Cet article a été initialement publié par le syndicat Force Ouvrière.
Dans un arrêt du 11 mars dernier (Cass. soc., 11-3-15, n°13-18603), la Cour de cassation précise que la prise d’acte fondée sur un harcèlement n’est pas nécessairement injustifiée même si le harcèlement a pris fin au moment de la prise d’acte.
En l’espèce, une salariée avait dénoncé à son employeur le harcèlement moral et sexuel dont elle faisait l’objet depuis six mois de la part de son chef de service.
L’employeur avait fait preuve de réactivité puisque un mois après il avait procédé au licenciement du harceleur.
Par la suite, la salariée a pris acte de la rupture de son contrat de travail en invoquant le harcèlement subi, l’ébruitement de l’affaire et les réflexions déplacées de certains collègues qui avaient suivi.
La cour d’appel de Reims a jugé que la prise d’acte produisait les effets d’une démission dans la mesure où, malgré la reconnaissance du harcèlement, aucun manquement ne pouvait être reproché à l’employeur qui, une fois informé des faits, avait immédiatement pris les mesures nécessaires pour y mettre fin.
Pendant longtemps, le salarié qui saisissait la justice d’une prise d’acte fondée sur un harcèlement obtenait systématiquement gain de cause en raison de l’obligation de sécurité de résultat incombant à l’employeur (Cass. soc., 3-2-10, n°08-44019).
En effet, la jurisprudence est constante en la matière : le harcèlement constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat et ce, « quand bien même il aurait pris des mesures pour faire cesser ces agissements. » (Cass. soc., 19-11-14, n°13-17729).
Malheureusement, depuis 2014 (Cass. soc., 26-3-14, n°12-23634), le caractère systématique du prononcé de la prise d’acte aux torts de l’employeur a été remis en cause.
La Cour de cassation a dès lors posé pour principe que seul un manquement suffisamment grave empêchant la poursuite du contrat de travail permet de justifier la prise d’acte.
L’appréciation du manquement suffisamment grave est à la charge des juges du fond, la Cour de cassation ayant pour mission de vérifier que la cour d’appel a bien procédé à cette recherche et n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation.
Dans l’arrêt du 11 mars dernier, la Cour de cassation applique pour la première fois cette nouvelle grille de contrôle à la prise d’acte fondée sur un harcèlement.
Le contrôle de la Haute cour consiste à vérifier que la cour d’appel a recherché, premier point, l’existence d’un manquement, et deuxième point, que ce manquement empêchait la poursuite du contrat de travail.
D’une part, la Cour de cassation rappelle que la simple survenance d’un harcèlement constitue un manquement de l’employeur à son obligation de sécurité de résultat.
D’autre part, la Cour considère qu’en présence d’un tel manquement, les juges du fond doivent rechercher si le harcèlement subi empêche la poursuite du contrat, ce qu’avait omis de faire la cour d’appel en l’espèce.
Ainsi, le fait que l’employeur ait mis fin à la situation de harcèlement ne signifie pas nécessairement que la prise d’acte soit injustifiée, la prise d’acte aux torts de l’employeur (c’est-à-dire produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse) reste envisageable.
La prise d’acte pourra parfaitement apparaitre justifiée au vu des circonstances et conséquences postérieures comme des séquelles psychologiques importantes, ou encore un climat de tension causé par la dénonciation.