Cet article a été initialement publié sur le site de l’organisation syndicale la CFDT
La Cour de cassation a jugé dans un arrêt récent que le salarié tenu d’être joignable par téléphone en dehors de son temps de travail, en vue de répondre à un appel de l’employeur pour effectuer un travail urgent au service de l’entreprise, doit être considéré comme étant en période d’astreinte. Cass. soc. 02.03.2016, n° 14-14919.
En vertu du Code du travail (1), constitue une astreinte la période pendant laquelle le salarié, sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, a l’obligation de demeurer à son domicile ou à proximité afin d’être en mesure d’intervenir pour effectuer un travail au service de l’entreprise. Cette définition risque d’être modifiée prochainement. En effet, le projet de loi El Khomri supprime la référence au domicile dans la définition de l’astreinte pour la remplacer par un critère plus large : le fait pour le salarié d’être en dehors de son lieu de travail(2).
Une procédure d’appels urgents
Dans cette affaire, la société avait mis en place une « procédure d’appels urgents service client ». En application de cette procédure, les téléopérateurs du service client disposaient d’une liste de trois personnes à contacter en dehors des heures d’ouverture de l’agence, dans le cadre d’appels de clients dits « urgents » (dont la typologie était définie). Le responsable d’agence était le premier de la liste.
Ce dernier a été licencié pour faute grave. Il a ainsi saisi la juridiction prud’homale en sollicitant notamment l’indemnisation de ces périodes au titre de l’astreinte.
L’employeur, pour s’opposer à cette prétention, soutenait que le salarié n’était pas exclusivement concerné par cette procédure d’appel d’urgence. D’autres salariés étaient susceptibles d’être appelés. Il avançait également qu’il n’était pas établi qu’il aurait été contacté en dehors du travail, ni qu’il aurait dû se rendre à l’agence en dehors des heures d’ouverture.
Requalification des périodes litigieuses en astreinte
La Cour d’appel a rejeté l’argumentation de l’employeur. Elle a considéré qu’il importait peu que le salarié ne soit pas exclusivement concerné par l’obligation de répondre aux appels téléphoniques du service client. En effet, dès lors que la note de service stipulait que le responsable d’agence était la première personne devant être contactée, cela le contraignait à être disponible pour ces appels et il devait être en conséquence indemnisé pour ce temps d’astreinte.
L’employeur s’est pourvu en cassation, estimant que la Cour d’appel avait fait une application impropre des dispositions du Code du travail quant aux critères employés pour définir l’astreinte.
Seulement, la Cour de cassation a confirmé l’analyse de la Cour d’appel. Le salarié, qui était tenu de pouvoir être joint téléphoniquement en vue de répondre à un appel de l’employeur pour effectuer un travail urgent au service de l’entreprise, était effectivement en astreinte.
Ici, les juges ne se sont pas intéressés à la question de savoir si le salarié devait être à proximité de son domicile ou s’il était seul destinataire des appels. C’est la « servitude permanente de l’emploi » caractérisée par la disponibilité constante du salarié qui a permis de retenir la qualification d’astreinte.
Droit à l’indemnité de congés payés sur les périodes d’astreinte
L’employeur arguait également que les périodes d’astreintes, ne correspondant pas à du temps de travail effectif, donnent lieu à une compensation financière n’ayant pas la nature juridique d’un salaire et n’ouvrant pas droit à l’indemnité de congés payés.
Là encore, la Cour de cassation a rejeté son argument, rappelant que la durée de l’intervention est considérée comme du temps de travail effectif. Elle a jugé que l’indemnité d’astreinte constituait un élément de salaire et que le salarié avait ainsi droit à l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente.
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Cette solution fait écho au droit à la déconnexion du salarié. Il est clair qu’imposer à un salarié d’être constamment joignable en dehors de son temps de travail l’empêche de jouir pleinement de son droit au repos, ou encore d’une séparation réelle entre vie professionnelle et vie privée. Cette position de la Cour de cassation est alors fort heureuse. Replacer ces temps de disponibilité des salariés sous le régime de l’astreinte permet de leur garantir, dans ce cadre, l’effectivité du droit au repos nécessaire pour assurer leur santé et le respect de l’équilibre entre leur vie professionnelle et leur vie privée.
(1) L. 3121-5 C. trav.
(2) Projet de loi visant à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs, article 2 – nouvel article L. 3121-8 C. trav. : « Une période d’astreinte s’entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise […]».