Travailleurs détachés : la nouvelle sanction de la loi Macron

Cet article provient du site du syndicat de salariés CFDT.

 

Un décret vient préciser la marche à suivre concernant la nouvelle sanction administrative issue de la loi Macron (1) : à savoir la suspension temporaire de prestations de services internationales, en cas de manquements graves de l’employeur. Décret n°2015-1579 du 03.12.15 (2).  

 

Injonction avant suspension de prestations de services 

Créée par la loi Macron (3), la suspension de prestations de services est une nouvelle sanction administrative qui prévoit que lorsqu’un agent de de contrôle constate un manquement grave commis par un employeur (4), établi hors de France et qui détache des salariés sur le territoire national, il lui enjoint par écrit de faire cesser la situation. 

L’employeur dispose alors d’un délai de 3 jours à compter de la réception de l’injonction, pour mettre fin à cette situation. Ce délai peut être réduit en cas de circonstances exceptionnelles, sans qu’il puisse être inférieur à 1 jour. L’injonction est adressée au maître d’ouvrage ou au donneur d’ordre du cocontractant du prestataire et également au représentant de l’employeur (5). 

A défaut de régularisation, dans le délai requis, l’agent de contrôle transmet au Direccte (autorité administrative compétente) un rapport relatif au manquement qu’il a constaté (6). 

Le représentant de l’employeur est celui qui est désigné sur le territoire national par l’employeur (établi hors de France) dans le but de faire la liaison avec les agents de contrôle pendant la durée de la prestation (7). 

 

Notification de la suspension et informations des personnes concernées 

Au vu du rapport et avant de notifier sa décision, le Direccte invite le représentant de l’employeur à présenter ses observations dans un délai de 3 jours à compter de la réception de l’invitation. Ce délai peut être à nouveau réduit en cas de circonstances exceptionnelles, sans qu’il puisse être inférieur à 1 jour. A l’expiration du délai fixé et au vu des observations, le Direccte peut notifier au représentant de l’employeur une décision motivée de suspension temporaire, eu égard à la répétition ou à la gravité des faits constatés. Cette décision doit indiquer la durée de la suspension (qui ne peut excéder un mois) ainsi que les voies et délais de recours (8). Il doit informer de cette décision le préfet du département dans lequel est situé l’établissement (ou le préfet de police pour Paris) (9) et sans délai le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre cocontractant du prestataire. 

Par ailleurs est précisé que lorsque la prestation porte sur un chantier de bâtiment ou de travaux publics (BTP), la décision du Direccte est notifiée dans le même temps au responsable de chantier et au maître d’ouvrage. Ce dernier prend les mesures permettant de prévenir tout risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs, des usagers ou des tiers, qui résulterait de la suspension des travaux. La décision de suspension est également portée à la connaissance du public par voie d’affichage sur les lieux du chantier (10). 

 

Sanction en cas de non-respect de la suspension 

Le fait pour l’employeur de ne pas respecter la décision de suspension est passible d’une amende administrative inférieure ou égale à 10 000 euros par salarié concerné par le manquement (11). 

Le Direccte peut prononcer l’amende en vertu des articles R. 8115-2 et R. 8115-5 du Code du travail. Est notamment prévu que l’amende est notifiée à l’employeur par l’intermédiaire de son représentant. 

 

Fin de la suspension 

L’autorité administrative peut mettre fin à la mesure dès lors que le représentant de l’employeur fournit les justificatifs de régularisation. Il s’agit donc d’une mesure conservatoire, permettant d’exercer une pression afin, par exemple, d’obtenir des documents améliorant le contrôle de l’inspection du travail. Le Direccte informe sans délai de sa décision toutes les personnes concernées par cette procédure, c’est-à-dire le représentant de l’employeur, le maître d’ouvrage ou le donneur d’ordre cocontractant du prestataire ainsi que le préfet compétent (12). 

La parution du décret rend applicable cette nouvelle sanction administrative. Elle devrait sans nul doute permettre de lutter efficacement contre les fraudes liées au détachement puisqu’elle peut s’exécuter directement sur le territoire français, y compris lorsqu’il n’est pas possible de retrouver l’entreprise établie à l’étranger. Par ailleurs, est associé étroitement à la procédure le représentant de l’employeur (plus accessible puisqu’établi sur le territoire national). Ce qui lui permet ainsi de jouer pleinement son rôle.  

Le décret prévoit également d’étendre la compétence des agents des unités régionales d’appui et de contrôle en charge de la lutte contre le travail illégal aux dispositions relatives au détachement ainsi qu’à la santé et la sécurité (13). 

 

 

 

(1) Loi n° 2015-990 du 06.08.15 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques. 

(2) Décret n°2015-1579 du 03.12.15 relatif à la suspension temporaire de la réalisation de prestations de services internationales illégales et à la compétence des agents de contrôle de l’inspection du travail des services déconcentrés. 

(3) Art. L. 1263-3 et suivants C. trav. 

(4) L’article L. 1263-3 du Code du travail précise les manquements graves concernés (non-respect du Smic, des durées du travail, du repos…) 

(5) Art. R. 1263-11-1 C. trav. 

(6) Art. R. 1263-11-2 C. trav. 

(7) Art. L. 1262-2-1 II C. trav. 

(8) Art. R. 1263-11-3 C. trav. 

(9) Art. R. 1263-11-4 C. trav. 

(10) Art. R. 1263-11-5 C. trav. 

(11) Art. L. 1263-6 C. trav. 

(12) Art. R. 1263-11-6 C. trav. 

(13) Art. R. 8122-8 et R. 8122-9 C. trav. 

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