Avec la victoire du “non” au referendum organisé par le Premier Ministre, la Grèce a mis la question de l’euro et de sa survie au coeur du débat européen de l’été. Plus que jamais, la sortie de la Grèce hors de la zone euro est une possibilité qui empoisonne la vie du continent! Les prochaines semaines risquent de susciter de nombreux remous autour de cette perspective.
Une possibilité très réaliste
Longtemps a vécu le dogme d’une impossibilité de sortir de la zone euro. Il y a encore deux ans, l’idée d’un “Grexit” paraissait totalement incongrue. Toutefois, l’insoutenabilité de la dette grecque jointe à une logique de rupture (relative) portée par Syriza ont modifié la donne. Beaucoup, en Allemagne, ne cachent plus leur conviction selon laquelle le “Grexit” coûtera moins cher qu’un maintien à tout prix de la Grèce dans une zone euro qui souffrira, en permanence, de la dette grecque.
Dès la proclamation des résultats hier soir, les voix se sont multipliées en Allemagne pour plaider en faveur du Grexit. C’est notamment le cas du ministre (social-démocrate) de l’Economie, Sigmar Gabriel, qui a considéré une reprise des négociations avec la Grèce comme “difficilement imaginable”.
Un risque bancaire et financier systémique
Un argument pourrait toutefois convaincre les Allemands de revenir à la table des négociations: le risque bancaire systémique. Les banques grecques n’ont plus assez de liquidités pour faire face à leurs engagements. Depuis plusieurs semaines, elles sont portées à bout de bras par la BCE qui leur a discrètement apporté une aide d’urgence de 90 milliards d’euros pour éviter l’assèchement de l’économie grecque. Aujourd’hui, la BCE devrait confirmer qu’elle n’augmente pas ce volume. Entretemps, les retraits grecs se sont multipliés, et les besoins en trésorerie de l’Etat grec sont colossaux: l’Etat est en faillite et doit compter sur ses banques pour payer ses fonctionnaires.
En cas d’abandon des négociations, non seulement l’Etat grec sombrera, mais les banques devraient le précéder en avouant à leurs clients qu’elles sont à sec. Pour les places financières mondiales, cette situation constitue une vraie menace. La contagion aux soubassements économiques pourrait être plus grave qu’en 2008.
Un risque politique et réglementaire majeur
Pour l’ensemble de l’Union Européenne, la Grèce constitue désormais une épine dans le pied.
Soit elle reste dans la zone euro, et elle encouragera les pays comme l’Espagne à ne pas respecter leur engagement à rembourser. Une inaction européenne face à Syriza pourrait pousser les Espagnols à voter Podemos et à réclamer, à leur tour, un traitement de faveur. Cette contagion constitue l’une des principales craintes de l’Allemagne, car ils sont nombreux les pays qui pourraient s’inspirer de cet exemple: l’Italie, le Portugal, l’Irlande, la France (qui n’en est déjà plus très loin!).
Soit la Grèce quitte la zone euro, et cela signifie que l’appartenance à la zone n’est pas irréversible! Pour l’ensemble des places financières mondiales, le signal risque d’être à double tranchant. Il manifestera une fragilité de la zone et prouvera son incapacité à trouver des règlements politiques à ses problèmes.
A terme, les positions de la Grande-Bretagne, de la Hongrie et de quelques autres risquent d’être fortement influencés par cet échec politique grave de l’Union. L’intégration réglementaire en Europe risque de reculer.
Un risque géopolitique
A plusieurs reprises, les Etats-Unis ont plaidé en faveur d’un traitement indulgent pour la Grèce. Le risque existe en effet de voir la Grèce se détacher du bloc occidental au profit d’un rapprochement avec la Russie, au moment où la Turquie semble parfois prendre de la distance avec l’OTAN. Cette situation posera assez rapidement problème, et pourrait être une nouvelle source de tension forte sur le continent.
Un risque social
L’affaiblissement de l’Etat grec risque de nourrir les flux migratoires qui transitent par l’Est méditerranéen. La Grèce, depuis le début de l’année, a déjà accueilli 60.000 migrants. En cas de dilution des pouvoirs publics grecs, ce chapelet d’îles et de côtes très proches d’un Moyen-Orient en guerre pourrait devenir une véritable passoire. On voit mal comment les Européens resteront inactifs face à cette ouverture de frontières qui causera forcément de nombreuses réactions dans les opinions publiques.
Dans tous les cas, l’Europe franchit une étape
Quoiqu’il arrive, le referendum grec constitue un pivot dans l’histoire de l’Union. Il paraîtra désormais difficile de maintenir l’édifice communautaire sans rebâtir un projet politique global qui garantisse une meilleure prise en compte des volontés nationales.