La contrepartie pour travail de nuit n’est pas obligatoire

Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT

 

En principe, le travail de nuit ouvre droit à une contrepartie en repos ou, éventuellement, à une compensation de salaire. Pour autant, et sauf dispositions conventionnelles contraires, le simple fait de travailler la nuit n’ouvre pas systématiquement droit à cette contrepartie. Encore faut-il avoir la qualité de travailleur de nuit. C’est la précision apportée ici par la Cour de cassation. Cass.soc. 20.12.17, n°16-19512. 

  • Quelques rappels sur le travail de nuit

Le Code du travail définit les notions entourant le travail de nuit: 

– il définit le travail de nuit comme tout travail effectué entre 21h et 6h du matin. Sachant que l’accord collectif qui met en place le dispositif, peut très bien retenir une autre plage horaire(1) ; 

– il définit ensuite le travailleur de nuit : il s’agit du travailleur qui accomplit au moins 2 fois par semaine, au moins 3h de nuit/jour, ou alors qui accomplit un nombre minimal d’heures de nuit sur une période de référence donnée(2); 

– enfin, il pose le principe selon lequel le travailleur de nuit bénéficie de contreparties prenant la forme de repos compensateurs ou, le cas échéant, de compensation salariale(3). En revanche, c’est à l’accord collectif de déterminer la nature et le montant de cette contrepartie(4). Cet accord a alors la possibilité de réserver ces avantages aux seuls travailleurs de nuit, mais il peut décider de les accorder à des salariés qui, tout étant amenés à travailler sur la période de nuit, n’ont pas la qualité de travailleurs de nuit. 

C’est précisément le cas de la convention collective en question dans notre affaire (CCN du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire(5)) qui prévoit que toute heure accomplie entre 22h et 5h du matin donne lieu à une majoration de 20% du salaire horaire de base, que le salarié soit travailleur de nuit ou non. Mais venons-en aux faits… 

 

  • Faits et procédure

A la suite de son licenciement, un salarié saisit le conseil de prud’hommes afin de réclamer un rappel de salaire pour des heures de nuit qu’il aurait effectuées. En effet, pendant 3 ans, il a travaillé quotidiennement de 5h à 13h. Il demande donc la contrepartie due pour chaque heure de travail effectuée entre 5h et 6h du matin. 

La Cour d’appel lui donne raison. Son raisonnement est on ne peut plus simple: selon l’article L. 3122-39 du Code du travail (dans sa version en vigueur à l’époque), les travailleurs de nuit bénéficient de contreparties au titres des périodes de nuit pendant lesquelles ils sont occupés sous forme d’un repos ou, éventuellement, d’une compensation salariale. Le salarié ayant accompli des heures de travail sur la période de nuit (entre 5h et 6h du matin), il a droit à une contrepartie. A défaut d’avoir bénéficié d’une contrepartie en repos, et dans la mesure où l’employeur ne lui propose pas d’autre compensation, la cour d’appel condamne ce dernier à verser au salarié une majoration salariale de 20% identique à celle prévue par la convention collective. 

Non satisfait de cette décision, l’employeur se pourvoit en cassation. Selon lui, le salarié n’a pas la qualité de travailleur de nuit et ne peut donc pas bénéficier des contreparties en repos (ni salariales) y afférentes. 

La question posée à la Haute Cour était la suivante : Le fait d’avoir accompli des heures de travail durant la période de nuit suffit-il à ouvrir droit pour le salarié à la contrepartie? 

  • Le bénéfice de la contrepartie au travail de nuit suppose l’exécution d’heures de nuit…

Lorsqu’il saisit le conseil de prud’hommes, le salarié reproche à son employeur de ne lui avoir octroyé aucune contrepartie aux heures de nuit qu’il a effectuées : ni repos, ni compensation salariale, tel que le prévoit pourtant le Code du travail. 

Pour faire droit à sa demande et condamner l’employeur à verser la majoration de salaire prévue par la convention collective, la Cour d’appel, se contente de constater que le salarié avait effectivement exécuté quotidiennement et ce, durant 3 années, une heure de travail de nuit. Autrement dit, selon la cour, le simple fait d’avoir travaillé de nuit conférait au salarié le bénéfice de la contrepartie en repos ou éventuellement salariale. 

La Cour de cassation n’est pas du même avis. 

  • …mais aussi de la qualité de travailleur de nuit

Contestant ce jugement, l’employeur saisit la Cour de cassation. Selon lui, le salarié n’avait pas la qualité de travailleur de nuit et ne pouvait donc pas bénéficier de la contrepartie au travail de nuit. 

La Cour de cassation lui donne raison. Elle avance pour cela deux arguments : 

– d’une part, le principe de la contrepartie en repos prévu par le Code du travail suppose, au-delà d’avoir travaillé sur la période de nuit, que le salarié ait la qualité de travailleur de nuit. Ce que les juges du fond n’ont pas recherché ici. 

– d’autre part, la compensation salariale de 20% prévue par la convention collective et à laquelle a été condamné l’employeur, visait certes tous les travailleurs qu’ils aient ou non la qualité de travailleurs de nuit, mais ne concernait en revanche que les heures de travail effectuées entre 21h et 5h du matin. Ce qui n’était pas le cas du salarié, celui-ci n’ayant débuté ses journées qu’à compter de 5h du matin, soit en dehors de cette plage horaire. Il ne pouvait donc pas non plus bénéficier de la compensation salariale d’origine conventionnelle. 

En d’autres termes, sauf dispositions conventionnelles contraires, pour bénéficier de la contrepartie en repos (et éventuellement salariale) prévue par le Code du travail, le salarié ne doit pas avoir seulement accomplit des heures sur la période de nuit, faut-il encore qu’il remplisse les conditions pour avoir la qualité de travailleur de nuit. Le fait de travailler la nuit ne confère pas, à lui-seul, la qualité de travailleur de nuit, permettant de bénéficier des avantages liés à ce statut (contreparties en repos, garanties, surveillance médicale particulière, etc.). 

En revanche, rien n’empêche un accord collectif de prévoir d’autres dispositions et notamment d’accorder des compensations salariales à des salariés qui n’ont pourtant pas le statut de travailleur de nuit. Mais faut-il encore que le salarié remplisse les conditions fixées par cet accord… 

 


(1) Anc. Art L. 3122-29 C.trav.: l’accord collectif peut retenir une autre période de 9 heures consécutives, comprise entre 21h et 7h incluant obligatoirement la période comprise entre minuit et 5h du matin. 

(2) Anc art L.3122-31 et R. 3122-8 C.trav. : Sachant qu’à défaut d’avoir été précisé par l’accord collectif, ce nombre d’heure minimal est fixé à 270 heures sur une période de 12 mois. 

(3) Anc art L.3122-39 C.trav. ; La loi n°2016-1088 du 8 août 2016 – art. 8 (V) a recodifié cet article sous l’article L. 3122-8 dans la partie dédiée aux dispositions d’ordre public touchant au travail de nuit.  

(4) Anc art L. 3122-40 C.trav. 

(5) CCN du 12.07.01 ; art 5.12.4. 

 

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