Primes de panier et compléments de salaire : les précisions de la Cour de cassation

Cet article provient du site du syndicat CFDT.

 

Les “primes de panier” (bien connues dans la branche métallurgie) et les indemnités de transport forfaitaires s’analysent non pas en un complément de salaire, mais en un remboursement de frais professionnels. En conséquence, elles n’entrent pas dans le calcul de l’indemnité de congés payés ni de celle du maintien de salaire pour maladie. C’est ce que vient de confirmer la chambre sociale de la Cour de cassation dans un arrêt publié sur son site. Cass.soc.,11.01.17, n°15-23.341 FPPBRI.Souvent l’objet de confusions ou d’approximations, le salaire est un sujet complexe. Cette jurisprudence est donc l’occasion pour nous de revenir sur deux notions importantes : le complément de salaire et les frais professionnels. 

• Rappel sur les notions de frais professionnels et de complément de salaire Dans nombre de professions, le salarié dispose de sommes attribuées à titre de remboursement de frais professionnels. Ces sommes ont vocation à compenser les frais dits inhérents au travail lui-même ou aux conditions dans lesquelles il s’effectue.En l’absence de disposition légale dans le Code du travail, la jurisprudence a précisé la nature juridique des indemnités versées au salarié lorsque ces dernières ont pour objet de le dédommager des dépenses qu’il a exposées dans le cadre de son activité.A cet effet, deux situations doivent être distinguées (1).- Quand il s’agit réellement du remboursement de frais dont le salarié a fait l’avance, ce remboursement n’a pas le caractère de salaire, il ne sera donc pris en compte ni pour l’application du Smic ou du salaire minimum conventionnel, ni dans l’assiette des cotisations.- Quand les remboursements sont effectués forfaitairement et qu’ils ne correspondent pas à des dépenses réellement faites par le salarié, ils constituent un complément de rémunération.L’enjeu est fondamental, car si la somme est qualifiée de complément de salaire, elle doit être prise en compte pour le calcul de l’indemnité de congés payés ou de l’indemnisation en période de maladie. Cette distinction entre complément de salaire et frais professionnels est plus complexe qu’il n’y paraît, et les confusions sont courantes. La chambre sociale de la Cour de cassation fait ici oeuvre de pédagogie.  

• Les faits Dans cette affaire, une entreprise avait versé à certains salariés travaillant selon des horaires atypiques, une prime de panier de jour, une prime de panier de nuit et une indemnité de transport entre domicile et lieu de travail.*Définition de la prime de panier : le terme prime de panier a été supprimé des textes officiels, mais continue, dans la pratique, d’être utilisé. Ce terme fait référence à une prime versée par l’employeur à ses employés qui prennent leurs repas sur leur lieu de travail, sans que ce repas ne soit fourni par l’employeur. 

*Définition de l’Indemnité de transport : les frais de transport correspondent à des dépenses engagées par le salarié pour les besoins de son activité professionnelle (utilisation du véhicule personnel à des fins professionnelles, frais de carburant, de stationnement, utilisation des transports en commun ou de services publics de location de vélos pour se rendre au travail…). 

• La procédure Une organisation syndicale, estimant que ces sommes ont la nature de salaire, a saisi le tribunal de grande instance pour demander aux juges l’intégration de ces sommes dans l’assiette de calcul des indemnités de congés payés et de maintien de salaire pour maladie.Les juges du fond donnent raison au syndicat, arguant de leur caractère forfaitaire et de leur perception sans le moindre justificatif. Pour la cour d’appel de Paris, il s’agit bien de complément de salaire. S’estimant lésé, l’employeur forme un pourvoi en cassation et plaide au contraire pour de simples remboursements de frais, exclus par définition de l’assiette de calcul de ces indemnités. 

• Les primes forfaitaires compensant une sujétion à l’emploi ont la nature de frais professionnels Les magistrats du Quai de l’Horloge censurent la décision de la cour d’appel et posent le principe suivant : une prime de panier et une indemnité de transport ayant pour objet, pour la première de compenser le surcoût du repas consécutif à un travail posté, pour la seconde d’indemniser les frais de déplacement du salarié de son domicile à son lieu de travail, n’ont pas la nature d’un complément de salaire. Autrement dit, pour les magistrats, il importe peu que le versement ne soit pas soumis à la production d’un justificatif (caractère forfaitaire) : il s’agit de frais professionnels. Par cette décision rendue en formation plénière, la chambre sociale met fin à la tendance jurisprudentielle, pourtant majoritaire, à considérer les sommes destinées à compenser, de manière forfaitaire, une sujétion liée à l’organisation de l’emploi comme un complément de salaire (2). 

• Revirement de jurisprudence : le doute n’est plus permis !Cette décision n’est pas sans rappeler l’arrêt du 17 décembre 2014 (3) rendu par la Chambre sociale, dans lequel le ton était donné mais le doute encore permis ! (L’arrêt avait été seulement publié au Bulletin civil et au Bulletin d’information de la Cour de cassation). La Cour de cassation vient ici confirmer le revirement opéré lors de cette décision : les sommes destinées à compenser forfaitairement une sujétion liée à l’emploi ne sont pas des compléments de salaire. 

Ne s’agissant pas de complément de salaire, ces indemnités et primes n’entrent pas dans le calcul des indemnités de maintien de salaire en cas de maladie et des indemnités de congés payés. En abandonnant définitivement sa jurisprudence, force est de constater que la Cour se range derrière les employeurs au détriment des salariés… (1) Cass.soc., 15.11.87, n° 85-41.535.(2) Cass.soc., 21.01.15, nº 13-20.729 Cass. soc., 25.09.13, nº 12-13.055.(3) Cass.soc.,17.12.14,n°13-14.855. 

 

Ajouter aux articles favoris
Please login to bookmarkClose
0 Shares:
Vous pourriez aussi aimer

François Bayrou agrée la convention sur l’assurance chômage

C'est le 15 novembre 2024 que les partenaires sociaux signaient leur nouvelle convention sur l'assurance chômage. Le texte vient d'être agréé par le Premier ministre François Bayrou avec quelques exclusions. Toutes les dispositions agréées s'appliqueront ainsi à compter du 1er janvier 2025. Retrouvez-en la teneur ci-dessous : ...