Tous les syndicats doivent pouvoir organiser la validation d’un accord

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

En cas d’accord minoritaire(entre 30 et 50%) soumis à la consultation des salariés, tous les syndicats doivent pouvoir discuter des modalités de cette consultation, qu’ils aient ou non signé l’accord qui est soumis aux voix. Le Conseil constitutionnel censure donc l’ancienne version de l’article L2232-12 du Code du travail, suite à une QPC. Une décision qui aura peu d’incidence en pratique, puisque les ordonnances Macron sont déjà passées par là pour corriger le tir. C. const. décision n° 2017-664 QPC 20.10.17 

Pour mémoire, la loi Travail du 8 août 2016 a instauré un mécanisme de « rattrapage » pour la validation des accords collectifs d’entreprise qui ne recueilleraient pas la signature de la majorité des Organisations syndicales représentatives. Pour valider les accords d’entreprises minoritaires (signés par des OS récoltant plus de 30 % mais moins de 50 % des voix aux élections professionnelles), l’article L. 2232-12 du Code du travail prévoit que la convention négociée est validée si les salariés approuvent l’accord à la majorité, par un vote. 

Dans la version initiale de l’article, issue de la loi Travail, la consultation devait se ternir « dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et les organisations signataires ».  

A noter que le terme de « protocole » avait été préféré dans la loi Travail à celui « d’accord », dans la mesure où il n’était ouvert à la négociation que pour les organisations signataires de l’accord soumis à la consultation. On imaginait mal, en effet, des organisations non signataires, et a priori opposées à la consultation des salariés, participer de bonne foi à une négociation sur les conditions de mise en œuvre de cette consultation. Il a donc été décidé que ce protocole ne serait négocié et signé qu’avec les organisations signataires de l’accord. .  

Le décret du 20 décembre 2016 (1) précisant le déroulement de la consultation des salariés a fait l’objet d’un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’Etat devant le Conseil d’Etat par Force ouvrière qui a soulevé une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) (2). Les sages ont été invités à se pencher sur la constitutionnalité des dispositions légales sur la base desquelles le texte réglementaire a été adopté 

C’est la mise à l’écart des organisations syndicales non-signataires que FO a dénoncé dans sa QPC comme portant atteinte aux « principes garantis par la Constitution ». 

  • Une différence de traitement injustifiée

Pour FO, en excluant les OS non signataire de l’accord soumis au vote, le législateur aurait méconnu les principes telles que la liberté syndicale, le droit des travailleurs à la détermination de leur condition de travail et le principe d’égalité devant la loi. 

Le Conseil constitutionnel a bien compris l’objectif initial de la loi et de cette mise à l’écart, à savoir éviter un parasitage de la consultation, il rappelle au préalable qu’« il était loisible au législateur (…) d’instituer des règles visant à éviter que des organisations syndicales non-signataires de l’accord puissent faire échec à toute demande de consultation formulée par d’autres organisations ».  

Il estime toutefois que la réponse apportée par la loi était inconstitutionnelle : « en prévoyant que seules les organisations syndicales qui ont signé un accord d’entreprise ou d’établissement et ont souhaité le soumettre à la consultation des salariés sont appelées à conclure le protocole fixant les modalités d’organisation de cette consultation, les dispositions contestées instituent une différence de traitement qui ne repose ni sur une différence de situation ni sur un motif d’intérêt général en rapport direct avec l’objet de la loi ». La disposition en question a donc été déclarée inconstitutionnelle, à la date de publication de la décision. 

  • Une QPC pour rien ?

Concrètement l’alinéa 4 de l’article L2232-12 a été déclaré inconstitutionnel… mais dans sa version issue de la loi du 8 août 2016. Or cette version, à la date de publication de la décision du conseil constitutionnel (le 20 octobre 2017) n’était déjà plus celle en cours au moment du rendu de la décision. L’ordonnance du 23 septembre 2017 (3) réformant le Code du travail avaient déjà fait évoluer les dispositions du Code du travail dans ce sens. 

La version en vigueur de l’article L2232-12, depuis le 24 septembre dernier, laissait donc la place dans les négociations du protocole de consultation, aux OS représentatives non signataires de l’accord : « La consultation des salariés, qui peut être organisée par voie électronique, se déroule dans le respect des principes généraux du droit électoral et selon les modalités prévues par un protocole spécifique conclu entre l’employeur et une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 30 % des suffrages exprimés en faveur d’organisations représentatives au premier tour des élections mentionnées au premier alinéa, quel que soit le nombre de votants » 

Cette QPC était-elle donc inutile ? N’allons pas jusque-là. On peut imaginer que le Gouvernement a voulu, via les ordonnances, anticiper une censure à venir. Le cadre législatif n’aurait peut-être par évolué aussi vite, si le recours devant le Conseil constitutionnel n’avait pas poussé en ce sens. Ainsi, la QPC aurait servi de catalyseur, pour hâter l’évolution législative. C’est d’ailleurs également la stratégie suivie par la CFDT, qui lui a permis d’obtenir une évolution de la loi en matière de mixité proportionnelle via les ordonnances. 

  • Les modalités de consultations en cas d’accord avec un salarié mandaté validée

La deuxième question soulevée dans le recours, en revanche, n’a pas eu le même succès. FO contestait le fait que les modalités de consultation des salariés, en cas d’accord signé par un salarié ou un élu mandaté (4) ainsi que la contestation de cette consultation étaient renvoyées à un décret. Selon les requérant, le législateur lui-même aurait dû définir ces modalités de consultation et de contestation, en tant que garant du droit à un recours juridictionnel effectif. Motifs écartés par le Conseil constitutionnel qui n’a pas reconnu là « d’incompétence négative » de la part du législateur dans la mesure où ce dernier avait pris soin de renvoyer au décret, en soumettant la consultation « au respect des principes généraux du droit électoral ». 

 

(1) Décret n° 2016-1797. 

(2) CE, 19.07.17, n° 408221, QPC n°2017-664 

(3) n° 2017-1385 

(4) l’article L. 2232-21-1 et l’article L. 2232-27. 

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