En droit, tout est question de formulation… et d’harmonisation !
Un arrêt du 22 septembre 2015 de la chambre criminelle de la Cour de cassation apporte une précision sur l’articulation entre le travail dominical et la mensualisation du salaire.
Dans les établissements de commerce de détail, par suite de dérogations accordées par le maire et sous certaines conditions, le dimanche peut être travaillé par les salariés. Depuis la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi (dite loi « Rebsamen »), le nombre de ces dimanches ne peut excéder douze par an.
Qu’en est-il de la rémunération du personnel amené à travailler ces jours-là ?
Aux termes de l’article L. 3132-27 du code du travail, chaque salarié ainsi privé de repos dominical perçoit une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente, ainsi qu’un repos compensateur équivalent en temps. Le salarié bénéficie donc d’une double contrepartie ;
– une rémunération au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente ;
– un repos compensateur équivalent en temps.
Les faits de l’espèce
Sur autorisation du maire, la société Célio France a ouvert le dimanche 4 juillet 2010 deux établissements aux enseignes Celio et Celio club. Neuf salariés employés en qualité de vendeurs ont travaillé ce jour-là. En contrepartie, ils ont bénéficié d’un repos compensateur le 14 juillet 2010, et perçu une rémunération calculée selon un taux horaire majoré de 50%.
La société a cependant fait l’objet d’un contrôle de l’inspection du travail donnant lieu à des procès-verbaux d’infraction, puis a été citée devant le tribunal de police du chef d’emploi dérogatoire non conforme de salariés le dimanche. L’inspecteur du travail avait notamment relevé que ce mode de rémunération n’était pas conforme aux prescriptions de l’article L. 3132-27 du code du travail.
La prévenue est relaxée en première instance, un appel est toutefois interjeté par le ministère public. Le 19 mars 2013, la cour d’appel de Paris confirme le premier jugement.
La motivation des juges
Les juges répressifs considèrent que le repos compensateur équivalent en temps, ainsi que la rémunération des heures travaillées ce dimanche une première fois à 100 % au titre du salaire de base mensualisé, puis une seconde fois à 150 % au titre de la majoration portée sur les fiches de paie, soit globalement à hauteur de 250 %, correspond bien à plus du double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente.
Ils sont pourtant censurés par la Cour de cassation. Par l’arrêt du 22 septembre 2015 rendu au visa de l’article L. 3132-27 du code du travail, la Haute juridiction estime que les juges ne pouvaient faire dépendre la rémunération du travail accompli dans le cadre d’une dérogation au repos dominical de celle, mensualisée, normalement versée aux salariés. La Cour pose le principe selon lequel le bénéfice de la double contrepartie est indépendant de la rémunération mensuelle normalement versée aux intéressés.
Conclusion
Pour l’établissement du bulletin de paie, la majoration au moins égale au double de la rémunération normalement due pour une durée équivalente ne doit pas être rapportée au salaire mensualisé mais bien à la durée effective du travail accompli le dimanche. Les heures ainsi effectuées sont à distinguer de la mensualisation pour le calcul de la majoration.
La position des Hauts magistrats est pertinente, en ce qu’elle consiste à harmoniser le régime de la rémunération des dimanches travaillés. En effet, cette précision conduit à valoriser de la même manière un dimanche travaillé que ce soit en février ou en juillet. Quelle que soit la période dans l’année où le salarié effectuera son travail dérogatoire un dimanche, son activité lui sera rétribuée selon un calcul plus en adéquation avec le nombre réel d’heures accomplies.