Cet article a été initialement publié sur le site du syndicat CFDT.
Les partenaires sociaux ont pris connaissance du très attendu projet de décret, pris en application de la loi du 10 juillet 2014 relative aux stages (1) qui détermine les conditions et limites dans lesquelles les organismes d’accueil peuvent faire appel à des stagiaires. Serait fixé à 15% de l’effectif le plafond relatif au nombre de stagiaires pouvant être accueillis dans un organisme d’accueil, employant au moins 20 salariés ou agents. Serait, également, déterminé à 3 le nombre maximum de stagiaires pouvant être encadrés par un même tuteur.
BON A SAVOIR : La loi du 10 juillet 2014 concerne les élèves et les étudiants qui effectuent respectivement des périodes de formation en milieu professionnel et des stages (2) afin d’obtenir des compétences professionnelles et de mettre en œuvre les acquis de sa formation. Une convention tripartite doit être signée entre l’établissement d’enseignement (scolaire ou universitaire), le stagiaire (élève ou étudiant) et l’organisme d’accueil (de droit public ou privé). Ne sont pas concernés, notamment, les stages faisant l’objet d’un contrat de travail et entrant dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie (3).
Un décret très attendu
Le futur décret soumis aux partenaires sociaux, attendu depuis plus d’un an après la publication de la loi du 10 juillet 2014, fixerait enfin les conditions et limites dans lesquelles les organismes d’accueil peuvent faire appel à des stagiaires et permettrait ainsi l’application dans son ensemble de la réforme des stages.
Petit rappel : c’est suite au constat que les stages font trop souvent l’objet d’abus qu’a été adoptée la loi du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. Vivement soutenue par la CFDT, cette loi prévoit, depuis la rentrée 2014, de nouveaux droits pour les stagiaires et de nouvelles obligations pour les employeurs. Il était prévu qu’elle soit pleinement effective à la rentrée 2015.
Plusieurs étapes ont déjà eu lieu :
– En novembre 2014, est paru un premier décret (4) qui explicite plusieurs dispositions prévues par la loi. Il fixe, notamment, une première hausse du montant de la gratification versée aux stagiaires pour les conventions (d’une durée de plus de 2 mois), conclues avant la rentrée 2015, les formations dérogeant à la durée maximale du stage et les mentions devant figurer dans la convention de stage.
– En septembre 2015, a été appliquée (comme prévu dans le premier décret) une nouvelle hausse du montant de la gratification pour les stagiaires signant une convention de stage, à compter du 1er septembre 2015.
Le montant de la gratification est actuellement porté à 15% du plafond horaire de la sécurité sociale, soit 3.60 euros par heure de stage.
Il restait donc plusieurs mesures et pas des moindres à fixer par voie de décret (le nombre maximum de stagiaires pouvant être accueillis et le nombre maximum de stagiaire encadrés par un même tuteur). C’est précisément l’objet du projet de décret soumis aux partenaires sociaux. Limitation du nombre de stagiaires accueillis dans un même organisme d’accueil
– Le projet de décret prévoit de limiter le nombre de stagiaires dont la convention de stage est en cours pendant une même semaine civile au sein de l’organisme d’accueil (5). Il serait prévu, en principe, que (6):
– Si l’effectif est égal ou supérieur à 20 personnes, le nombre maximal de stagiaires (pouvant être accueillis simultanément par un même organisme d’accueil) ne pourrait excéder 15% de l’effectif. La proportion de stagiaires par rapport à l’effectif serait arrondie à l’entier supérieur.
– Si l’effectif est inférieur à 20 personnes, il ne pourrait pas y avoir plus de 3 stagiaires accueillis dans un même organisme d’accueil.
=> Même si cette mesure va dans le bon sens, il est regrettable que ne soit pas retenu le taux de 10%, initialement prévu lors des débats parlementaires. Par ailleurs, le seuil de 20 personnes (salariés ou agents) ne correspond à aucun seuil légal.
– Comme visé par la loi, le projet de décret prévoit une dérogation pour les périodes de formation en milieu professionnel (effectuées dans le cadre scolaire, dans le secondaire) (7). L’autorité académique fixerait un nombre de stagiaires supérieur à celui mentionné ci-dessus, dans la limite de 20 % de l’effectif. Il faudrait pour cela que l’effectif soit supérieur ou égal à 30 et dans la limite de 5 stagiaires lorsqu’il est inférieur à 30. Pour l’appréciation de ces limites, il serait tenu compte de l’ensemble des personnes accueillies au titre des stages (cadre universitaire) et des périodes de formation en milieu professionnel (cadre scolaire).
C’est l’autorité académique qui donnerait ou non droit à la demande de dérogation (8) faite par l’organisme d’accueil. L’autorisation serait accordée pour 3 ans au plus (avec possible renouvellement (9)).
=> La CFDT regrette que lors de la création d’un droit, soit créée dans le même temps son exception et que l’on vienne complexifier encore d’avantage le cadre normatif. Le fait de prévoir une dérogation au taux d’encadrement prescrit revient à laisser la possibilité aux organismes d’accueil de contourner ce seuil. Toutefois, cette dérogation (qui ne devant concerner que les élèves du secondaire et non les étudiants) a une portée limitée. C’est en effet, les étudiants qui sont le plus touchés par les abus liés aux stages. Par ailleurs, la durée de la dérogation (3 ans au plus) est trop longue. Il est regrettable que le nombre de renouvellement ne soit pas limité. Enfin, il serait pertinent pour l’organisme de justifier les raisons de la demande de dérogation (ex: surcharge d’activité).
Concernant le calcul de l’effectif. Il est pris en compte (10):
– Le nombre des personnes physiques exerçant une activité rémunérée dans l’organisme d’accueil au dernier jour du mois civil précédant la période sur laquelle est appréciée la condition ;
– Ou si elle est supérieure, à la moyenne sur les douze derniers mois précédents cette même période.
=> Il semble que seraient donc pris en compte, par exemple, les apprentis et seraient exclus les stagiaires.
BON A SAVOIR : Pour les administrations et établissements publics administratifs : l’effectif s’entend de l’ensemble du personnel exerçant leurs fonctions dans l’organisme d’accueil.
Limitation du nombre de stagiaire encadrés par un même tuteur (11)
La loi améliore l’encadrement du stagiaire. Pour cela est prévu un double encadrement du stagiaire : un tuteur, au sein de l’entreprise, chargé de l’accueil du stagiaire et un enseignant référent au sein de l’établissement d’enseignement. Comme prévu dans la loi, le projet de décret prévoit qu’une même personne ne peut pas être désignée en qualité de tuteur dans un organisme d’accueil lorsqu’elle l’est déjà dans 3 conventions de stage en cours d’exécution à la date à laquelle la désignation devrait prendre effet.
Serait donc limité à 3 le nombre maximum de stagiaires pouvant être suivi par un même tuteur.
=> Cette mesure va dans le bons sens puisqu’il semble raisonnable qu’un même tuteur puisse encadrer 3 stagiaires.
Contrôle de l’inspection du travail et sanctions administratives
Pour faire appliquer les nouvelles dispositions encadrant le recours aux stagiaires (12), les agents de contrôle de l’inspection du travail pourraient se voir remettre (à leur demande) une copie de la convention de stage par l’organisme d’accueil ou l’établissement d’enseignement (13).
BON A SAVOIR : Lorsqu’il y a autorisation de déroger au nombre maximum de stagiaires pouvant être accueillis dans un même organisme d’accueil, les agents de contrôle pourraient également demander à l’autorité académique de leur communiquer l’autorisation.
Par ailleurs, le décret préciserait les modalités de mise en œuvre des sanctions administratives par le Direccte en cas de non-respect des règles encadrant le recours aux stagiaires. Si l’organisme d’accueil du stagiaire dépasse le plafond de stagiaire autorisé, ne désigne pas un tuteur ou ne respecte pas certaines règles (14), il s’exposerait à une amende administrative dont le montant serait fixé par l’autorité administrative, en fonction des éléments transmis par l’inspection du travail, en fonction des circonstances de fait, notamment, du caractère réitéré du manquement, de la proportion de stagiaire par rapport à l’effectif, de la situation économique, sociale et financière de l’organisme, ainsi que le cas échéant de la commission d’autres infractions (15).
BON A SAVOIR : La loi prévoit que l’amende administrative est d’au plus 2000€ par stagiaire concerné par le manquement pouvant, en cas de récidive, passé à 4000€ maximum.
=> La loi a limité les manquements passibles d’une sanction administrative. Il n’est notamment pas prévu de sanction administrative en cas de manquement au nombre maximum de stagiaires pouvant être encadrés par un même tuteur.
En outre, faisant suite à la loi imposant l’inscription des stagiaires dans le registre unique du personnel que les stagiaires, le projet de décret (16) prévoit d’adapter les règles en matière de conservation par l’entreprise des données du registre unique du personnel relatives aux stagiaires.
La CFDT souhaite donc que ce décret, satisfaisant dans l’ensemble, paraisse au plus vite afin de faire appliquer l’ensemble des mesures limitant les abus liés aux stages.
BON A SAVOIR : Le décret entrerait en vigueur au lendemain de de sa publication. Concernant le nombre maximum de stagiaires autorisés dans un même organisme d’accueil et le nombre maximum de stagiaires pouvant être encadrés par un même stagiaire, ces dispositions ne seront applicables qu’aux conventions conclues postérieurement à la publication du décret. Raison supplémentaire de l’urgence de la parution du décret.
(1) Loi n° 2014-788 du 10 juillet 2014 tendant au développement, à l’encadrement des stages et à l’amélioration du statut des stagiaires. (2) Art. L. 124-1 du Code de l’éducation. (3) Sont donc exclus les apprentis, les contrats de professionnalisation, les personnes relevant de la formation professionnelle continue. (4) Décret n° 2014-1420 du 27.11.14 relatif à l’encadrement des périodes de formation en milieu professionnel et des stages. (5) La loi prévoit que l’application de cette limite ne tient pas compte des périodes de prolongations prévues à l’art. L. 124-15 du Code de l’éducation (par ex : en cas de maladie, grossesse). (6) Art. R. 124-10 du Code de l’éducation. (7) Art. R. 124-11 du Code de l’éducation. (8) Cette demande d’autorisation de dérogation doit être adressée par tout moyen lui conférant une date certaine. Si dans un délai de 2 mois à compter de la réception de la demande, l’autorité académique reste silencieuse après ce délai, cela vaut acceptation de la dérogation dans les limites et conditions fixées par le futur décret. (9) Il faut alors en faire la demande dans les 3 mois avant la date d’expiration. (10) Art. R. 124-12 du Code de l’éducation. (11) Art. R. 124-13 du Code de l’éducation. (12) Art. L. 124-8, L. 124-10, L. 124-13, L. 124-14 et L. 124-9 alinéa 1 du Code de l’éducation. (13) Art. R. 8113-3-1 du Code du travail. (14) Art. L. 124-14 du Code de l’éducation : il s’agit des règles relatives aux durées maximales quotidienne et hebdomadaire de travail, à la présence de nuit, au repos quotidien et hebdomadaire, aux jours fériés et aux travaux dangereux. (15) Art. R. 8115-6 du Code du travail. (16) Art. R. 1221-26 du Code du travail.