[Tribune] Communication des assureurs à l’ère du covid19- Dons, sinistres et dividendes

Nous vous proposons aujourd’hui cette tribune de Romain Durand.

L’observateur du monde de l’assurance peut aujourd’hui rapprocher des phénomènes de communication épars dont l’articulation générale laisse perplexe.Le premier phénomène, c’est la floraison de dons faits par les assureurs aux associations en tout genre, le développement des initiatives en faveur de tel ou tel fonds, de la croix rouge, d’associations impliquées dans la lutte contre le covid19. Il n’est pas de jour sans que les sociétés d’assurance ou leurs associations professionnelles n’annoncent une nouvelle initiative, et la liste mondiale en serait trop longue pour la donner ici. On ne peut contester les motivations de ces initiatives, elles doivent cependant être vues à la lumière d’autres éléments. 

Le deuxième phénomène ce sont les déclarations ambiguës ou carrément négatives sur l’idée de couvrir les conséquences de la pandémie en matière de sinistres. Alors que la communication sur les dons citée plus haut est claironnée à tous les vents, celle sur la réticence à régler les sinistres liés au covid 19 en matière de pertes d’exploitation est plus discrète. On a déjà écrit ici que cette communication est à la fois techniquement valide et politiquement inaudible (Et si les assureurs étaient en train de perdre la bataille de la communication en matière de Corona virus ?). Cette réticence, parfois bien fondée je le rappelle, est en train de susciter une vague mondiale de procès dont on peut parier qu’ils prendront des années et ne se concluront pas forcément au profit des assureurs. Elle conduit aussi des hommes politiques à appeler les assureurs à leurs responsabilités sans qu’on sache trop de quoi ils parlent, car on l’a déjà dit leur responsabilité n’est pas de payer des sinistres non dus. Sans doute n’est ce qu’un simple effet de réthorique visant à faire plaisir à leurs électeurs qu’ils savent mécontents. 

Le troisième phénomène ce sont les déclarations de suspension de paiements de dividendes qui commencent à apparaître çà et là. Pour être honnête, les sociétés sont largement encouragées dans cette voie par certaines autorités. On a du mal à comprendre ce qui motive cette étrange recommandation des régulateurs. On se rappelle leurs propos encourageants au moment des divers stress tests sur la solidité financière des compagnies d’assurance qui devait leur permettre d’absorber sans souci les crises à venir… D’un coup d’un seul voilà que la situation de liquidité serait devenue inquiétante au point de restreindre le paiement des dividendes, mais aussi des bonus… On serait tenté de dire « tous ces calculs pour ça ? ». 

Toutes ces déclarations et phénomènes que je mets en perspective m’amènent à penser, de manière un brin caricaturale, que la crise du covid19 nous montre un monde étrange de l’assurance où les bons sentiments, sous forme de dons à faible dose et peu coûteux, chercheraient à remplacer le débat sur le rôle de l’assureur dans une pandémie et ses engagements vis à vis de ses actionnaires. 

 

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