Les anciens objecteurs de conscience doivent disposer des mêmes droits à la retraite que ceux ayant fait leur service militaire

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

Pour le calcul de leur droit à retraite, les anciens objecteurs de conscience doivent disposer des mêmes droits que les assurés ayant consenti au service militaire. C’est ce qu’a décidé pour la première fois la Cour de cassation dans un arrêt récent. Elle a jugé que la différence de traitement introduite par le Code de la Sécurité sociale ne reposait sur aucun élément objectif et raisonnable et était incompatible avec l’interdiction des discriminations prévue par la Convention européenne des droits de l’Homme. Cass.2e.civ. 20.09.18, n° 17-21.576. 

  • Faits et procédure

Entre 1976 et 1977, un assuré a effectué un service civil de 2 années avec le statut d’objecteur de conscience, durée deux fois supérieure à ce qu’il aurait effectué en service militaire (soit 1 an). 

Le droit à objection de conscience autorisait les jeunes aptes à la mobilisation, mais opposés à l’usage des armes en raison de leurs opinions philosophiques ou convictions religieuses, à exécuter leur service dans une formation non armée ou civile en assurant un travail d’intérêt général. Sa durée était égale à deux fois celle accomplie par la fraction de classe à laquelle ils appartenaient (1). 

Au moment de faire valoir ses droits à retraite, l’assurance vieillesse lui a refusé le bénéfice d’un départ en retraite anticipé pour carrière longue au motif qu’il ne réunissait pas le nombre de trimestres cotisés requis. 

Les personnes ayant commencé à travailler jeunes (avant 20 ans) peuvent partir à la retraite avant l’âge légal. Deux conditions à remplir : une durée minimale d’assurance cotisée sur l’ensemble de la carrière et une durée d’assurance minimale en début de carrière. Certains trimestres assimilés sont réputés avoir donné lieu à cotisations et permettent ainsi d’augmenter le nombre de trimestres cotisés. C’est notamment le cas du service national, dans la limite de 4 trimestres (2). 

En l’occurrence, la caisse avait comptabilisé seulement 4 trimestres au titre de son service national ayant pourtant duré 2 ans. En effet, dans le cadre du dispositif « carrières longues », il est prévu la prise en compte de 4 trimestres réputés cotisés maximum au titre du service national et ce, quelle que soit sa durée (3). En d’autres termes, que l’assuré ait effectué un service militaire d’1 an ou un service civil de 2 ans, la durée réputée cotisée est identique. La deuxième année de service, n’étant pas réputée cotisée dans le cadre d’un départ anticipé et ne permettant aucune validation de cotisation, ne donne en conséquence aucun droit à la retraite. 

L’assuré a alors saisi le Tribunal des affaires de Sécurité sociale (TASS) pour réclamer la prise en compte de trimestres supplémentaires au titre de la totalité de sa période de service civil. 

  • L’objecteur de conscience ne doit pas être discriminé pour le calcul de ses droits à retraite

Les juges du fond, en première instance comme en appel, font droit aux demandes de l’assuré. La cour d’appel rend sa décision sur le fondement de l’article 14 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (CEDH). 

Celui-ci interdit toute discrimination dans la jouissance des droits et libertés, notamment sur le fondement des opinions politiques ou toutes autres opinions. La cour considère que « dès lors que le droit à l’objection de conscience est reconnu par la loi, il ne peut faire l’objet d’une sanction sous la forme d’une discrimination indirecte, par rapport à l’assuré ayant effectué un service militaire d’un an ». Sanction se traduisant par l’attribution de droits réduits lorsqu’ils souhaitent bénéficier du dispositif de départ à la retraite anticipé pour carrière longue. Elle en déduit que la limitation prévue par le Code de la sécurité sociale à 4 trimestres réputés cotisés est inconventionnelle au regard du droit européen

En retour, la caisse se pourvoit en cassation. Elle avance notamment que l’objecteur de conscience et l’assuré ayant effectué son service militaire se trouvaient dans des situations différentes et que, par conséquent, ni les règles de non-discrimination ni le principe d’égalité ne trouvaient à s’appliquer. 

La Cour de cassation rejette cette argumentation : le Code de la sécurité sociale introduit au détriment des assurés ayant relevé du statut des objecteurs de conscience « une différence de traitement qui ne repose sur aucune justification objective et raisonnable ». Elle prend soin d’ajouter que cette différence de traitement était « incompatible » avec les droits garantis par la CEDH. 

  • Une position conforme à celle du défenseur des droits

Le Défenseur des droits avait été saisi d’une réclamation par l’assuré en question en cours de procédure. C’est ainsi qu’il avait décidé de présenter ses observations devant le TASS. 

La décision de la 2è chambre civile est en tout point conforme à celle du Défenseur des droits, à la différence près que ce dernier s’appuie en plus sur le principe d’égalité garantit par l’article 1er de la Constitution. Dans sa décision du 22 septembre 2014, il concluait que la prise en compte incomplète de la période de service national civil d’un objecteur de conscience dans le cadre de la constitution de ses droits à retraite était « contraire au principe constitutionnel d’égalité et constitutive d’une discrimination fondée sur les opinions ». 

Par cet arrêt, la Haute juridiction écarte l’application des dispositions règlementaires limitant à 4 trimestres la prise en compte des périodes de service civil des objecteurs de conscience pour la durée d’assurance requise au titre du dispositif « carrières longues ». Des dispositions discriminatoires ! Il en résulte, logiquement, que la totalité des périodes de service civil doit être prise en compte. 

 

 


(1) Loi n° 63-1255 du 21.12.63. 

(2) Art. D.351-1-2 C.sécu. 

(3) Art. D.351-1-2 C.sécu. 

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