Cette publication provient du site du syndicat de salariés FO.
Dans un souci de protection du salarié en cas de modification de la situation juridique de l’employeur, le législateur a, très tôt (1928), garanti une certaine stabilité aux emplois des salariés. Ce principe, qui n’a guère fait l’objet de modifications, est inscrit dans l’article L 1224-1 du code du travail :
Lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l’entreprise.
Cela ne veut pas dire que le nouvel employeur ne peut pas modifier les contrats de travail, cela signifie que les contrats de travail sont transférés « en l’état ?
La Cour de cassation vient de répondre dans un arrêt du 31 mars 2021 (n°19-12289).
Dans cette affaire, un salarié avait été licencié pour faute lourde 5 années après son transfert au titre de l’article L 1224-1 du code du travail. Il saisissait le conseil de prud’hommes car l’employeur n’avait pas respecté la procédure de licenciement disciplinaire instituée par le règlement intérieur de l’ancienne entreprise de laquelle il avait été transféré. En effet, le règlement intérieur prévoyait que la lettre de convocation à un entretien préalable à une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement devait contenir les griefs retenus contre lui. La cour d’appel de Toulouse avait fait droit à sa demande et avait jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur pourvoi de l’employeur, la Cour de cassation casse l’arrêt au motif que le règlement intérieur de l’entreprise transféré ne s’impose pas au nouvelemployeur :
5. Dès lors que le règlement intérieur constitue un acte réglementaire de droit privé, dont les conditions d’élaboration sont encadrées par la loi, le règlement intérieur s’imposant à l’employeur et aux salariés avant le transfert de plein droit des contrats de travail de ces derniers en application de l’articleL. 1224-1 du code du travail n’est pas transféré avec ces contrats de travail.
6. Pour juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, l’arrêt retient que la société Carl Zeiss Meditec n’a pas respecté les dispositions durèglement intérieur de la société Ioltech, qu’elle avait rachetée en 2005, prévoyant que tout salarié à l’égard duquel est envisagée une sanction disciplinaire est convoqué au moyen d’une lettre l’informant des griefs retenus contre lui.
7. En statuant ainsi, alors que la société Carl Zeiss Meditec n’était pas tenue d’appliquer le règlement intérieur de la société Ioltech qui ne lui avait pasété transmis en application de l’article L. 1224-1 du code du travail, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Ainsi, la Cour de cassation crée un nouveau « statut » pour les règlements intérieurs dans le cadre des transferts d’entreprise, qui ne relèvent ni du statut applicable aux relations individuelles, ni de celui applicable aux relations collectives…