Aides sociales: pourquoi ne pas intégrer la protection sociale dans l’allocation universelle proposée par Macron?

Le bouillonnant ministre des Comptes Publics Gérald Darmanin a multiplié les déclarations parfois contradictoires sur les aides sociales. Mais l’idée du fusionner celle-ci pour les rendre plus cohérentes rapprocherait le système français d’un revenu universel qui n’est pas absurde! Reste à traiter la question de la protection sociale…

On n’est pas sûr d’avoir bien compris toutes les déclarations de Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes Publics, sur les aides sociales. De cet ensemble incertain, on retiendra l’intention affichée de mettre en oeuvre la promesse de campagne faite par Emmanuel Macron: fusionner le salmigondis d’aides sociales en tous genres pour créer une allocation unique qui serait versée aux ayant-droit. Cette idée semble l’une des vraies innovations systémiques, l’une des plus prometteuses, dans les annonces de réforme faites çà et là. 

Le fatras des aides sociales françaises

La France compte aujourd’hui 27 aides sociales différentes. Le gouvernement a même créé un site dédié à l’évaluation individuelle des droits à ces aides, le site « mes-aides.gouv.fr« . Certaines sont très connues, comme l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), d’autres beaucoup moins, comme l’allocation supplémentaire d’invalidité. 

Le fait qu’il faille mettre en place un site spécifique pour l’évaluation des droits individuels à ces aides constitue déjà un puissant indicateur de leur complexité. La technique du mille-feuilles, bien connue de l’administration française depuis plusieurs siècles, n’a pas épargné les interventions sociales. Celles-ci forment un fatras nourri par des créations successives, dont la cohérence échappe désormais.  

C’est là encore une originalité française que de créer un système complexe, puis de déplorer son coût et son manque de clarté pour ses bénéficiaires.  

L’intérêt de simplifier ce dispositif

Des inconvénients de la complexité, on en connaît de multiples facettes, à commencer par l’importance de la fraude. Plus on crée des aides « sectorielles », plus on augmente les risques de voir des fraudeurs bénéficier de celles-ci en faisant de fausses déclarations pour répondre aux critères d’attribution. 

De ce point de vue, la meilleure solution pour régler la question de la fraude consiste dans tous les cas à simplifier leurs règles d’attribution. Asymptotiquement, comme disent les mathématiciens, l’attribution d’une aide universelle, identique pour tous, et versée sans condition de revenus ni de situation, est la solution miracle pour lutter efficacement contre la fraude en la supprimant de manière radicale: dès lors que tout le monde y a droit, il ne peut plus y avoir de fraude. 

C’est le principe même du revenu universel, qui vise à redistribuer une partie du produit intérieur brut à tous les ménages, de façon égalitaire. On ne reviendra pas ici sur les calculs économiques qui montrent les vertus de ce système. On rappellera simplement que le revenu universel se justifie in fine par le principe d’une redistribution égalitaire des revenus générés par la collectivité elle-même. En ce sens, il existe une logique économique à ce geste. 

Le premier pas macronien vers le revenu universel

Le projet d’Emmanuel Macron de « transformer » le mille-feuilles des aides sociales en une allocation unique ne relève pas directement du revenu universel. Plusieurs critères distinctifs de l’aide sociale seraient maintenus dans ce projet. Les aides seraient toujours attribuées sous des conditions de revenus, et correspondraient toujours à des situations spécifiques.  

Gérald Darmanin a d’ailleurs affaibli cette vision simplificatrice initiale en distinguant les aides destinées à ceux qui sont « victimes » de la vie, et ceux qui bénéficieraient d’aides liées à l’emploi. Cette distinction éloigne le projet macronien de sa logique initiale en revenant à des principes de conditionnalité plus traditionnels.  

On retiendra néanmoins qu’Emmanuel Macron proposait avec une certaine modernité de dissocier l’attribution de l’aide et son fait générateur. Cette évolution préparait bien les esprits à un grand dispositif simplifié qui modifierait probablement le paysage social français, et, à terme, la mentalité du pays. On cesserait, de cette façon, d’avoir ceux qui travaillent, et ceux qui renoncent à travailler compte tenu du faible différentiel de revenus produits par le travail par rapport aux aides.  

La protection sociale, enjeu majeur du dispositif

La fusion des aides sociales en une allocation unique serait un premier pas important dans le sens d’un revenu universel. Mais il continuerait à manquer une étape majeure, essentielle, définitive: l’intégration de la protection sociale dans ce vaste ensemble. 

Qu’avaient eu comme intuition, en effet, les créateurs de la sécurité sociale, dès les années 30, sinon la mise en place d’une intervention sociale universelle, pour les plus pauvres comme pour les plus riches, qui les protègerait de la naissance à la mort contre les risques de la vie? Dans l’esprit, cette invention, qui n’était ni beveridgienne ni bismarckienne, mais originalement française, ressemblait bien à ce qu’on appelle le revenu universel. Et elle fonctionne aujourd’hui comme un revenu universel: tout le monde cotise ou paie, et tout le monde y a droit.  

La fusion des aides sociales ne demeurera donc jamais qu’un hors-d’oeuvre, qu’une mise en bouche, avant le début du repas. Le plat de résistance consiste à transformer les dépenses de sécurité sociale en un revenu universel, selon une logique d’activation simple où chaque assuré recevra une somme mensuelle pour assurer ses propres risques auprès des acteurs de son choix. 

Le projet peut paraître ambitieux aujourd’hui. Mais le caractère insoutenable des dépenses de sécurité sociale obligera, par réalisme, tôt ou tard, à se rallier à cette solution simple et vertueuse.  

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