Un CDD non signé est automatiquement requalifié en CDI, sauf en cas de mauvaise foi

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat de salariés CFDT

 

Un CDD doit obligatoirement être signé par l’employeur et le salarié. A défaut, il peut être requalifié en CDI. Qu’en est-il lorsque le salarié a délibérément refusé de signer son contrat ? La Cour de cassation rappelle que seules la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse du salarié font obstacle à la requalification en CDI. Cass.soc.10.04.19, n°18-10614. 

  • Les faits

Un salarié est embauché en CDD en qualité de chef de projet. Il commence à travailler mais refuse de signer son contrat. Une promesse d’embauche, précisant notamment les dates de début et de fin du contrat, lui a été préalablement transmise par courriel. 

Deux mois après la fin de son contrat, le salarié saisit le conseil de prud’hommes : n’ayant pas signé son CDD, il en demande la requalification en CDI et le paiement d’un rappel de salaire et d’indemnités. 

Malheureusement pour lui, la cour d’appel rejette sa demande. Selon elle, si le contrat n’a pas été signé, c’est en raison du refus du salarié, alors même que celui-ci ne conteste pas avoir commencé à travailler et qu’en outre il savait « sans ambiguïté » qu’il s’agissait d’un CDD grâce à la promesse d’embauche qui lui avait été transmise. 

Le salarié conteste. Selon lui, la signature d’un CDD a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en CDI. Il saisit la Cour de cassation. 

  • La signature du CDD est une prescription d’ordre public dont le non-respect entraîne la requalification du contrat…

Petit rappel. Parce que le CDD est un contrat atypique et qu’il ne peut avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise (1), il doit remplir un certain nombre de conditions : 

– être conclu dans l’un des cas précis listés par la loi, 

– être établi par écrit 

– comporter certaines mentions dont la définition précise de son motif (c’est-à-dire la raison pour laquelle l’employeur a recouru à un CDD) 

– être transmis au plus tard dans les 2 jours suivant l’embauche(2).  

Attention, depuis les ordonnances Macron(3), le défaut de transmission du contrat au salarié dans les deux jours suivant l’embauche n’est plus assimilé à un défaut d’écrit et n’entraîne donc plus à lui seul la requalification du CDD en CDI. Le salarié peut uniquement réclamer une indemnité dont le montant ne peut dépasser un mois de salaire(4). 

L’importance de ces formalités est telle que le Code du travail sanctionne l’absence de certaines d’entre elles par la requalification du contrat en CDI. C’est notamment le cas en l’absence de contrat écrit ou de définition précise de son motif. 

Aux termes de l’article L. 1242-12 du Code du travail : « Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée ». (…) ». 

Par ailleurs, la Cour de cassation assimile à un défaut d’écrit l’absence de signature par les parties qu’il s’agisse de l’employeur ou du salarié(3). 

Qu’en est-il alors lorsque le salarié, alors qu’il commence à travailler, refuse délibérément de signer son contrat tout en sachant qu’il s’agit d’un CDD? 

  • …à moins d’une mauvaise foi ou intention frauduleuse du salarié

Pour trancher la question, la Cour de cassation rappelle la règle qu’elle avait déjà dégagé en 2012(4) : « la signature d’un contrat de travail à durée déterminée a le caractère d’une prescription d’ordre public dont l’omission entraîne, à la demande du salarié, la requalification en contrat à durée indéterminée ; (…)il n’en va autrement que lorsque le salarié a délibérément refusé de signer le contrat de travail de mauvaise foi ou dans une intention frauduleuse ». 

Autrement dit, si, comme le prétend le salarié, la requalification est de droit dès lors que le contrat n’est pas signé, c’est à la condition que le salarié n’ait pas eu d’intentions “douteuses” en refusant de signer. 

Dans notre affaire, la Cour de cassation considère justement que la cour d’appel n’a pas suffisamment caractérisé cette mauvaise foi ou l’intention frauduleuse du salarié. Le fait que le salarié ait refusé de signer son contrat, et qu’il ait commencé à travailler tout en sachant qu’il s’agissait d’un CDD ne suffit pas à démontrer sa mauvaise foi ou l’intention frauduleuse. 

Bienvenue pour les salariés, cette solution a le mérite de recadrer les conditions dans lesquelles la requalification d’un CDD en CDI peut être écartée : seules la mauvaise foi ou l’intention frauduleuse peuvent y faire obstacle. 

Ce« recadrage » permet aussi de mettre l’accent sur l’importance du formalisme protecteur gouvernant le recours aux contrats précaires. 

Attention toutefois car si positive soit-elle, cette décision nous rappelle également une chose : la requalification de son CDD en CDI n’est pas automatique ! 


(1) Art L.1242-1 C.trav. 

(2) Art L.1242-13 C.trav. 

 

(3)Ordonnance n°2017-1387 du 22.09.17 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail.  

 

(4) Art L.1245-1 mod C.trav. 

 

(5) Cass.soc.14.11.18, n°16-19038. 

(6) Cass.soc. 07.03.12, n°10-12091 

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