Un contrat temps-partiel qui ne mentionne qu’une durée minimale de travail n’est pas valable

Cette publication est issue du site du syndicat de salariés CFDT

 

Parce qu’il déroge à la durée « normale » de travail, un contrat de travail à temps partiel est soumis à un strict formalisme. Obligatoirement écrit, ce contrat doit en outre comporter certaines mentions telles que la durée du travail hebdomadaire ou mensuelle. Un contrat de travail qui se contente de mentionner une durée minimale de travail répond-il à cette exigence légale ? L’arrêt rendu par la Chambre sociale de la Cour de cassation ce 3 juillet dernier est l’occasion de faire le point sur les règles applicables en la matière. Cass.soc. 3.07.19, n°17-15884. 

  • Petits rappels au sujet du temps partiel…

Avant de se pencher sur le fond de l’affaire qui nous intéresse, il peut être bon de rappeler rapidement quelques règles qui s’appliquent en matière de travail à temps partiel. Car le formalisme (1) qui entoure ces contrats est tout simplement primordial ! Ce contrat doit non seulement être écrit, mais il doit aussi comporter certaines mentions. Parmi celles-ci, figurent la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail convenue et la répartition de cette durée entre les jours de la semaine ou les semaines du mois (2). 

Ces mentions sont obligatoires, et lorsque le contrat ne prévoit pas la durée de travail exacte convenue et/ou sa répartition, il est présumé avoir été conclu à temps complet (3). 

Attention car cette présomption de contrat à temps complet est une présomption « simple »

L’employeur qui la conteste peut rapporter la preuve contraire s’il démontre tout à la fois (4) : 

– la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, 

– que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas dans l’obligation de se tenir à la disposition de l’employeur. 

FAUTE DE POUVOIR DÉMONTRER CES DEUX ÉLÉMENTS, LA SENTENCE EST LOURDE POUR L’EMPLOYEUR, PUISQUE LE CONTRAT EST REQUALIFIÉ EN CONTRAT DE TRAVAIL À PLEIN TEMPS. CE QUI L’OBLIGE À PAYER UN SALAIRE CORRESPONDANT À UN TEMPS COMPLET. 

Il est également passible d’une amende de 1 500 euros au plus pour chaque salarié concerné (et jusqu’à 3 000 euros en cas de récidive).  

  • Venons-en aux faits !

Dans notre affaire, une coiffeuse à domicile à temps partiel est licenciée pour inaptitude après 15 ans de service. Contestant la rupture de son contrat de travail, elle en profite pour demander la requalification de son contrat de travail à temps partiel en temps plein et les indemnités qui en découlent. Petite particularité (néanmoins non négligeable en l’espèce), il s’agit d’un contrat de travail « à temps choisi » : celui-ci prévoit une durée minimale de travail de 4 h par mois répartie à raison d’une heure par semaine (durée largement dépassée dans les faits) et précise que la salariée jouira d’une certaine autonomie dans l’exercice de ses fonctions et qu’elle sera donc libre de déterminer ses horaires. 

Malheureusement, la cour d’appel refuse la requalification du contrat réclamée par la salariée. Pour la cour, le contrat respecte bien les exigences légales : la durée du travail est inférieure à 35 heures, comme l’exige l’article L. 3123-1 du Code du travail, ensuite le contrat mentionne bien la durée du travail, puisqu’il garantit à la salariée une durée mensuelle minimale de 4 heures, enfin, s’agissant de la mention et de la répartition des horaires, celles-ci ne pouvaient évidemment pas apparaître au contrat puisque c’est la salarié elle-même qui les déterminait selon ses disponibilités et le choix des prestations qu’elle souhaitait réaliser… En d’autres termes, le volume de travail de la salariée était entièrement dépendant de son bon vouloir, ce qui rendait impossible de fixer une durée du travail reflétant la réalité. 

Pour finir, la cour ajoute que les bulletins de paie et le récapitulatif de l’activité produits par l’employeur démontraient que la salariée ne travaillait en moyenne que 56,6 heures par mois (ce qui correspond à environ 14 h de travail par semaine). Bref, elle n’était pas à temps complet ! 

La salariée se pourvoit en cassation : malgré l’autonomie dont elle disposait, la simple mention d’une durée minimale de travail au contrat répondait-elle bien aux exigences propres aux contrats à temps partiel fixées par le Code du travail ? 

  • La mention d’une durée du travail minimale de travail ne suffit pas

Non, répond la Cour de cassation. Certes, le contrat prévoit une durée de travail mensuelle minimale, mais ce n’est pas ce qu’exige le Code ! Les textes exigent d’un contrat de travail à temps partiel qu’il mentionne la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail – ce qui n’était donc pas le cas en l’espèce… 

Le contrat ne respectant pas le formalisme imposé par le Code du travail, la cour d’appel ne pouvait pas écarter la présomption de travail à temps complet sans rechercher si l’employeur justifiait de la durée de travail exacte convenue

Or, si les bulletins de paie et les attestations d’activité ont bien permis à l’employeur de prouver que la salariée travaillait effectivement 56,6 h/mois en moyenne, ils ne lui ont en revanche pas permis de prouver la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle qui avait été convenue par les parties. Elément pourtant indispensable pour espérer renverser la présomption de travail à temps complet… 

 

Pour conclure, un contrat de travail à temps partiel doit mentionner la durée hebdomadaire ou mensuelle exacte de travail, quand bien même il aurait accordé une certaine liberté au salarié dans la détermination de son volume horaire. De plus, cette durée permet de déterminer le seuil au-delà duquel les heures qui seront accomplies seront des heures complémentaires qui ouvrent droit à une majoration de salaire, mais quantitativement limitées. 

Par-delà cette considération, et parce qu’elle rappelle l’importance du formalisme des contrats de travail à temps partiel, cette décision est une décision sage… Est-il nécessaire de rappeler que le formalisme strict qui caractérise ces contrats se justifie aussi par la précarité dans laquelle il place les salariés ? 

 


(1) Art L.3123-27 C.trav. (anc L.3123-14). 

(2) Il doit en outre prévoir : qualification du salarié, éléments de la rémunération, les cas dans lesquels la répartition des horaires peut être modifiée, les modalités selon lesquelles les horaires sont communiqués par écrit au salarié, les limites dans lesquelles le salarié peut effectuer des heures complémentaires. 

(3) Cass. soc., 20.12.17, n° 16-23.511 ; à noter : les associations d’aide à domicile ne sont pas tenues de prévoir cette répartition, mais le contrat doit alors mentionner la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, la durée mensuelle de travail garantie au salarié et les horaires de travail doivent lui être communiqués par écrit chaque mois. 

(4) Cass.soc.26.06.18, n°17-11629. 

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