Réforme de l’apprentissage : la probable issue de l’usine à gaz

Alors que la mission-fiasco de “concertation” sur la réforme de l’apprentissage, confiée au CESE, rend aujourd’hui son rapport à Muriel Pénicaud, la ministre du Travail, la tension peine à retomber entre les acteurs intéressés à cet enjeu. Afin de mettre tout le monde d’accord, l’exécutif semble avoir le choix de réorganiser l’apprentissage sur le schéma d’une usine à gaz. 

Medef et CPME contre régions

Les différentes réunions de concertation prévues depuis la fin du mois de décembre 2017 ont été soit largement perturbées, soit même tout simplement annulées, du fait d’un désaccord fondamental apparu entre les régions et le patronat du Medef et de la CPME. Au centre de l’organisation actuelle de l’apprentissage, les premières n’entendaient pas se laisser déposséder sans rien faire de leurs prérogatives par les branches professionnelles. A l’inverse, le patronat voyait évidemment d’un bien meilleur oeil ce projet porté par le Président de la République. Incapables de se concerter dans le cadre de la mission du CESE, dirigeants patronaux et représentants des régions en étaient venus à négocier directement avec Edouard Philippe et Muriel Pénicaud, afin d’obtenir leurs faveurs. 

Patronat contre patronat

Les échanges s’envenimant, des divergences ont fini par apparaître au sein du camp patronal. Alain Griset, le président de l’U2P, a d’abord exprimé publiquement son désaccord avec le sabordage de la concertation par le Medef et la CPME : “Interrompre les discussions sur une réforme d’une telle importance n’est pas à la hauteur des enjeux”. Pas nécessairement mécontente du fonctionnement actuel de la politique de l’apprentissage, l’U2P ouvrait ainsi une brèche dans l’unité patronale. D’après le JDD, le bâtiment, les chambres de métiers et la FNSEA partagent globalement cette position. Sous l’impulsion de la métallurgie et d’autres branches “riches” de la finance et des services, le Medef n’en démordait toutefois pas : l’apprentissage devait devenir une compétence des branches d’activité. 

Philippe contre Pénicaud ?

La situation devenant tout à fait bloquée, c’est finalement au sein du gouvernement que, toujours d’après le JDD, des désaccords ont opposé Edouard Philippe et Muriel Pénicaud. Il faut dire que Hervé Morin, président UDI de l’association des régions de France, s’est engagé corps et âme pour l’apprentissage, adoptant volontiers une posture anti-libérale : “Le système Medef-UIMM, c’est la main invisible du marché, la loi de l’offre et de la demande. Il faut un minimum de pilotage public, sinon on va assister à un appauvrissement considérable de l’offre de formation”. Préférant ne pas se mettre les régions à dos, Edouard Philippe se serait montré sensible aux arguments de M. Morin, tandis que Mme Pénicaud continuait pour sa part de plaider pour une remise à plat totale du système. 

La solution de l’usine à gaz

Afin de déminer ce dossier désormais explosif, l’exécutif semble avoir trouvé une solution pouvant mettre tout le monde d’accord. Une solution qui, à l’évidence, a toutes les chances de donner lieu à la transformation de l’organisation de l’apprentissage en une véritable usine à gaz. Cité par l’AFP, David Margueritte, négociateur au nom des régions de France dans le cadre de la concertation du CESE, croit savoir que les régions conserveraient le domaine de l’orientation, qu’elles signeraient avec chaque branche “un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens de formations”, permettant à chaque branche de pouvoir créer des CFA mais avec droit de veto des régions a posterio, et, enfin, que le coût unitaire de chaque apprenti pourrait évoluer selon les régions et les professions. 

Organisée de manière relativement simple, la politique de l’apprentissage ne devrait donc plus l’être. 

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