Aujourd’hui, nous vous présentons le dernier épisode du feuilleton relatif à la bataille entre les partisans de la retraite par répartition et ceux de la retraite par capitalisation. Tirant profit de la remise en cause dont sont victimes les régimes en répartition depuis 25 ans, les tenants de de la capitalisation effectuent un timide retour sur le devant de la scène.
La répartition vouée à la ruine ?
Depuis le milieu des années 1980, de nombreux rapports publics, patronaux voire syndicaux, insistent sur le défi que le “vieillissement démographique” constitue pour les régimes de retraite en répartition. Le “ratio de dépendance économique”, établissant le rapport entre la population de 65 ans et plus et celle des personnes ayant entre 15 et 64 ans, est passé de 0,2 à la fin des années 1990 à 0,3 aujourd’hui et devrait continuer à augmenter jusqu’à atteindre 0,5 en 2030 (source : Insee). Dans ce contexte, maintenir des régimes en répartition généreux impliquerait d’augmenter les cotisations retraite, alors qu’elles atteignent déjà, à l’heure actuelle, plus de 25 % des salaires. Dans le cadre d’une économie globalisée, cette solution n’est pas jugée viable par les pouvoirs publics.
Aussi ont-ils entrepris de réformer le régime de base de la sécurité sociale. Les réformes Balladur (1993), Fillon (2003), Woerth (2010) et Touraine (2013) ont durci les conditions d’accès aux pensions en répartition : allongement progressif de la durée de cotisation (de 37,5 annuités à 43 annuités), recul de l’âge de départ à la retraite (de 60 à 62 ans), révision des règles de constitution des pensions (calculées selon le salaire des 25 meilleures années et non plus des 10 meilleures années) et révision des règles de revalorisation des pensions (qui suivent l’inflation et non plus la hausse des salaires). Dans les régimes complémentaires, les partenaires sociaux ont pris des mesures similaires. Finie donc la courte période de la répartition généreuse !
La capitalisation au secours des retraités ?
Il n’en fallait pas plus pour les partisans de la capitalisation reprennent le chemin des croisades. Denis Kessler, ancien universitaire devenu gourou à la FFSA au tout début de la décennie 1990, décidait de porter l’estocade contre la répartition. Il pouvait alors compter sur le concours d’un Claude Bébéar en pleine ascension au sein du petit monde du capitalisme financier français. Il s’est également associé au “killer”, Ernest-Antoine Seillière, incarnation ultime de la reconversion financière des industries traditionnelles. L’argumentation des uns et des autres repose sur une idée simple : puisque les systèmes collectivisés n’assureront plus des pensions correctes – quand ils ne s’écrouleront pas tout simplement – les salariés doivent prendre en main leur propre retraite.
Les hérauts de la financiarisation des retraites s’engagent alors dans des campagnes de publicité qui ne sont pas toujours bien perçues. En particulier, les partenaires sociaux, en charge de la gestion des régimes de retraite par répartition, dénoncent les attaques selon eux injustifiées dont ces régimes font l’objet. L’UIMM et ses bouillonnants dirigeants, Emile Boursier et Pierre Guillen, sont à la manoeuvre, voyant d’un très mauvais oeil cette tentative d’OPA sur le paritarisme orchestrée par les assureurs. Les débats entre les protagonistes s’enlisent peu à peu, ce qui n’est pas de nature à favoriser pas le développement de l’épargne retraite. Les esprits n’y sont pas encore prêts, comme en témoigne l’échec de la proposition de loi du député Jean-Pierre Thomas.
Les progrès timides de la capitalisation
Il faut attendre le début des années 2000 pour que les responsables politiques, administratifs, patronaux et syndicaux se mettent d’accord quant à l’opportunité d’évolutions législatives favorables à la retraite par capitalisation. Dans le cadre de la réforme Fillon de 2003, les pouvoirs publics décident de la création du plan d’épargne retraite populaire (le PERP, un système assurantiel) et du plan d’épargne pour la retraite collectif (le PERCO, un système d’épargne salarial modifiant le PPESV). Un consensus semble donc s’être établi dans le débat public à propos de la nécessité de compenser par l’épargne la moindre générosité des pensions servies en répartition. Âgée d’un peu plus de 62 ans, la répartition aurait-elle, elle aussi, atteint l’âge du départ à la retraite ?
Un dirigeant de l’AG2R tient à relativiser le retour de la capitalisation : “Prenez les chiffres relatifs aux prestations servies par des systèmes d’épargne retraite : vous verrez que, sur le long terme, ils sont stables, aux alentours de 2 ou 2,5 % du total des prestations servies”. La progression des systèmes financiarisés est donc pour le moins limitée. Du moins pour l’instant. Mais à l’avenir ? L’heure de leur revanche aurait-elle sonné ? Une chose est sûre, tranche un responsable de l’UIMM : “S’ils devaient réellement monter en puissance, d’un point de vue démographique, ils seraient assez rapidement confrontés exactement au même problème que les régimes en répartition.” A l’évidence, l’armistice reste à signer entre les tenants de la répartition et ceux de la capitalisation.