Cet article a été initialement publié sur le site CFTC
Le droit d’arrêter le travail, le droit de le reprendre
Par la condamnation d’un employeur ayant fait travailler une salariée en congé maternité avant de la licencier, la cour d’appel de Paris réaffirme deux principes fondamentaux : l’obligation de sécurité de résultat à l’égard d’une salariée enceinte et la période de protection dont elle bénéficie.
L’article L. 1225-29 du Code du travail l’énonce clairement : “Il est interdit d’employer la salariée pendant une période de huit semaines au total avant et après son accouchement. Il est interdit d’employer la salariée dans les six semaines qui suivent son accouchement”. Une cadre s’est pourtant vu solliciter par son employeur durant cette période et durant son congé pathologique.
Les juges¹ ont retenu que son départ n’avait pas été anticipé, qu’elle n’avait pas été remplacée à son poste de responsable de département sauf par une stagiaire, pour laquelle elle était disponible et joignable aussi souvent que nécessaire.
En bref, qu’elle continuait de gérer les activités « en direct », avec des salariés toujours placés « sous son autorité directe ». Or, la poursuite de son activité même à distance a eu des répercussions sur sa santé, attestées par ses alertes mail successives sur son état de fatigue et par son congé pathologique. En continuant de l’impliquer autant et en ignorant ses avertissements, l’employeur a donc à son égard « violé son obligation de sécurité de résultat ».
L’employeur a écopé d’une seconde condamnation liée, cette fois, au licenciement de la salariée : le motif économique invoqué a été réfuté par la cour. Non seulement il a été établi « un lien direct » entre « la dégradation progressive de la relation professionnelle des deux parties et celle de l’état de santé » de la cadre, mais en plus, la proposition de modification de son contrat (à l’origine du licenciement) a eu lieu le jour où, en arrêt pathologique, elle indiquait par mail ne plus pouvoir suivre les projets. La cour en conclut à l’existence d’une “discrimination”².
En effet, hormis en cas de faute grave (non liée à la grossesse) ou de motif économique, une salariée ne peut être licenciée dès lors qu’elle prévient l’employeur de son état et durant les quatre semaines qui suivent son congé maternité³. C’est la « période de protection relative », inscrite à l’article L. 1225-4 du Code du travail.
Cette protection devient « absolue » durant son congé maternité à proprement parler*. Toute salariée en congé d’adoption bénéficie de la même protection (L. 1225-38). Cependant, celle-ci ne fait pas obstacle à l’échéance d’un CDD ou à une rupture conventionnelle, qui peut être signée et prendre effet à n’importe quel moment**.
1. Cour d’appel de Paris, 18 novembre 2015, n° 13/00633.
- En conséquence, le licenciement a été annulé.
- En cas de prise de congés payés après le congé maternité, le point de départ de la période de protection de quatre semaines est dans ce cas reporté à la reprise du travail par la salariée (Cour de cassation, Chambre sociale, 30 avril 2014, n° 13-12.321).
* Donc même en cas de faute grave ou de motif économique, le licenciement ne peut ni être notifié à la salariée, ni prendre effet pendant le congé.
** Cour de cassation, Chambre sociale, 25 mars 2015, n° 14-10.14.((Encadré))LA CFTC ENTENDUELa CFTC a été auditionnée sur une proposition de loi visant à prolonger la période de protection contre le licenciement qui suit un congé de maternité (de 4 semaines actuellement à 10). La CFTC a rendu un avis favorable, de même que sur le report de ce délai en cas de prise de congés payés immédiatement après le congé mat’ (ou la naissance de l’enfant, pour les hommes).