La sanction disciplinaire non prévue par le règlement intérieur peut être annulée !

La Cour de cassation a rendu le 23 Mars 2017, une décision importante sur la validité d’une sanction disciplinaire qui n’est pas prévue par le règlement intérieur dans une entreprise d’au moins 20 salariés. 

 

Le cas soumis à la Cour de cassation

Dans l’affaire présentée à la Cour, une salariée d’une entreprise d’au moins 20 salariés a fait l’objet d’un avertissement, assimilé à une sanction disciplinaire, de la part de son employeur. La salariée a alors saisi le juge afin de faire annuler cette sanction disciplinaire au motif que celle-ci n’est pas prévue par le règlement intérieur de l’association qui l’emploie. Le juge a admis la demande de la salariée, ce qui a poussé l’employeur à contester cette décision. 

 

L’employeur peut-il sanctionner en l’absence de règlement intérieur ?

La Cour de cassation commence par rappeler que l’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins 20 salariés. Cette obligation est prévue par l’article L. 1311-2 du code du travail. La Cour de cassation précise que le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives, à la discipline, et notamment à la nature et à l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur à l’égard de ses salariés. 

Le juge va plus loin en précisant que dans l’entreprise d’au moins 20 salariés, la sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié que si elle est prévue par son règlement intérieur. 

Or dans le cas présenté à la Cour, l’association qui emploie la salariée sanctionnée fait travailler plus de 20 salariés et ne disposait pas d’un règlement intérieur au moment des faits. 

L’annulation de la sanction disciplinaire est donc bien confirmée. 

Cette décision est un avertissement lancé à tous les employeurs de plus de 20 salariés : la rédaction du règlement intérieur et son contenu en matière disciplinaire sont primordiaux ! 

 

Le texte de l’arrêt

Retrouvez ci-dessous le texte de l’arrêt de le Cour de cassation. 

 

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant : 

Attendu, selon l’arrêt attaqué statuant en référé (Versailles, 9 juin 2015), que Mme X… a été engagée par l’association ADMR le 18 mai 2009 comme employée à domicile ; que, le 29 octobre 2013, son employeur lui a notifié un avertissement ; 

Sur le moyen unique : 

Attendu que l’employeur fait grief à l’arrêt de lui ordonner d’annuler la sanction prononcée le 29 octobre 2013 à l’égard de la salariée et de remettre la situation en l’état antérieur à cette sanction alors, selon le moyen : 

1°/ que si, dès lors que le règlement intérieur fixe les règles relatives à la discipline, aucune sanction ne peut être prononcée si elle n’est pas prévue par ce règlement intérieur, l’absence de règlement intérieur ne prive pas l’employeur de tout pouvoir disciplinaire hors la rupture du contrat ; qu’en disant la sanction irrégulière alors qu’elle avait constaté que l’association ADMR ne disposait pas d’un règlement intérieur, même obligatoire, au moment du prononcé de l’avertissement, la cour d’appel a violé les articles L. 1311-2, L. 1321-1, L. 1331-1 du code du travail, ensemble l’article R. 1455-6 du même code ; 

2°/ que s’il appartient au juge des référés de faire cesser un trouble manifestement illicite, il ne peut pour autant annuler une sanction ; que l’avertissement ne mettant pas en cause la présence du salarié dans l’entreprise ni sa situation, le juge peut tout au plus le suspendre et le priver d’effet, serait-ce par son retrait provisoire du dossier du salarié; qu’en prononçant l’annulation de l’avertissement, la cour d’appel a excédé les pouvoirs qu’elle tient de l’article R. 1455-6 du code du travail, ainsi violé ; 

Mais attendu, d’une part, qu’une sanction disciplinaire autre que le licenciement ne peut être prononcée contre un salarié par un employeur employant habituellement au moins vingt salariés que si elle est prévue par le règlement intérieur prescrit par l’article L. 1311-2 du code du travail ; 

Attendu, d’autre part, que la cour d’appel n’a pas annulé la sanction prononcée mais a ordonné à l’employeur de prendre la mesure propre à faire cesser le trouble manifestement illicite qu’elle avait constaté ; 

D’où il suit que le moyen n’est fondé en aucune de ses branches ; 

PAR CES MOTIFS : 

REJETTE le pourvoi ; 

Condamne l’association ADMR de Maintenon aux dépens ; 

Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne l’association ADMR de Maintenon à payer à la SCP Lyon-Caen et Thiriez la somme de 3 000 euros ; 

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois mars deux mille dix-sept. 

MOYEN ANNEXE au présent arrêt 

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour l’association ADMR de Maintenon 

Il est fait grief à l’arrêt attaqué, confirmatif sur ce point, d’AVOIR ordonné à l’association d’annuler la sanction prononcée le 29 octobre 2013 à l’égard de Mme X…, et de remettre en l’état sa situation avant cette sanction 

AUX MOTIFS PROPRES QUE, sur la demande d’annulation de l’avertissement : selon l’article R 1455-6 du code du travail, le juge des référés peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour provenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite. Selon l’article L.1311-1 du code du travail, l’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins 20 salariés, ce qui est le cas de l’association ADM ; l’article L.1311-2 du code du travail dispose que le règlement intérieur est un document écrit par lequel l’employeur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, notamment la nature et l’échelle des sanctions qu’il peut prendre à l’égard de ses salariés ; aux termes de l’article L.1331-1 du code du travail, constitue une sanction disciplinaire toute mesure prise par l’employeur à la suite d’un agissement d’un salarié considéré comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l’entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération ; en l’espèce, dans la lettre de convocation en date du 10 octobre 2013 envoyée à Mme X…, l’association ADMR emploie le temps de « sanction disciplinaire », puis dans la lettre du 29 octobre 2013, elle lui notifie un « avertissement disciplinaire », précisant qu’il sera versé à son dossier, invoquant plusieurs griefs tous contestés par la salariée ; il est donc clairement établi que l’association ADMR a entendu prononcer une sanction disciplinaire à l’encontre de Mme X…, l’avertissement étant versé à son dossier et pouvant affecter sa carrière, par l’aspect négatif qu’il implique dans sa manière de travailler ; or cette sanction disciplinaire n’est pas prévue dans le règlement intérieur de l’association ADMR, qui n’existe pas l’existence de ce document à la date de l’avertissement, étant précisé qu’un règlement intérieur a été établi postérieurement en juin 2014 et qu’il prévoit notamment comme sanction l’avertissement ; dès lors il convient afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite, comme le conseil de prud’hommes l’a jugé, d’ordonner à l’association ADMR d’annuler l’avertissement prononcé le 29 octobre 2013 à l’égard de Mme X… ; cependant il ne sera pas prononcé d’astreinte, cette demande n’étant plus soutenue en appel. La somme de 500 euros sera allouée à Mme X… sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en suis de celle allouée en première instance ; les dépens de première instance et d’appel sont mis à la charge de l’association ADMR. 

AUX MOTIFS ADOPTES QUE, sur le retrait de l’avertissement : Mme X… s’est vue notifier un avertissement par courrier recommandé avec AR daté du 29 octobre 2013 ; Mme X… sollicite le retrait de son avertissement au motif que l’association ADMR ne possède pas de règlement intérieur ; le premier alinéa de l’article L.1311-2 du code du travail stipule que « l’établissement d’un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement vingt salariés et plus » ; l’association ADMR possède un nombre de salariés supérieur à vingt ; l’association ADMR n’apporte pas la preuve de l’existence d’un règlement intérieur mais se contente de soulever l’incompétence de la formation de référé en indiquant que dans cette affaire il y a contestation sérieuse et absence de trouble manifestement illicite ; l’association ADMR fournit des témoignages pour tenter de justifier le bien fondé de l’avertissement mais ces témoignages ne sont pas conformes à l’article 202 du code de procédure civile qui énonce que « L’attestation contient la relation des faits auxquels son auteur a assisté ou qu’il a personnellement constatés. Elle mentionne les noms, prénoms, date et lieu de naissance, demeure et profession de son auteur ainsi que, s’il y a lieu, son lien de parenté ou d’alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d’intérêts avec elles. Elle indique en outre qu’elle est établie en vue de sa production en justice et que son auteur a connaissance qu’une fausse attestation de sa part l’expose à des sanctions pénales. L’attestation est écrite, datée et signée de la main de son auteur. 

Celui-ci doit lui annexer, en original ou en photocopie, tout document officiel justifiant de son identité et comportant sa signature » ; le règlement intérieur fixe les règles générales et permanentes relatives à la discipline, et notamment la nature et l’échelle des sanctions que peut prendre l’employeur et aucune sanction disciplinaire ne peut être prononcée si elle n’est pas envisagée par le règlement intérieur (Cass.soc. 26 octobre 2010, n°09-42.740) ; l’article R 1455-6 du code du travail stipule que « la formation de référé peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite » ; l’avertissement adressé à Mme X… en l’absence de règlement intérieur obligatoire ne pouvait pas lui être adressé, l’association ADMR a donc violé une règle et que cette violation constitue un trouble manifestement illicite ; il ressort des éléments et explications fournis à la formation de référé que la demande relative à l’annulation de la sanction et la remise en état avant sanction remplit les conditions d’urgence et d’absence de contestation sérieuse prévues par les articles R.1455-5 et R.1455-6 du code du travail, s’agissant d’un trouble manifestement illicite ; 

1°) ALORS, D’UNE PART, QUE si, dès lors que le règlement intérieur fixe les règles relatives à la discipline, aucune sanction ne peut être prononcée si elle n’est pas prévue par ce règlement intérieur, l’absence de règlement intérieur ne prive pas l’employeur de tout pouvoir disciplinaire hors la rupture du contrat ; qu’en disant la sanction irrégulière alors qu’elle avait constaté que l’association ADMR ne disposait pas d’un règlement intérieur, même obligatoire, au moment du prononcé de l’avertissement, la cour d’appel a violé les articles L.1311-2, L.1321-1, L.1331-1 du code du travail, ensemble l’article R.1455-6 du même code. 

2°) ALORS, en tout cas QUE si il appartient au juge des référés de faire cesser un trouble manifestement illicite, il ne peut pour autant annuler une sanction ; que l’avertissement ne mettant pas en cause la présence du salarié dans l’entreprise ni sa situation, le juge peut tout au plus le suspendre et le priver d’effet, serait-ce par son retrait provisoire du dossier du salarié; qu’en prononçant l’annulation de l’avertissement, la cour d’appel a excédé les pouvoirs qu’elle tient de l’article R 1455-6 du code du travail, ainsi violé. 

 

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