensent de la démarche gouvernementale de confusion entre les comptes de l’AGIRC-ARRCO et ceux du régime général. En gras dans le texte, la CPME affirme ainsi qu’il “ne serait en aucun cas admissible que le gouvernement détourne [des recettes du régime] pour financer des dépenses qui lui reviennent”, poursuivant : “La CPME, profondément attachée au paritarisme de gestion, s’opposerait avec vigueur à tout prélèvement de ce type”. Plus prudente dans ses propos, l’U2P n’en prend pas moins pour cible les menées des pouvoirs publics, critiquant “la tentation permanente de l’Etat d’imposer ses vues aux partenaires sociaux” et pointant du doigt la “ponction” qu’il “a menacé de faire” sur les comptes du régime.
Ces jugements sévères de l’attitude de l’Etat formulés par la CPME et l’U2P ne sauraient pourtant faire oublier le fait qu’en refusant de signer l’accord AGIRC-ARRCO et en critiquant ouvertement son contenu, elles viennent, de fait, offrir un appui précieux au gouvernement dans le duel qui l’oppose aux gestionnaires du régime. Leur désunion le sert inévitablement et pourrait même, c’est une hypothèse à envisager, constituer un obstacle à l’élargissement et à l’extension rapides du texte – étapes nécessaires à sa bonne mise en œuvre. Quoi qu’il en soit, elle permet au gouvernement d’aborder la conférence sociale qu’il engage aujourd’hui de manière mieux assurée que si les partenaires sociaux lui opposaient un front uni.
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