Annoncée par le gouvernement dans le double objectif d’éviter le vote par les députés socialistes des motions de censure présentée au début de la session parlementaire en cours et de s’assurer de leur bienveillance lors de l’examen des textes budgétaires, la suspension de la dernière réforme des retraites serait financée à la fois par une contribution exceptionnelle accrue des complémentaires santé et un durcissement des règles de revalorisation des pensions de retraite.

Après les premiers débats parlementaires sur le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026, le financement de cette suspension de la réforme des retraites apparaît loin d’être assuré.
La mobilisation des complémentaires santé retoquée
Le début de l’examen du PLFSS 2026 par la commission des affaires sociales de l’Assemblée Nationale a rapidement mis en lumière le caractère problématique des propositions gouvernementales de financement de la suspension de la réforme des retraites. Se concentrant sur l’une de ces deux propositions : la hausse de la taxe sur les complémentaires santé, les débats ont rapidement permis de comprendre que la position gouvernementale était, en l’état, loin d’être majoritaire à l’Assemblée. Reprenant, sur le fond, certaines des vives critiques émises par les organismes complémentaires d’assurance maladie (OCAM) à l’encontre de cette proposition budgétaire, les députés l’ont majoritairement refusée.
Afin de justifier leur refus du schéma imaginé par l’exécutif, ils ont jugé qu’il allait nécessairement impliquer une hausse des cotisations des assurés sociaux et qu’il allait par conséquent dégrader leur protection sociale. “On se sert des mutuelles parce que ça évite de dire qu’on va taxer les gens”, a ainsi dénoncé Yannick Monnet, pour le groupe communiste et ultramarin. Pour les Républicains, Justine Gruet a défendu une position comparable : “Il nous apparaît déraisonnable de faire peser une telle charge financière sur les mutuelles qui […] la répercuteront sur leurs assurés”. “Ça pourrait d’ailleurs au passage participer à l’augmentation du renoncement à la souscription”, a ajouté Christophe Bentz (RN).
Une suspension mal réglée
Ainsi donc, hier en commission, les députés ont envoyé un signal clair au gouvernement : il doit revoir largement sa copie concernant la plus immédiate des deux sources de financement qu’il envisageait afin de compenser le coût de la suspension de la réforme des retraites. Si l’exécutif pourrait se trouver tenté, partant de là, de recourir à de l’endettement pour financer ce coût en 2026, et de repousser le problème d’un an – c’est d’ailleurs à partir de 2027 que la suspension doit vraiment avoir un impact négatif sur les finances publiques, de l’ordre d’un milliard d’euros – encore faut-il préciser que l’état déplorable de ces finances et, dans ce cadre, du budget social : le déficit envisagé de la Sécurité sociale pour l’année prochaine et les suivantes évoluerait autour de 17,5 milliards d’euros, ne semble guère compatible avec un tel attentisme.
Si la suspension de la réforme des retraites a permis au gouvernement de sauver sa peau et d’engager de véritables négociations politiques et budgétaires avec le PS, le financement de cette mesure hautement symbolique mais néanmoins coûteuse repose, en l’état, sur des mesures si impopulaires qu’elles font l’objet d’un rejet politique large. En s’étant placé en situation de dépendance vis-à-vis de la gauche modérée pour son maintien en fonction, le gouvernement se trouve dès lors contraint de devoir composer avec des pistes envisagées de ce côté de l’échiquier politique pour résoudre les complexes équations budgétaires du pays – et qui consistent généralement plus à chercher à ajuster les recettes aux dépenses que l’inverse.