La presse ne cesse de titrer sur l’initiative prise par Lyon-Caen et Badinter: la publication dans Le Monde, comme au bon vieux temps, d’une “déclaration des droits du travail”, qui a tout d’une opération de soutien au général Hollande pris dans le tourbillon de la réforme du marché du travail. Dans la pratique, l’idée ravira les partisans d’une simplification du code du travail. En 50 articles généraux, les deux auteurs proposent des pistes simples pour amaigrir la loi et favoriser le foisonnement des accords de branche et d’entreprises, à un moment où la commission Combrexelle entend favoriser cette évolution.
Des principes fondamentaux sans précision
Chacun notera quelques exemples de principes avancés par le duo de juristes:
Article 8 : L’employeur a le pouvoir d’organiser le travail dans l’entreprise.
Article 9 : Le contrat à durée indéterminée est la forme normale de la relation de travail. Le contrat à durée déterminée permet de répondre aux besoins temporaires de l’entreprise.
Ces affirmations reviennent aux grandes logiques du droit du travail, en laissant aux partenaires sociaux le soin d’en définir les modalités précises d’application par une logique conventionnelle. Elles ne bouleversent pas les grands équilibres actuels, mais elles laissent aux acteurs économiques et sociaux la responsabilité de les traduire dans les faits.
Il paraît peu probable que ce document soit repris en l’état. En revanche, il illustre bien le retour de balancier qui est à l’oeuvre: l’inflation législative appelle une phase d’anorexie.
Une opération en service commandé qui n’est pas bon signe
La publication de ce texte intervient en pleine bataille autour de la loi Macron et de la loi Rebsamen, qui prétendent chacune diminuer le poids des textes votés et favoriser la déréglementation et la négociation collective. Incontestablement, la figure tutélaire de Robert Badinter est utilisée pour cautionner “moralement” une démarche jugée libérale et droitière par les frondeurs du PS. Elle bénéficie d’un fort soutien médiatique qui ne semble pas complètement anodin: une du Monde, des Echos, matinale de France Inter. Une simple tribune non publiée sur Internet, d’ailleurs (on sent la griffe obsolète des deux auteurs) recueille rarement autant d’écho spontané. Les médias subventionnés semblent bien décidés à porter le fer dans ce dossier, en épaulant une démarche qui ne paraît pas complètement nouvelle.
Pour François Hollande, ce soutien, qui paraît tout sauf spontané à une démarche de réforme du marché du travail confrontée à de fortes résistances, tombe à point nommé. De toutes parts, sa majorité se rebiffe contre des propositions jugées trop libérales et contraires à l’imprudent discours du Bourget. L’appel aux grognards de la Vieille Garde prend des allures de sauvetage d’urgence face à un ennemi en passe de gagner. On n’est pas loin de l’arrivée de Grouchy sur le champ de bataille de Waterloo.
L’intervention des héros mitterrandiens suffira-t-elle à inverser un mouvement de moins en moins bien embouché. La suite nous le dira… mais il n’est pas impossible qu’à deux ans des prochaines présidentielles, la France ne se chiraquise à nouveau en choisissant la tranquillité de l’immobilisme pour préserver la paix sociale et permettre la réélection d’un président placide.