L’irrégularité de la rupture conventionnelle n’entraine pas sa nullité

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

 

La convention attenante à la rupture conventionnelle ne peut acter de son effectivité avant « le lendemain du jour » de son homologation. De plus, l’indemnité spécifique qu’elle fait apparaître ne peut être inférieure à un montant déterminé par la loi. Malgré tout, la mise à mal de chacune de ces deux règles ne suffit pas à entraîner la nullité de la rupture conventionnelle. Tel est le sens de cette décision pour le moins décevante de la Cour de cassation. Cass. soc. 08.07.2015, n° 14-10.139 

 

L’histoire qui a conduit à ce contentieux est celle d’une rupture de contrat de travail quelque peu rocambolesque. Un salarié, justifiant d’une très conséquente ancienneté (35 années de bons et loyaux services) exerçait en qualité d’ajusteur-monteur au sein de la société Snecma. 

Visiblement en souffrance dans son travail, il demanda à son employeur de pourvoir « bénéficier » d’une rupture conventionnelle de son contrat de travail. Nous étions alors au tout début de l’année 2010. 

Son employeur finit par accéder à sa demande. Et c’est ainsi que, le 12 mai 2010, une convention de rupture conventionnelle fut signée entre les deux parties. Fin du film ? Pas vraiment, puisque, dans la foulée, l’administration du travail refusa d’homologuer la convention de rupture au motif d’ « une indemnité de rupture conventionnelle inférieure au minimum » et d’ « un non-respect du délai de rétractation »

Le 9 juin suivant, les mêmes protagonistes se virent donc contraints de parapher une nouvelle convention. Rebelote, pour un motif en parti similaire, l’administration du travail refusa à nouveau de l’homologuer. Et comme pour respecter le proverbe, « jamais deux sans trois », le 26 juillet suivant, une nouvelle convention fut paraphée… Cette fois, ce fut la bonne puisque, le 9 août, la tentative se verra couronnée de succès via la délivrance de l’homologation tant attendue. 

Pour le salarié, les ennuis n’étaient pas pour autant terminés, car si convention de rupture avait finalement pu être homologuée, elle ne le remplissait toujours de ses droits. Ce dernier décida donc de porter l’affaire aux prud’hommes afin qu’il soit jugé de la nullité de ladite convention. 

 

Une convention de rupture manifestement irrégulière 

En son premier alinéa, l’article L. 1237-13 du Code du travail précise que la convention de rupture conventionnelle ne peut arrêter « un montant d’indemnité spécifique (…) inférieur à celui de l’indemnité » légale de licenciement. 

En son deuxième alinéa, ce même article précise que la date de rupture du contrat de travail fixée à la convention de rupture conventionnelle « ne peut intervenir avant le lendemain du jour de l’homologation »

Or, sur ces deux points tout à fait essentiels, la convention de rupture, bien qu’homologuée, était bel et bien défaillante. C’est ainsi que le treizième mois, ainsi qu’un certain nombre de primes, qui auraient dû être intégrées à la base de calcul de l’indemnité spécifique de rupture ne l’avaient pas été. Ce qui avait eu pour fâcheuse conséquence de minorer le montant de cette dernière. C’est ainsi également que la date de rupture du contrat de travail avait été fixée au 6 août 2010… alors même que l’homologation n’avait été délivrée, par l’administration du travail, que trois jours plus tard. 

 

Le pourquoi de la demande du salarié 

Les prescriptions visées aux deux premiers alinéas de l’article L. 1237-13 étant clairement impératives, le salarié estimait que leur mise à mal ne pouvait se traduire que par la nullité de la convention de rupture conventionnelle. Une telle appréciation était d’ailleurs d’autant plus compréhensible, que l’on peut bien facilement comprendre que la hauteur d’indemnisation de la rupture est toujours, par nature, une condition de son acceptation. 

Or, ici, le salarié était en droit d’attendre une indemnisation qui ne lui a, finalement, pas été accordée. 

 

Le caractère “surréaliste” de l’arrêt d’appel 

Le salarié n’eut pas grand mal à convaincre les juges du fond que la convention de rupture conventionnelle était irrégulière. Mais, hélas, cela ne lui servit pas à grand à chose puisque la cour d’appel ne jugea pas pour autant nécessaire de condamner l’employeur à quoi que ce soit (!). Visiblement prise d’un irrépressible élan de confiance envers la partie patronale, elle se contenta, en effet, de « donner acte à l’employeur de ce qu’il serait redevable d’une somme à titre de complément d’indemnité conventionnelle » et de « donner acte à l’employeur de ce qu’il va régulariser la rupture au 10 août 2010, lendemain du jour de l’homologation »

C’est ainsi qu’au final, le salarié se retrouva avec une belle décision de justice dépourvue de toute portée juridique… 

 

La condamnation de l’employeur, oui. La nullité de la convention, non ! 

La Cour de cassation ne pouvait donc que censurer cette décision un tantinet folklorique. C’est ainsi qu’elle rappela aux juges d’appel que, au vu des constatations qu’ils avaient eux-mêmes opérées, ils auraient dû rectifier la date de rupture et condamner pécuniairement l’employeur (eu égard au montant insuffisant de l’indemnité spécifique de rupture). 

En ne le faisant pas, ils avaient manifestement violé l’article 12 du code de procédure civile qui précise, en son premier alinéa, que le juge doit « trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables »

Par contre, et c’est bien là le hic, la haute Cour ne retint pas l’argumentation du salarié qui plaidait en faveur de la nullité (de la convention de rupture) au motif que c’était bel et bien « le salarié qui avait été à l’initiative de la rupture » et qu’il « avait réitéré sa demande de rompre le contrat de travail après un refus d’homologation de la convention de rupture soumise à l’inspection du travail ». Laissant ainsi entendre, qu’en l’espèce, seul un vice du consentement eut été de nature à entacher de nullité la convention de rupture. Or, il est à notre sens bien regrettable qu’en la matière, le champ de la nullité se trouve pour ainsi dire réduit à sa plus simple expression ! 

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