Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT.
Dans un arrêt du 30 mars 2022, la Cour de cassation rappelle que la rémunération prévue par une convention de forfait en heures doit être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu’il aurait perçue sans cette convention. Elle affirme également que seul le salarié peut se prévaloir de la nullité d’une telle convention. Cass.soc. 30.03.2022, n°20-18.651
Une clause contractuelle prévoyant une rémunération forfaitaire
Dans cette affaire, un salarié est embauché par une société en tant qu’attaché commercial. Son contrat de travail prévoyait un forfait mensuel de 198,67 heures pour une rémunération de 1 800 euros. Le salarié est licencié en octobre 2014. Il saisit le conseil de prud’hommes, revendiquant un rappel d’heures supplémentaires et le paiement des contreparties en repos s’y attachant.
Un salarié et un employeur peuvent conclure par écrit une convention de forfait en heures sur la semaine ou le mois. Ce type de forfait fixe un nombre global d’heures de travail (mensuel ou hebdomadaire) que le salarié doit effectuer et peut inclure un volume d’heures supplémentaires (L. 3121-53 et s. C. trav.).
La cour d’appel rejette sa demande. En s’appuyant sur l’argumentation de l’employeur, elle considère que la clause de forfait est irrégulière car elle ne définit pas le nombre d’heures supplémentaires inclues dans la rémunération. En conséquence, le juge estime qu’il fallait faire application des dispositions légales sur la durée du travail en écartant les règles de la convention de forfait. Le salarié devait donc être rémunéré sur la base de 35 heures hebdomadaires, auxquelles s’ajoutent les majorations pour heures supplémentaires si celles-ci sont réellement effectuées.
Un pourvoi en cassation est alors formé par le salarié.
Le rappel de la Cour sur la régularité d’une convention de forfait en heures
La Cour de cassation rejette l’analyse de la cour d’appel. Elle déduit tout d’abord de l’article L. 3121-22 du Code du travail, dans sa rédaction applicable avant 2016, que : “la rémunération au forfait ne peut résulter que d’un accord entre les parties et que la convention de forfait doit déterminer le nombre d’heures correspondant à la rémunération convenue, celle-ci devant être au moins aussi avantageuse pour le salarié que celle qu’il percevrait en l’absence de convention, compte tenu des majorations pour heures supplémentaires“.
Le juge affirme donc que « la fixation par le contrat de travail d’une rémunération mensuelle fixe forfaitaire pour 198,67 heures caractérise une convention de forfait de rémunération incluant un nombre déterminé d’heures supplémentaires ». Il confirme la régularité de la convention de forfait et ne change pas de position par rapport à ses précédentes solutions (Cass.soc.06.07.2016 n°14-18.195).
Cette solution logique est protectrice des intérêts du salarié. Ce dernier ne peut pas être lésé par la conclusion d’une convention de forfait en heures. La Cour s’inscrit dans une jurisprudence constante, qui considère que la rémunération forfaitaire est celle convenue entre les parties au contrat, soit pour un nombre déterminé d’heures supplémentaires, soit pour une durée de travail supérieure à la durée légale (Cass. soc. 01.03.2011, n°09-66.979).
Le salarié est le seul à pouvoir soulever la nullité de la clause !
L’employeur opposait l’irrégularité de la convention de forfait aux demandes du salarié afin d’écarter l’application de la rémunération forfaitaire.
Mais la Cour de cassation rejette cette demande en précisant que : « seul le salarié peut se prévaloir de la nullité de la convention de forfait en heures. ».
La cour d’appel ne pouvait donc pas trancher la question de la régularité de la convention de forfait car celle-ci avait été invoquée par l’employeur, et non par le salarié.
Comme le rappelle le salarié dans l’arrêt, les règles d’ordre public social édictées dans le seul souci de sa protection ne peuvent lui être opposées.
Cette solution est une bonne nouvelle pour les salariés, qui se voient attribuer un monopole dans la contestation de la convention de forfait.