Ce jeudi est une importante veillée d’armes pour la réforme des retraites. À 20 heures, Édouard Philippe interviendra au journal de TF1 pour fixer le cap que le gouvernement entend suivre sur ce dossier de plus en plus compliqué. Vendredi, une première grève devrait paralyser la RATP et manifester la détermination des personnels à lutter contre la disparition de leurs régimes spéciaux. Entretemps, Emmanuel Macron a reçu la CFDT et l’UNSA pour tenter de trouver des alliés syndicaux. Les 48 heures qui s’annoncent vont jouer un rôle essentiel pour la suite des événements.
La réforme des retraites entre dans une phase-clé. Le gouvernement doit désormais choisir clairement entre un rétropédagalge plus ou moins discret sur la question de l’universalité du régime, et une entrée sans retour dans la seringue qui condamnerait à terme les 42 régimes spécifiques en vigueur depuis les années 30 pour des catégories spécifiques de salariés (dont les gros bataillons appartiennent aux transports et aux réseaux d’énergie). Pour l’instant, l’arbitrage est encore incertain.
Un sondage sur les retraites soulève de nombreuses questions
En l’état, on peine à suivre la ligne à laquelle les Français sont attachés, et qu’ils seraient, in fine, prêts à suivre. Un sondage BVA publié hier montre qu’il existe aujourd’hui une majorité claire (88%) en faveur d’une évolution du système des retraites, mais qu’aucune majorité ne se dégage en faveur d’une majorité systémique. Ainsi, près d’un Français sur deux (48%) souhaite une adaptation du système existant sans transformation radicale et 40% désirent une réforme en profondeur.
Dans la pratique, et sans surprise, la suppression des régimes spéciaux (67%) et l’instauration d’un régime par points (65%) recueillent l’approbation d’une majorité de Français, les autres mesures suscitent davantage de réticences. Ainsi, seuls 44% des Français sont favorables à l’instauration d’un « âge pivot », 39% à l’augmentation de la durée de cotisation des actifs, 38% à une augmentation des cotisations à la retraite et 35% au fait de reculer le départ à la retraite au-delà de 62 ans. Enfin, la diminution des pensions de retraite reste un sujet sur lequel l’opposition des Français est massive (93%).
Reste à savoir combien de Français soutiendraient durablement une paralysie du pays pour mettre en place un régime par points qui serait déficitaire… La quadrature du cercle est problématique ici.
Macron cherche des alliances syndicales face à la contestation
Ce jeudi, Emmanuel Macron doit rencontrer l’UNSA, après avoir rencontré la CFDT lundi. On comprend bien la logique à l’oeuvre désormais. Face à une grève massive à la RATP, qui pourrait donner le coup d’envoi d’un automne agité socialement, le Président doit à tout prix rompre “l’encerclement” face à un dossier explosif et se trouver des armées syndicales de secours. Laurent Berger peut piaffer: il retrouve enfin le rôle qu’il demande à avoir depuis plusieurs mois, celui de supplétif du gouvernement et d’enfant chéri du Président de la République.
Ce huis clos du gouvernement avec la CFDT, bien connu sous François Hollande, peut-il sauver le soldat Macron? Pour le Président, un problème subsiste: le poids de la CFDT dans les bénéficiaires des régimes de retraite est faible, et risque de ne pas suffire pour neutraliser une contestation viscérale. La pesée de la réforme se jouera ici: soit Emmanuel Macron considère que ses alliances syndicales lui permettront de sauter le pas, soit il rétropédalera.
Au demeurant, le prix à payer pour avoir le soutien de ces syndicats réformistes est bien connu. Si ces organisations soutiennent le passage à un régime par points, elles soutiennent beaucoup moins l’unicité des règles de calcul des retraites. Amateur d’universalité s’abstenir!
L’hypothèse d’un rétropédalage
Quelle sera l’ampleur du rétropédalage de Macron dans cette affaire? Sauvera-t-il à tout prix, avec le soutien de la CFDT et de l’UNSA, le passage facial à un régime par points, mais en sacrifiant l’égalité des règles de calcul des droits? Cette hypothèse paraît pouvoir prendre forme. Toute la population active française dépendrait d’une seule caisse de retraite, mais ouvrirait des droits différenciés selon son employeur.
Cette cotte mal taillée permettrait de préserver les régimes spéciaux sans le dire, et sacrifierait, une fois de plus, les entreprises les plus concurrentielles au bénéfice des anciens monopoles et des fonctionnaires.