Cette publication provient du site du syndicat de salariés CFDT
On l’appelle le « Up or out ». Il s’agit d’une politique de gestion du personnel dont l’objectif est de favoriser l’éviction des salariés qui ne parviennent pas à accéder à l’échelon supérieur. Cette pratique peut-elle être assimilée, indirectement à une discrimination fondée sur l’âge ? La Cour de cassation dans un arrêt récent, estime qu’il peut en effet s’agir d’un élément qui, pris dans un ensemble, peut laisser supposer une telle discrimination. Cass. Soc. 12/04/2018, n°16-25503.
- Faits et procédure
Le salarié, cadre dans l’entreprise, a été licencié pour insuffisance professionnelle, peu après avoir fait une demande de rupture conventionnelle refusée par son employeur. Il l’attaque alors devant le conseil des prud’hommes, et met en avant la politique de recrutement de l’entreprise qui est, selon lui, discriminatoire. L’entreprise mènerait une politique du « up or out ».
Le système « up or out » consiste à favoriser l’éviction du salarié cadre qui n’accède pas au niveau supérieur faute d’en avoir les compétences. Selon les statistiques apportées par le salarié, ce système affecterait en priorité les salariés âgés de plus de 40 ans, statistiques que l’employeur ne reconnaît pas.
Le salarié veut donc faire reconnaître la nullité de son licenciement, il estime en effet avoir subi une discrimination en raison de son âge[1].
La cour d’appel reconnaît le licenciement sans cause réelle et sérieuse du salarié, et en parallèle l’existence possible d’un système de « up or out » dans l’entreprise, mais ne s’aventure pas sur le terrain de la discrimination en raison de l’âge.
Le salarié saisit alors la Cour de cassation. La question est de savoir si les éléments apportés par le salarié peuvent laisser supposer l’existence d’une discrimination fondée sur l’âge et nécessitent des explications de la part de l’employeur.
- Des pratiques peu communes
Le système « Up or out » n’est pas le seul point que soulève le salarié. En effet, il axe son argumentaire sur les trois éléments suivants :
– le système du « up or out » ;
– la diminution du nombre de salariés de plus de 40 ans, et sa faible proportion par rapport aux entreprises de la même branche ;
– le départ, peu après son propre licenciement, de 9 directeurs exécutifs, eux-aussi âgés de plus de 40 ans.
Le fonctionnement entier de l’entreprise semble donc bien de favoriser le rajeunissement de ses effectifs, au détriment des salariés séniors.
- Des éléments de preuve à apprécier dans leur ensemble
Il semble que, pour la Cour de cassation, ce soit bien le cumul de ces divers éléments qui laisse supposer qu’il y a bien en l’espèce une discrimination.
Selon le Code du travail[2], celui qui se dit victime d’une discrimination doit amener des éléments qui laissent supposer l’existence de ladite discrimination. Il incombe ensuite à l’employeur de prouver que son action est motivée par des éléments objectifs.
Dans le cas présent, la Haute juridiction, censure la décision de la cour d’appel[3], qui aurait dû analyser dans leur ensemble les éléments apportés par le salarié. En omettant de procéder ainsi, elle ne peut pas juger si les éléments laissent supposer, ou non, l’existence d’une discrimination.
- Une décision à double tranchant ?
En somme, cette décision reconnaît qu’une discrimination peut être prouvée par plusieurs éléments qui, pris séparément, ne l’aurait pas constitué.
Un point important, mais dont les conséquences peuvent être à double tranchant, en effet il ne faudrait pas en faisant le parallèle qu’un élément discriminatoire puisse être « noyé » parmi d’autres actions. En l’occurrence, au regard de l’ensemble des arguments invoqués par le salarié, le faisceau d’indices paraissait suffisant pour envisager l’existence d’une discrimination.