Par un arrêt du 27 janvier 2015, la Cour de Cassation a fait un pas dans la reconnaissance de la démocratie sociale: elle a reconnu qu’un accord collectif avait la faculté de créer un avantage catégoriel fondé sur une raison objective. Elle inverse donc la charge de la preuve: l’accord est présumé pertinent lorsqu’il accord un avantage catégoriel, et c’est à ses contradicteurs qu’il appartient désormais d’apporter la preuve du contraire.
La décision de 2011 qui avait mis le feu aux poudres
Chacun se souvient de la décision initiale de la Cour de Cassation, en date du 8 juin 2011, qui avait posé le principe général selon lequel un avantage réservé à une catégorie de salariés, dans une entreprise ou dans une branche, était présumé non objectif, quelle que soit la façon dont il était accordé. Cette décision condamnait les employeurs à prouver les raisons objectives et pertinentes pour lesquelles ils accordaient des avantages à certaines catégories de salariés et pas à d’autres. La Cour n’avait pas retenu, sur cepoint, la liberté des partenaires sociaux d’établir des distinctions entre catégories de salariés: même lorsque l’avantage était conféré par un accord majoritaire, l’employeur devait apporter la preuve de son bien-fondé.
La Direction de la Sécurité Sociale s’était alors engouffrée dans cette branche pour réglementer la notion de catégorie objective de salariés, conférant dès lors à l’Etat le droit de limiter la portée des accords négociés.
La Cour avait donc consacré la subordination des partenaires sociaux à l’appareil réglementaire, ce qui constituait un dommage collatéral majeur pour une démocratie sociale décidément mal en point en France.
La décision de 2015 reconnaît la spécificité du droit négocié
Alors que les partenaires sociaux ont eux-mêmes contribué à figer dans le marbre cette subordination en échouant à légitimer, dans le cadre de la réente négociation sur la modernisation du dialogue social, les accords d’entreprise dans les PME et les TPE, la Cour de Cassation vient toutefois de redonner du tonus à la démocratie sociale. En reconnaissant à un accord la faculté de présumer objective et pertinente une catégorie de salariés, elle ouvre en effet une perspective aux accords collectifs: elle encourage les employeurs à recourir à la négociation pour définir des avantages catégoriels, et leur confère ainsi une incitation à ne pas procéder par décision unilatérale.
Ce “coup de pouce” à la négociation collective est le bienvenu dans un contexte socialement de plus en plus tendu.
Reste désormais à apprécier la portée exacte de cette jurisprudence au regard des réglementations promulguées depuis 2011.