Cette publication provient du site de l’organisation d’employeurs CFDT
En l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la rupture conventionnelle. C’est ce qu’a décidé la Cour de cassation dans un arrêt récent, publié au bulletin. Cass. soc. 23.01.2019, n° 17-21.550.
- Faits et procédure
Dans cette affaire, une salariée signe avec son employeur une convention de rupture du contrat de travail en 2014. Or, il s’avère que la salariée est victime de harcèlement moral dans son entreprise. Elle décide donc de contester la rupture conventionnelle devant le conseil de prud’hommes.
La rupture conventionnelle individuelle permet à l’employeur et au salarié de rompre d’un commun accord le contrat de travail à durée indéterminée. Elle est négociée entre l’employeur et le salarié et ne peut être imposée par l’un ou par l’autre. Ainsi, cette rupture conventionnelle n’est valable que si le consentement des parties, et a fortiori celui du salarié, est libre et éclairé (1).
- Une rupture intervenue dans un contexte de harcèlement moral
Les juges du fond retiennent l’existence d’un harcèlement moral et prononcent la nullité de la rupture. Dans la droite ligne de la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour d’appel considère qu’un salarié peut obtenir l’annulation de la rupture conventionnelle dès lors qu’il établit qu’elle est intervenue dans un contexte de harcèlement moral. Cela singifie que salarié n’a pas à prouver de vice du consentement.
En effet, dans un arrêt publié largement diffusé en 2013, la Haute juridiction avait décidé que l’existence d’un harcèlement moral, au moment de la signature de l’acte de rupture conventionnelle, caractérisait une situation de violence morale justifiant l’annulation d’une rupture conventionnelle (2). Plus tard, en 2016, la chambre sociale avait pu confirmer sa position en jugeant qu’un salarié qui a subi un épisode de harcèlement moral l’ayant incité à choisir la voie de la rupture conventionnelle n’avait pas librement consenti à la convention de rupture (3).
Ainsi, l’arrêt d’appel semblait s’inscrire dans la jurisprudence de la Cour de cassation. Une nuance toutefois, les juges du fond précisent ici expressement que « la salariée n’invoque aucun vice du consentement mais le harcèlement moral étant constitué, il convient de constater la nullité de la rupture conventionnelle ».
L’employeur se pourvoit en cassation.
- Un contexte de harcèlement moral n’entraîne pas nécessairement la nullité de la rupture
Etonnamment, la chambre sociale casse l’arrêt d’appel ! Selon elle, « en l’absence de vice du consentement, l’existence de faits de harcèlement moral n’affecte pas en elle-même la validité de la convention de rupture ». En d’autres termes, lorsqu’un salarié conclut une rupture conventionnelle dans un contexte de harcèlement moral, cela n’entraîne pas automatiquement sa nullité. Seule la démonstration de l’existence d’un vice du consentement, notamment du salarié, peut justifier l’annulation de la rupture. En l’occurrence, la salariée n’avait pas invoqué de vice du consentement.
Cette décision est de notre point de vue contestable.
EN EFFET, PEUT-IL ENCORE Y AVOIR UN CONSENTEMENT LIBRE ET ÉCLAIRÉ LORSQUE L’ON EST VICTIME DE HARCÈLEMENT MORAL ?On peut en douter…
En tout état de cause, lorsqu’un salarié souhaitera faire annuler la rupture conventionnelle conclue dans un contexte de harcèlement, il sera nécessaire de faire explicitement le lien entre ce harèlement et un vice du consentement à rompre le contrat.
(1) Art. L.1237-11 C.trav.
(2) Cass.soc. 30.01.13, n°11-22.332
(3) Cass.soc. 29.01.16, n°14-10.308