L’hôtellerie française est désormais en très mauvaise posture. Les premières statistiques sont tombées hier, publiées par l’INSEE. Pire que la récession annoncée d’environ 10% pour l’ensemble du pays sur l’année, l’effondrement pour le seul mois de juin dans l’activité hôtelière, par rapport à 2019, est de 75%. Ce seul chiffre en dit long sur la vulnérabilité de l’économie française.
L’hôtellerie française vit une crise extrêmement violente qui pourrait laisser de profondes séquelles sur l’ensemble du secteur, et probablement sur l’ensemble de l’économie française. Selon les chiffres de l’INSEE, pour la seule Ile-de-France, le nombre de nuitées mensuelles est passé d’environ 5 millions jusqu’en février 2020 à quelques dizaines de milliers en mars. En juin, il est péniblement parvenu à se hisser à 600.000 nuitées.
Rappelons qu’en juin 2019, l’Île-de-France avait enregistré près de 7 millions de nuitées. L’activité s’est donc effondrée, pour la seule région parisienne, de 90% en un an !
On peine à mesurer l’impact du phénomène aujourd’hui. Mais une tendance se dégage : les étrangers ne viennent plus, et l’hôtellerie française doit essentiellement compter sur la fréquentation française pour continuer un semblant d’activité.
Le haut-de-gamme pénalisé
La fréquentation hôtelière a fortement diminué dans le haut de gamme (4 étoiles et 5 étoiles). En juin 2020, le nombre de nuitées chute de 83 % par rapport à son niveau de juin 2019. Les hôtels 4 étoiles et 5 étoiles représentaient 27 % de l’ensemble des nuitées hôtelières en juin 2019, contre seulement 17 % en juin 2020.
La faible reprise d’activité a d’abord profité aux hôtels d’entrée de gamme. La fréquentation des hôtels de 1 étoile ou 2 étoiles en juin 2020 est revenue au tiers de son niveau de juin 2019.
Enfin, la baisse de fréquentation des hôtels de 3 étoiles est semblable à la moyenne nationale.
Pour l’ensemble du pays, la situation est un peu moins cataclysmique. Les hôtels de vacances à la mer, notamment, ont limité les dégâts.
Mais il ne faudrait pas faire d’angélisme. Comme le montrent les chiffres ci-dessous, l’activité s’est effondrée de 96% en avril sur l’ensemble du territoire, et de 92% en mai. Elle est légèrement remontée à 73% de baisse en juin.
Sur l’ensemble du trimestre, la baisse est de plus de 85%, et presque totale sur les étrangers.
C’est probablement la donnée à retenir : la spécialisation française dans le tourisme produit des résultats extrêmement négatifs. Nul ne peut aujourd’hui mesurer l’impact durable de la disparition du tourisme international sur l’économie française. Mais une chose est sûre : avoir troqué nos usines polluantes contre de beaux hôtels qui attirent une riche clientèle étrangère est aujourd’hui un handicap et un piège.
Pour le monde d’après, la question du tourisme de masse méritera d’être repensée.
Notre travail aujourd’hui, c’est de faire comprendre à l’exécutif que notre secteur n’est pas tiré d’affaire, et que nous sommes encore dans le temps difficile de la reprise, bien loin de la relance. Nos trésoreries sont fragilisées par 3 mois de fermeture et par une reprise d’activité au ralenti en raison de l’absence de tourisme d’affaires, évènementiel et touristes étrangers. L’activité partielle est certes une mesure forte et importante pour notre secteur mais elle ne pourra pas empêcher la casse sociale d’ici décembre 2020, si le Gouvernement ne se décide pas à un accompagnement renforcé, comme le proposaient certains amendements qui ont été malheureusement rejetés. Une fois que la période des vacances sera passée, nous craignons pour la rentrée qui sera le moment de vérité pour notre profession.
Roland Héguy, président de l’UMIH