Cet article a été initialement publié sur le site de l’UNSA le 7 septembre 2015.
Un débat public s’est ouvert dans notre pays sur les niveaux de la négociation collective et sur le Code du travail. L’UNSA est prête à s’y engager à condition qu’il soit bien placé sous le double objectif d’assurer la protection des salariés et de contribuer à l’activité économique. A ce titre, elle rejette les deux postures idéologiques extrémistes qui encadrent ce débat :
- La première voit dans le Code du travail et son renforcement le nec plus ultra de la protection des salariés. Pour l’UNSA, la complexité atteinte aujourd’hui par le Code du Travail n’en fait pas un outil compréhensible et donc facilement utilisable pour les salariés, pas plus que pour nombre de militants syndicalistes ou de chefs d’entreprise. Par ailleurs, la production de normes sociales ne saurait relever que de la loi : la négociation d’accords de branche et d’entreprise, par nature beaucoup plus proches des réalités professionnelles et économiques des secteurs et des territoires, en est un complément indispensable.
- La seconde voit dans l’affaiblissement du Code du Travail un sésame libérateur de l’emploi. Si les excès de lourdeurs et de complexités administratives nuisent effectivement au développement, c’est bien le remplissage des carnets de commande, qui reste le principal moteur de l’emploi. Celui-ci obéit à d’autres fondamentaux que le nombre de pages du Code.L’UNSA observe d’ailleurs que la surabondance législative et réglementaire est une donnée générale dans notre pays qui n’affecte pas que la législation du travail et les entreprises. A ceux qui concentrent leurs critiques sur le seul Code du Travail, ses 3809 pages et son 1,422 Kg, l’UNSA rappelle, pour ne s’en tenir qu’à quelques-uns des nombreux codes que les entreprises doivent prendre en compte, les 3790 pages du Code du Commerce et son 1,340 Kg, les 2814 pages du Code des Sociétés et son 1,145 Kg, les 2514 pages du Code de la Propriété Intellectuelle et son 1,045 Kg, les 3869 pages du Code des Impôts et son 1,435 Kg, les 3508 pages du Code de l’Environnement et son 1,365 Kg, les 2106 pages du Code des Marchés Publics et son 1,067 Kg, etc…
Pour l’UNSA, plutôt qu’en poids et mesures, c’est en principes et en fonctionnalités qu’il faut aborder ces sujets.
Elle réaffirme en premier lieu que la protection des salariés, tout comme l’activité économique, a besoin de régulation. Se doter de règles sur le travail n’est pas seulement l’intérêt des travailleurs placés dans une position de subordination vis-à-vis de leurs employeurs. C’est aussi l’intérêt économique des entreprises, en particulier les plus petites, que de pouvoir faire face à une concurrence loyale, donc organisée, y compris sur ses aspects sociaux.
A l’heure de la mondialisation et de la construction européenne, chaque niveau de régulation (mondial, européen, national, de branche, d’entreprise) a sa pertinence. La question n’est donc pas d’opposer l’un à l’autre car tous sont utiles, mais de discuter de leur articulation respective et, surtout, de leurs prérogatives propres selon le principe de subsidiarité.
Dans un Etat démocratique et républicain, l’ordre social, garantie d’équité et d’égalité entre tous les salariés sur un socle de droits, est indispensable et doit s’imposer à tous. C’est la fonction de la loi et donc du Code du Travail fixant les grands cadres de la durée annuelle et de l’organisation du travail, les grands principes de la rémunération, de la protection des salariés et de leurs droits sociaux, dans le respect des traités internationaux et des directives encadrant le marché unique européen. L’adaptation et la prise en compte des spécificités économiques et professionnelles des grands secteurs d’activité justifient pleinement le niveau de la branche où évoluent des entreprises concurrentes qui gagnent à mutualiser leurs intérêts collectifs. Quant à l’entreprise, lieu concret du travail et de la production en prise directe avec les salariés, l’UNSA a toujours considéré qu’elle devait être aussi celui de la négociation, sur les dossiers où sa taille critique lui permet de s’engager sérieusement. Or, c’est très loin d’être le cas pour les petites structures dont les marges de manœuvre sont réduites et qui, rappelons-le, constituent l’écrasante majorité du paysage entrepreneurial français (91 % des entreprises ont moins de 50 salariés, 86,6 % en ayant moins de 10).
Au-delà de ces réflexions, l’UNSA, parce qu’elle est une fervente partisane du dialogue social et de la négociation, milite pour que les organisations syndicales et leurs militants aient les moyens d’assumer leurs missions. Approfondir le dialogue social, c’est aussi avoir les garanties de formation, d’information, de temps et de protection qui permettent d’assurer ses mandats. La loi et la réglementation doivent impérativement y pourvoir. Mais il est un domaine où elles ne peuvent rien : c’est celui de l’attitude des acteurs, loyauté et volonté d’aboutir, sans laquelle toute montée en charge de la négociation restera lettre morte. Cela procède d’une évolution des cultures et des pratiques syndicales comme patronales, qui met en cause la responsabilité propre des organisations.