Vendredi dernier, la seconde version de l’accord sur le travail dominical aux Galeries Lafayette a été acceptée par la CFTC et la CFE-CGC. Pour certains opposants au texte, la signature de la CFE-CGC fait suite à des pressions exercées directement depuis Bercy. Alors que la CGT doit se prononcer sur l’accord, ces accusations feront-elles pencher la balance ?
Un accord au forceps
Largement relayée dans la presse, la signature, par la CFTC (10 %) et la CFE-CGC (27,9 %), de l’accord sur le travail dominical aux Galeries Lafayette a eu lieu vendredi 20 mai. “Au soir” d’après les uns, “dans la soirée” d’après les autres. Alexandre Torgomian, le bouillonnant responsable du SCID, dénonce cette manière lissée de présenter les choses : “Tout n’est aussi simple que ce qu’on a entendu dans les médias, où on a l’impression que tout va bien, que les choses se sont faites sans problème. Mais c’est faux !”
Plus particulièrement, il déplore le fait que les circonstances exactes de la signature de l’accord ont été passées sous silence : “L’accord a été signé en catimini, le vendredi à 23h40 ! A 23h40, vous avez bien entendu !” Faisant suite à un premier texte unanimement rejeté par les syndicats, l’accord signé l’a donc été au forceps. Jugé “équilibré” par les signataires, il est évidemment critiqué par le SCID : “Dans le premier accord, il n’y avait que 7 dimanches qui pouvaient être travaillés au maximum dans l’année. Dans le second accord, nous sommes passés à 8. Certains appellent ça une victoire…” Dans ces conditions, FO (12,2 %) et le SCID (14,19 %) ont d’ores et déjà fait savoir qu’ils allaient s’opposer à l’accord.
Emmanuel Macron en embuscade ?
Bien décidés à démolir l’accord, certains opposants assurent qu’il n’a pas été accepté dans des conditions normales par la CFE-CGC. “Des informations ont circulé et continuent de circuler parmi les négociateurs, faisant état de pressions exercées par Emmanuel Macron et son entourage sur des dirigeants de la CGC au plus haut niveau, afin qu’ils poussent la fédération du commerce et le syndicat des Galeries Lafayette à accepter l’accord” détaille une source.
Serait-ce la nouvelle méthode conçue par le ministère de l’Economie afin de favoriser le développement du travail du dimanche ? Il est vrai que, dans les grands magasins parisiens, les accords dans ce domaine sont encore peu nombeux, au grand dam de M. Macron. D’ailleurs, certains esprits chagrins rappellent qu’au BHV Marais, le récent accord sur le travail dominical a été signé par Sud et… la CFE-CGC. A ce rythme-là, le syndicat de l’encadrement va finir par s’attirer les foudres du clergé.
Interrogé au sujet de son éventuelle intervention auprès de la CFE-CGC, le ministère de l’Economie n’a pas souhaité faire de commentaire.
Les dénégations de la CFE-CGC
Jacques Biancotto, le président de la fédération CFE-CGC du commerce, dont dépend le syndicat CFE-CGC des Galeries Lafayette, déclare ne pas savoir si M. Macron a tenté d’agir au niveau confédéral. En revanche, il dément vigoureusement avoir validé l’accord sous quelque pression que ce soit.
Pour preuve, il décrit la manière dont les accords d’entreprises sont pris en charge par sa fédération : “Notre fédération couvre environ 1000 entreprises et nous sommes tout à fait libres de signer ce que bon nous semble. Les délégués syndicaux font remonter à la fédération les textes négociés dans les entreprises. Ensuite, notre service juridique se prononce sur leur validité et nos instances politiques sur le fond.” M. Biancotto l’assure donc : “Nous nous prononçons en toute indépendance.” Il assure d’ailleurs que si, sur tel ou tel sujet, il venait à recevoir des pressions de M. Macron, il aurait tendance à faire “exactement le contraire” de ce qui lui serait demandé. Un jugement qui, M. Biancotto insiste sur ce point, n’engage que lui et non son organisation.
Du côté de la confédération, le son de cloche n’est guère différent. Carole Couvert, la présidente, affirme que “la CFE-CGC n’a subi aucune pression” et insiste sur le fait que “c’est un syndicat libre et indépendant”. Si l’on en croit Mme Couvert, Emmanuel Macron serait donc moins intrusif que Pierre Gattaz.
Que va faire la CGT ?
Dans ce contexte quelque peu tendu, c’est vers la CGT (34,48 %), première organisation syndicale de l’entreprise, que tous les regards se tournent désormais. Bien qu’elle ait annoncé qu’elle ne signerait pas l’accord, elle n’a toujours pas dit si elle allait s’y opposer. Une opposition de la CGT invaliderait le texte. D’après des sources concordantes, elle prendra sa décision vendredi.
Le SCID et FO espèrent bien entendu que la CGT va les rejoindre. D’après un connaisseur du paysage syndical du commerce, cette issue n’est pas acquise d’avance : “Disons que la CGT des Galeries Lafayette fait plutôt figure de modérée”. Toutefois, Karl Ghazi et certains responsables de la fédération CGT du commerce seraient à la manoeuvre afin de convaincre les responsables du syndicat de s’opposer à l’accord signé vendredi dernier. Les rumeurs persistantes de pressions exercées par Bercy dans ce dossier leur facilitent la tâche.