Cet article a été rédigé par Philippe Cano, avocat, et publié initialement sur Village de la Justice.
Il était déjà établi en jurisprudence, de longue date, qu’un salarié ne pouvait être licencié pour avoir allégué une situation de harcèlement moral, qui en réalité n’avait pas été caractérisée au sein de l’entreprise, si cette accusation était dénuée d’intention de nuire.
L’on cherchait en revanche à connaître selon la Chambre sociale de la Cour de cassation, ce qu’il pourrait en être de la caractérisation de cette “intention de nuire” : soit dans quels cas un salarié pouvait valablement être licencié pour avoir fomenté des accusations injustes de harcèlement moral.
Une réponse vient avec l’arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation en date du 28/01/2015.
Dans cette espèce, l’attendu de la Chambre sociale est clair, net et précis :
« Mais attendu que la cour d’appel, qui a estimé que le harcèlement allégué n’était pas constitué, relève, pour retenir la faute grave de la salariée et rejeter ses demandes, que celle-ci a dénoncé à l’encontre de son supérieur hiérarchique, de façon réitérée, de multiples faits inexistants de harcèlement moral ne reposant, pour la grande majorité d’entre eux, sur aucun élément et dont elle s’est d’ailleurs avérée incapable de préciser la teneur, qu’il s’agisse des faits ou des propos dénoncés, s’en tenant à des accusations formulées pour la plupart en termes généraux, et précisé qu’il ne s’agissait pas d’accusations ayant pu être portées par simple légèreté ou désinvolture mais d’accusations graves, réitérées, voire calomnieuses et objectivement de nature à nuire à leur destinataire ainsi qu’à l’employeur, accusé de laisser la salariée en proie à ce prétendu harcèlement en méconnaissance de son obligation d’assurer sa sécurité et de préserver sa santé ; qu’elle a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; »
Dès lors, et avant toute dénonciation auprès de son employeur d’une situation de harcèlement moral, il appartiendra à tout salarié de décrire des faits précis et circonstanciés.
Mais cela suffira-t-il ?
Si le salarié n’a que sa parole pour lui, et que les faits dénoncés sont graves, risquera-t-il la sanction de cette jurisprudence ?
Avec ce type de décision, la question peut être posée, et bien grand clerc celui qui peut par avance y répondre.
Dès lors, il y a fort à craindre que dénoncer ce type de situation, devienne pour le salarié un exercice périlleux.