Un employeur peut demander des dépistages drogue et alcool à ses salariés, mais il y a des règles

Cet article provient du site du syndicat de salariés FO

 

Pour valider la pratique de l’alcootest et des tests salivaires pour le dépistage de drogues, le Conseil d’État et la Cour de cassation prennent notamment en compte l’obligation qui incombe à l’employeur, en vertu de l’article L 4121-1 du code du travail, d’assurer la sécurité et la santé des salariés dans l’entreprise (CE, 5-12-16, n°394178 ; Cass. soc., 22-5-02, n°99-45878). Cette obligation est d’autant plus importante qu’en cas de manquement, la faute inexcusable de l’employeur peut être retenue. 

Soumis à une obligation de sécurité, les employeurs sont incités à pratiquer des opérations de dépistage. Attention dépistage en vue… Surtout que les magistrats facilitent de tels contrôles, sous certaines conditions toutefois ! 

A noter que l’employeur peut recourir à des tests salivaires pour dépister la consommation de drogue ou l’alcoolémie et se baser sur les résultats obtenus pour sanctionner ses salariés, les sanctions pouvant aller jusqu’au licenciement. 

Il semble que l’employeur ne puisse se contenter d’effectuer des tests d’alcoolémie et des tests salivaires sans avoir, en amont, pris toutes les mesures de prévention, sauf à manquer à son obligation de sécurité de résultat. 

L’employeur peut-il soumettre l’ensemble de ses salariés à un test d’alcoolémie ou de dépistage de produits stupéfiants ? 

Le test d’alcoolémie ne peut concerner que les salariés qui, par la nature de leur travail, sont susceptibles d’exposer les personnes ou les biens à un danger (conducteur de train ou de métro, pilote d’avion, travailleurs conduisant des véhicules, manipulant des machines ou des produits dangereux…). 

En ce qui concerne le test salivaire pour dépister la consommation de drogue, le Conseil d’État précise qu’il ne peut concerner que des postes hypersensibles pour lesquels l’emprise de la drogue constitue un danger particulièrement élevé pour le salarié et les tiers. 

Dans les deux cas, il ne peut donc être pratiqué systématiquement pour l’ensemble du personnel. 

Il convient normalement de déterminer, dans le règlement intérieur, la liste des postes de travail concernés, éventuellement en concertation avec le médecin du travail et le CHSCT. 

Le test salivaire ou le recours à l’alcootest doit-il être prévu dans le règlement intérieur ? 

Le test d’alcoolémie ou salivaire doit être prévu par le règlement intérieur qui, normalement, fixe les modalités de contrôle (le moment ou la cause du contrôle, la présence ou non d’un tiers, la personne habilitée à procéder au contrôle, la possibilité d’une contre-expertise…). Si l’entreprise n’est pas soumise à l’édiction d’un tel règlement (entreprises de moins de 20 salariés), le recours à l’alcootest ou au test salivaire nécessite l’existence préalable d’une note de service, la note de service étant soumise au même contrôle que le règlement intérieur. 

Attention, un employeur peut demander aux services de police de venir contrôler le niveau d’alcoolémie d’un salarié dans l’entreprise, sans qu’il soit nécessaire de faire figurer une telle possibilité dans le règlement intérieur (Cass. soc., 9-7-92, n°91-42040). S’agissant du dépistage de produits stupéfiants au moyen d’un test salivaire, on peut supposer que la Cour de cassation jugerait pareillement si elle était saisie.

Qui peut effectuer le test ? 

Le test d’alcoolémie ou salivaire peut être effectué par l’employeur, le supérieur hiérarchique ou par une personne qu’il désigne. Il appartient à l’employeur d’utiliser un test homologué. 

En ce qui concerne le test salivaire, le Conseil d’État a jugé qu’il ne nécessitait pas forcément la présence du médecin du travail, dans la mesure où il n’a pas pour objet d’apprécier l’aptitude médicale du salarié à exercer son emploi. Pour le Conseil d’État, le test salivaire ne revêt pas le caractère d’un examen de biologie médicale au sens des dispositions de l’article L 6211-1 du code de la santé publique et n’est donc pas au nombre des actes qui, en vertu des dispositions de l’article L 6211-7, doivent être réalisés par un biologiste médical ou sous sa responsabilité. Les Hauts magistrats indiquent qu’aucune autre règle ni aucun principe ne réservent le recueil d’un échantillon de salive à une profession médicale. 

Il peut être prévu dans le règlement intérieur que le test se fera en présence d’un tiers ou d’un représentant du personnel. 

Si les résultats du test salivaire ne sont pas couverts par le secret médical, l’employeur, le supérieur hiérarchique désigné pour le mettre en œuvre ou le tiers présent sont tenus au secret professionnel quant à son résultat. La même solution semble devoir s’appliquer pour les tests d’alcoolémie. 

A noter que les tests salivaires peuvent servir à détecter plusieurs types de stupéfiants et pour certains légaux, comme les benzodiazépines. En présence d’un test positif aux benzodiazépines, le salarié justifiant d’une prescription médicale pour l’usage de ce type de médicaments ne devrait pas pouvoir être sanctionné, mais simplement écarté du poste de travail le temps que le médecin du travail se prononce sur son aptitude à occuper son poste. 

Le salarié peut-il s’opposer au test ? 

Le test salivaire doit être pratiqué avec l’accord de la personne contrôlée. Toutefois, un salarié qui refuse de se soumettre à un test d’alcoolémie ou salivaire, alors que les conditions de licéité sont remplies, commet une faute justifiant une sanction disciplinaire pouvant aller jusqu’au licenciement. 

Quand le test peut-il être réalisé ? 

Les tests peuvent se faire à tout moment (et notamment en fin de journée) et non pas seulement avant l’utilisation de produits ou machines dangereuses ou la conduite d’un véhicule (Cass. soc., 24-2-04, n°01-47000). Le Conseil d’État, à propos des tests salivaires, a validé la pratique des tests aléatoires. 

Attention toutefois ; si le règlement intérieur fixe des modalités particulières de contrôle, l’employeur est tenu de les respecter strictement, faute de quoi le contrôle opéré ne serait pas valable. Ainsi, s’il est prévu dans le règlement intérieur que l’alcootest ne peut concerner que des salariés en état d’ébriété apparent, le salarié qui ne présente pas un tel état ne peut être licencié, même en cas de test positif (Cass. soc., 2-7-14, n°13-13757). 

Dès lors que l’employeur respecte les dispositions du règlement intérieur, le contrôle peut même s’effectuer en dehors de l’entreprise pour des raisons techniques (Cass. soc., 31-3-15, n°13-25436). 

En cas de résultat positif, le salarié peut-il demander une contre-expertise ? 

Oui, en cas de test positif, le salarié est en droit de demander une contre-expertise. Le règlement intérieur doit prévoir cette possibilité de contestation. 

En matière d’alcoolémie, la contre-expertise pourra se faire au moyen d’un éthylomètre plus fiable qu’un simple alcootest. 

En matière de test salivaire pour dépister l’usage de drogues, le Conseil d’État indique que le salarié doit pouvoir obtenir une contre-expertise médicale, laquelle doit être à la charge de l’employeur. Cette contre-expertise doit être effectuée dans les plus brefs délais. Qu’entend-on par contre-expertise médicale ? Celle-ci nécessitera-t-elle un prélèvement sanguin (double éventuellement : afin de réaliser un autre test en cas de test sanguin positif) ? Sera-t-il effectué par le médecin du travail ou un médecin ou encore un laboratoire indépendant ? A défaut de précisions dans la décision du Conseil d’État, ce point devra être discuté lors de l’élaboration du règlement intérieur. 

Le point sur l’alcool et la drogue dans l’entreprise
Sur le lieu de travail, aucune autre boisson que le vin, la bière, le cidre et le poiré n’est autorisée (art. R 4228-20 du code du travail). L’employeur ou le supérieur hiérarchique a l’interdiction de laisser introduire ou distribuer des boissons non autorisées dans l’entreprise. Les employeurs ont l’interdiction de laisser entrer ou séjourner dans l’entreprise toute personne en état d’ivresse (art. R 4228-21 du code du travail). L’employeur peut limiter ou interdire toute consommation d’alcool dans l’entreprise, cette limitation ou cette interdiction devant toutefois être proportionnée au but recherché. Le Conseil d’État a censuré une mesure d’interdiction totale contenue dans le règlement intérieur, dès lors qu’elle n’est pas justifiée par l’existence d’une situation particulière de danger ou de risque (CE, 12-11-12, n°349365).
L’employeur peut, en partenariat avec le CHSCT, initier des campagnes d’information et de sensibilisation. Face à des alcoolisations chroniques, le chef d’entreprise a tout intérêt, avant chaque prise de décision, à associer au maximum le médecin du travail. Certaines entreprises n’hésitent pas à mettre en place des contrats d’accompagnement destinés à aider les salariés dans leur sevrage. Ces contrats reposent sur le principe suivant : les salariés s’engagent à suivre des soins ; en contrepartie, la direction s’engage, en l’absence de récidive, à ne pas donner de suites disciplinaires et à aménager temporairement le poste du salarié, ou son temps de travail, afin de faciliter la prise en charge médicale.
L’éthylisme peut constituer, en soi, une cause réelle et sérieuse de licenciement, voire, en fonction des circonstances, une faute grave. La faute grave peut être reconnue, lorsque la consommation excessive d’alcool a mis le salarié dans l’incapacité d’assumer ses responsabilités professionnelles (Cass. soc., 6-12-00, n°98-45785). Le fait pour un cariste ou un salarié affecté à la conduite d’une machine dangereuse de se présenter en état d’ébriété avancée sur son lieu de travail constitue une faute grave (Cass. soc., 22-1-97, n° 94-41667 ; Cass. soc., 21-7-81, n°79-42077). Lorsque l’intempérance a été tolérée pendant plusieurs années, l’employeur ne peut retenir la faute grave (Cass. soc., 22-2-95, n°93-43331).
Pour ce qui concerne les stupéfiants, si le code du travail reste silencieux, le code pénal, quant à lui, en interdit de manière générale la détention et la consommation. Il a déjà été jugé que constitue une faute grave, le fait de fumer un « joint » sur le lieu de travail (CA Aix-en-Provence, 10 mai 2013, n°11-16117, RJS 12/13, n°794) ou de détenir une barrette de cannabis découverte dans le véhicule de l’entreprise.

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