L’employeur qui embauche, souhaite le faire en toute sécurité. A cette fin, il dispose de la faculté d’insérer une période d’essai au contrat de travail, tout en veillant à respecter son régime juridique. Le code du travail ainsi que la convention collective ou l’accord applicable seront donc utilement consultés au préalable pour déterminer la durée possible de la période d’essai.
Néanmoins, les stipulations contenues dans les conventions et accords collectifs ne sont pas toujours conformes au droit, ce qui oblige à beaucoup de prudence lorsqu’elles sont mises en œuvre.
« Le mieux est l’ennemi du bien » ; à vouloir trop sécuriser la relation juridique de travail on risque de l’affaiblir. C’est ce qui est arrivé à une entreprise qui, pour déterminer la durée de l’essai, s’est référée à la convention collective nationale des réseaux de transports publics urbains de voyageurs. Bien mal lui en a pris…
Les faits de l’espèce
Une société de transport de l’agglomération mulhousienne embauche une salariée en 2008 dans le cadre d’un contrat de professionnalisation en qualité de conducteur receveur. Un contrat à durée indéterminée est formé avec une période d’essai de douze mois. Près de six mois plus tard, l’employeur notifie à la salariée la rupture des relations contractuelles, en substance de la sorte : « Nous avons le regret de vous informer que votre période de stage n’ayant pas été satisfaisante, nous mettons fin à votre stage conformément à l’article 16 de notre convention collective… ». La salariée conteste cette décision devant la juridiction prud’homale et sollicite la requalification de la rupture des relations contractuelles en licenciement sans cause réelle et sérieuse, tandis que l’employeur soutient, quant à lui, que cette rupture est intervenue pendant la période d’essai, et que la période d’essai de 12 mois prévue au contrat de professionnalisation est conforme, quant à sa durée, à l’article 16 de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs.
La décision des juges
En cause d’appel, les juges rejettent sa demande et retiennent que la durée de la période d’essai de douze mois était licite. La salariée décide de se pourvoir en cassation avec succès. Par un arrêt du 30 septembre 2014, la Cour de cassation censure les juges du fond et affirme au contraire « qu’est déraisonnable, au regard de la finalité de la période d’essai et de l’exclusion des règles du licenciement durant cette période, une période d’essai dont la durée est de douze mois ». Les Hauts magistrats jugent, au visa des principes posés par la convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT), que la stipulation de la convention collective des réseaux de transports publics urbains de voyageurs du 11 avril 1986, en son article 16, n’est pas licite.
Les conséquences de cet arrêt
En l’espèce, la salariée était fondée à demander la requalification de la rupture du contrat en licenciement, peu importe que celle-ci soit intervenue durant la période d’essai contractuelle. Corrélativement, réparation devait lui être faite par l’octroi de dommages-intérêts pour non-respect de la procédure de licenciement et pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De façon plus générale, s’agissant de la convention collective litigieuse, la stipulation de l’article 16 qui fixe la durée de la période d’essai à douze mois, et l’assimile à un stage, est contraire aux principes relatifs à la rupture du contrat de travail, ainsi qu’à la durée de la période d’essai, tels qu’ils résultent du droit international du travail. Elle est donc inopposable au salarié, qui, s’il se voyait rompre la période de « stage » de douze mois, serait fondé à agir en justice.
En conclusion
Selon la loi, la période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent. Sa finalité doit donc être respectée sans être contournée.
Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai auquel cas, elle doit être expressément stipulée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Sa durée maximale est de 2 mois pour les ouvriers et les employés, de 3 mois pour les agents de maîtrise et les techniciens, de 4 mois pour les cadres. Elle peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Dans ce cas, l’accord fixe les conditions et les durées de renouvellement. En tout état de cause, la durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser 4 mois pour les ouvriers et employés, 6 mois pour les agents de maîtrise et techniciens et 8 mois pour les cadres.
Des dérogations sont toutefois possibles : la durée peut être plus longue si l’accord de branche qui la fixe a été conclu avant le 26 juin 2008. Mais alors, cette durée devra être raisonnable, sous le contrôle éventuel du juge. La durée peut en revanche être plus courte si elle procède de la volonté des parties ou si elle a été fixée par un accord collectif conclu après le 26 juin 2008.
Textes applicables :
– Convention n° 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur le licenciement, adoptée à Genève le 22 juin 1982 (entrée en vigueur en France, le 16 mars 1990).
– Articles L. 1221-19 et suivants du code du travail.
Arrêt cité :
– Cass. soc., 30 sept. 2014, n° 13-21.385, F-D, Mme L. c/ Sté Solea