Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT
La Cour de cassation a jugé que les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur en cas de manquement à son obligation de sécurité. Cass. soc. 10.02.2016, n° 14-24350.
L’employeur n’est pas le seul à être débiteur d’une obligation de sécurité envers les travailleurs(1). Le Code du travail prévoit qu’il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail(2).
- La connaissance et l’acceptation du risque par la salariée
Dans cette affaire, une salariée était embauchée en tant que consultante en 2003. Son lieu de travail contractuellement prévu était fixé à Marseille mais elle était amenée à effectuer quelques déplacements occasionnels sur l’ensemble de la France. Toutefois, à partir de 2008, elle a vu son temps de travail partagé pour moitié auprès de l’établissement situé en Ile de France et pour moitié sur Marseille avec des déplacements ponctuels. La salariée acceptait cette nouvelle affectation en région Ile de France.
Six mois plus tard, la salariée a alerté ses supérieurs des conséquences sur sa vie personnelle et sa santé engendrées par la multitude de ces trajets, la pression qu’ils engendraient et un rythme de travail trop soutenu. Elle laissait savoir que cette situation n’était plus supportable et avait exprimé l’urgence de trouver une solution.
Pour autant, la société n’a pris aucune mesure pour garantir l’état de santé de la salariée. Cela s’est traduit par plusieurs arrêts de travail successifs à la suite desquels la salariée a été déclarée inapte à tout poste de travail comportant des déplacements répétés à l’échelon national et ensuite été licenciée.
- Une indemnisation pondérée par les juges du fond
Les juges du fond ont reconnu que l’employeur avait manqué à son obligation de sécurité. En revanche, ils ont considéré que l’indemnisation de la salariée devait être limitée au regard de sa propre attitude qui avait concouru à son dommage. En effet, ils ont estimé que la salariée avait accepté les risques qu’elle dénonçait. Selon eux, si elle était en droit d’accepter ces risques moyennant une augmentation de salaire, il était « néanmoins juste qu’elle en supporte également les incidences ».
A la suite de cette décision, la salariée s’est pourvue en cassation.
- Le fait que le salarié ait connu et accepté le risque n’exonère pas l’employeur de sa responsabilité
La Cour de cassation censure heureusement cette analyse. Elle rappelle que “les obligations des travailleurs dans le domaine de la sécurité et de la santé au travail n’affectent pas le principe de responsabilité de l’employeur“.
Cette position de la chambre sociale est tout à fait cohérente avec la législation en la matière. En effet, si le salarié a l’obligation de prendre soin de sa santé et de sa sécurité en application de l’article L. 4122-1 du Code du travail, cet article précise bien que cela est sans incidence sur le principe de la responsabilité de l’employeur. Il garde une responsabilité peine et entière sur la réalisation du dommage, responsabilité qui n’est pas partagée avec le salarié. Ainsi, dans cette affaire, les juges du fond ne pouvaient pas pondérer la réparation de la salariée au regard de son attitude jugée fautive.
Que le salarié ait méconnu son obligation propre de sécurité ne doit pas permettre à l’employeur de s’exonérer, même partiellement, de sa propre responsabilité née de l’inexécution de ses obligations en matière de santé et de sécurité des travailleurs.
(1) L. 4121-1 C. trav.
(2) L. 4122-1 C.trav.