Une responsabilité accrue pour le donneur d’ordre

Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT

Un décret vient préciser les nouvelles mesures, issues de la loi Macron, responsabilisant davantage le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre. Est fixé le contenu de la déclaration du détachement que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre doit effectuer auprès de l’inspection du travail, à défaut de déclaration par le prestataire de services. Par ailleurs est détaillée la mise en œuvre de la solidarité financière en cas de non-paiement du salaire minimum aux salariés détachés. Décret n° 2016-27 du 19.01.16 (1). 

 

Le contenu de la déclaration de détachement 

 

Rappel : Jusqu’à présent, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre qui contractait avec un prestataire de services détachant des salariés devait simplement obtenir de celui-ci une copie de la déclaration préalable de détachement (et une copie du document désignant le représentant en France de l’employeur), avant le début de chaque détachement. La remise de ces documents suffisait pour que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre ait rempli les obligations lui incombant. 

 

Dorénavant, à défaut de s’être fait remettre par le co-contractant la copie de la déclaration préalable de détachement, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre doit adresser la déclaration de détachement à l’inspection du travail du lieu où débute la prestation dans les 48 heures suivant le début du détachement (2). Le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre ne sont donc plus seulement tenus d’effectuer les vérifications mais bien de satisfaire aux obligations (3). Ils peuvent ainsi être tenus responsables de la non-transmission de la déclaration préalable de détachement à l’inspection du travail. 

 

Le non-respect de cette obligation est sanctionné d’une amende administrative, dont le montant est au plus de 2000 euros par salarié détaché et pouvant atteindre 500 000 euros maximum (art. L. 1264-2). 

 

Le décret précise les informations que doit contenir la déclaration qui doit être rédigée en langue française (4) : 

– des informations relatives au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre ; 

– des informations relatives à l’employeur, établi hors de France ; 

– l’adresse des lieux successifs où doit s’accomplir la prestation, la date du début de la prestation et sa date de fin prévisible, ainsi que l’activité principale exercée dans le cadre de la prestation ; 

– les noms et prénoms, date et lieu de naissance, adresse de résidence habituelle et nationalité de chacun des salariés détachés ; 

– Enfin, les noms et prénoms, les coordonnées téléphoniques et les adresses électronique et postale en France du représentant de l’entreprise détachant des salariés. 

 

Concernant l’envoi de la déclaration, le décret prévoit que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre envoie cette déclaration à l’unité territoriale compétente. Il doit justifier, par tout moyen lui conférant une date certaine, qu’elle a été faite dans le délai de 48 heures. 

 

Un arrêté doit fixer le modèle de déclaration. 

 

Ce décret réaffirme la suppression de la sanction pénale en cas de manquement à l’obligation de déclaration de détachement (5). Cette suppression est regrettable. L’amende administrative devrait pouvoir s’articuler avec le maintien de la sanction pénale. 

 

La solidarité financière en cas de non-paiement du salaire minimum 

 

Rappel : un nouvel article L. 1262-4-3 du Code du travail prévoit que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, informés par écrit par l’un des agents de contrôle, du non-paiement (partiel ou total) du salaire minimum ou conventionnel par l’un des co-contractants de la chaîne de contrats ou de sous-traitance, enjoint aussitôt par écrit à ce co-contractant ou sous-traitant ainsi qu’au donneur d’ordre immédiat de ce dernier de faire cesser sans délai la situation. A défaut de régularisation de la situation, le donneur d’ordre ou le maitre d’ouvrage est tenu solidairement avec l’employeur au paiement des rémunérations, indemnités et charges dues. Cette obligation est satisfaite si, suite à l’injonction, l’employeur régularise la situation ou que le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre dénonce le contrat de prestation. 

 

Le décret précise les conditions de cette solidarité financière (6). C’est à compter du jour de réception de l’injonction que l’employeur détachant des salariés et, le cas échéant, le donneur d’ordre cocontractant de ce dernier informent dans un délai de 7 jours le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre des mesures prises pour faire cesser la situation. Ce dernier transmet aussitôt cette information à l’agent de contrôle (auteur du signalement) ou l’informe, dès l’expiration du délai de 7 jours, de l’absence de réponse. 

 

A défaut de régularisation et si le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre ne dénonce pas le contrat, il est tenu solidairement avec l’employeur au paiement des rémunérations et indemnités dues à chaque salarié détaché ainsi que, lorsque ce salarié relève d’un régime français de sécurité sociale, des cotisations et contributions sociales afférentes dues aux organismes chargés de leur recouvrement. 

 

En outre, l’agent de contrôle doit informer par écrit les salariés concernés qu’à défaut de paiement de leurs rémunérations par l’employeur, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre, ils ont la possibilité de saisir le conseil de prud’hommes afin d’obtenir les sommes dues. 

 

En conclusion, la CFDT ne peut que se réjouir de la parution de ce deuxième décret (7) permettant l’application des nouvelles mesures responsabilisant d’avantage le maître d’ouvrage et le donneur d’ordre mises. D’autres mesures prévues par la loi Macron sont encore applicables sous réserve de textes réglementaires. Nous attendons donc avec impatience les autres décrets. 

 

(1) Décret n° 2016-27 du 19.01.16 relatif aux obligations des maîtres d’ouvrage et des donneurs d’ordre dans le cadre de la réalisation de prestation de services internationales. 

(2) Art. L. 1262-4-1 C. trav. 

(3) Art. L. 1262-5 C. trav. 

(4) Art. R. 1263-13 et R. 1263-14 C. trav. 

(5) Cette suppression a été prévue initialement dans le décret n° 2015-364 du 30.03.15. 

(6) Art. R. 1263-15 à R. 1263-19 C. trav. 

(7) Un premier décret est déjà paru. Il s’agit du décret n°2015-1579 du 03.12.15 relatif à la suspension temporaire de la réalisation de prestations de services internationales illégales et à la compétence des agents de contrôle de l’inspection du travail des services déconcentrés. 

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